APOLLONIDE,souvenirs de maison close

corinne-antorel

Apollonide, Temple de la chair, splendide, sordide...

Univers de bien des fantasmes, chaque soir tombent les masques.

Atmosphère feutrée de passés chargés, tout aussi épais que le velours élimé de ces lourdes et sombres tentures. Ambiance bon enfant qui pourrait laisser un instant oublier les véritables motivations qui mènent les hommes en ces murs.

- “Nights in white satin,  never reaching the end….

Envoutant maudit blues sur fond de maison close ne cesse de murmurer à mon âme torturée … Ose.. ose….


Filles de rien ou plutôt si,… faciles, dociles à la peau blanche. Sur cet air, tendrement enlacées interminablement se déhanchent .

Troublantes, vibrantes, accrochées à leur destinée de paumées. Déchirantes, pleurant l'une des leurs, avant l'heure emportée, par ce mal qui s'était immiscé en elle, à force de « coucher ». Et qui à l'aube de sa vie l'a fait crever, sans même avoir aimé.


Puis cette autre, pulpeuse baigneuse offerte aux caresses de mains expertes. Corps mouillé qui se plie volontiers aux exigences de celui qui paie, certes.

Pourtant aucunes dettes à rembourser…

Aucun besoin de fuir….de se cacher…

Non, elle veut surtout ne pas avoir à trimer aux champs. Un peu dérangeant, avouez… pour le moins déroutant. Avoir de l'argent facile, ne rien devoir à personne. Entrer en maison close pour être libre, en somme….


Femmes bouleversantes, résignées, saisissantes d'humanité. 

Plus respectables au final que ces messieurs de la bonne société, pour lesquels elles sont vouées à écarter les jambes, à jouer les putains. Pas d'autres façons dans un bordel, c'est certain, de gagner son pain.

Singulière marionnette, poupée cassée soumise aux caprices de l'homme. Regard hagard de celle qui se noie, s'oublie dans les vapeurs d'opium, pour éviter de penser à cette sinistre réalité qui aujourd'hui l'a rattrapée.

Qu'aucun de ses clients attitrés, jamais ne l'installera dans un petit meublé. Que ses rêves d'un autre ailleurs se sont tirés sans crier gare, au fil des passes. Qu'il ne lui reste pour tout bagage que ce corps-objet détesté, elle est lasse. Son être n'en peut plus de banquer pour racheter ses erreurs passées.

Danser pour ne pas sombrer, surtout ne pas pleurer, juste continuer. Plutôt crever que d'imaginer un bébé qu'elle n'aura jamais, un foyer.


Et puis le drame infâme d'un beau visage mutilé sur un sourire à jamais figé, regard horrifié. Attachée, poignets liés, un couteau bien aiguisé manié avec dextérité. Blessures assassines infligées par un homme qui l'écoutait juste parler. Qui bizarrement la payait pour ne pas la toucher, peut-être allait-il l'épouser ?

Lui au moins la respectait, lui donnait le sentiment enivrant d'exister.

Elle a simplement eu le tort d'oublier qu'elle n'était …..qu'une prostituée


“-Nights in white satin Never reaching the end….

Et ce foutu maudit blues qui en moi douloureusement s'insinue. S'immisce dans mon âme, sans retenue, me laissant presque à nue. Se jouant sans pitié de ma sensibilité de petite fille meurtrie, abusée. Exacerbant sans l'ombre d'un regret ma sensualité d'être déchirée.

Me séduit….Me détruit.

M'assujettit….Me pervertit.

Et s'approprie contre ma volonté, mon corps consentant de femme…..au bord des larmes.

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