Au delà des apparences

Marcel Alalof

  Au delà des apparences

 

J'ai rendez-vous avec une jeune femme que je ne connais pas. Elle arrivera, en principe, vers 6:00 du soir. Il est presque l'heure.

 Je commence à mettre un peu d'ordre dans le bureau. Je range les Kleenex qui trônent au milieu du meuble, fais disparaître la tasse de café vide, écarte toute trace de ce qui pourrait paraître saugrenu, car il s'agit d'une réunion de travail. Je ne repeins pas les murs, mais j'aimerais bien.

Le réveil sonne. Il est 18:00. Au même moment, le carillon de la porte annonce une visite. Je me lève pour aller ouvrir. Mais, la porte n'était pas fermée.

Entre , non pas une femme, mais la femme, le zéro défaut, ou peu s'en faut. En tout cas je n'en vois pas. Au-delà des traits réguliers, de la stature, émane d'elle une incroyable chaleur. Elle n'est pourtant pas en représentation, mais en retrait, réservée.Je la fais entrer dans mon bureau où la discussion s'instaure.

 J'ai, réellement et pour la première fois, en face de moi « Le Phénix des hôtes de ce bois » en quelque sorte, car je n'ai jamais entendu de propos, digressions comprises, aussi profonds.

Je suis complètement pris par ce qui émane d'elle, par le trait de son regard, le rythme de ses phrases, son souffle.Et en même temps, je ressens les bienfaits qu'elle engendre, car, à mon tour, je réponds par des propos qui semblent venus d'ailleurs, ou du plus profond de moi-même, passionné par la discussion, comme je ne l'avais jamais jusqu'alors été que par une lecture d'exception.

Le flot partagé forme un tout qui nous unit, nous sommes un.

 Et puis, ai-je voulu séduire ! Je ne sais. Je lui fais un compliment qui  peut-être la flatte. Car elle me sourit.

Et ces chicots noiratres devant moi exposés me signifient brutalement que je suis moins profond qu’elle.  Sans doute me parle t’elle encore.Mais, je n'écoute plus. Rapidement je lui dis :

« C'était un bon premier contact ! », sachant bien qu'il n'y en aurait pas d'autre. Puis, je la raccompagne et referme la porte sur elle. Et sur moi. 

Le lendemain matin,je me prends à penser à elle,à l'impression qu'elle m'a fait.J'ai honte.Après tout,mon père était bien rentré d'Allemagne avec les dents pourries.M'a t'elle rappelé mon père?Je me sens coupable,veux la rappeler et me souviens que je n'ai pas demandé ses coordonnées.Je n'ai que son prénom,insuffisant pour la retrouver.Alors,je n'y pense plus.Tant pis!

Quelques jours plus tard,je remets de l'ordre.Je déplace le fauteuil ou elle s'était assise,avance ma main pour redresser les coussins.Je sens entre le siège et le dossier,unepetite enveloppe dure,dont je me saisis.Je n'en avais pas vu depuis le Lycée:une tablette de Zan!

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