Auto édition (1)

Christophe Paris

LA MATIERE PREMIERE (Lettre en réponse à une auteure qui imprime son livre en auto-édition), burlesque.


Chère madame C,

nous avons bien reçu votre commande d'un livre en vue d'une dédicace concernant un certain moustik, euh loustik. Je tenais donc à vous tenir informée de l'avancée de celle-ci. C'est avec plaisir que je vous confirme qu'après deux  mois passés dans la jungle, nous allons aujourd'hui  abattre l'arbre qui servira à la fabrication de votre ouvrage. L'acheminement de celui-ci vous permettra d'avoir suffisamment de temps pour produire votre nouvelle œuvre, ce tronc se situant à 400 km de Bogota en pleine forêt. Je vous vois déjà écrire une lettre vous plaignant de ce délai. Certes nous sommes en retard, mais c'est un peu de votre faute. Voilà maintenant un mois que notre maigre solde de 10 dollars fût remplacée, n'ayant ni  bar à putes ni tripot ou les dilapider, par votre première publication. J'ai alors dû prendre en compte de nouveaux facteurs et changer mon mode de production.

En effet depuis votre lecture mon équipe et moi-même avons beaucoup changé. Mes bûcherons sans exceptions se sont tous pris de passion pour vos écrits et pensées philosophiques. Dorénavant ils passent leur temps à écrire des poèmes sur les arbres, certains leur chantent des odes, d'autres les embrassent et les enlacent, j'en ai même un qui s'est mis à forniquer sur une branche où se reposait un babouin local. Les râles de la pauvre bête tronçonnée par Maximo, qui porte bien son prénom, ont alors attiré ces autochtones aux joues rouges et aux plumes dans les fesses. J'ai bien cru que notre dernière heure était venue. Que nenni.

Les indiens furent d'abord interloqués de voir que l'on pouvait utiliser le babouin local à d'autres fins que la nourriture. Ils commencèrent à nous demander si nous pouvions leur donner, le babouin. C'est avec empressement que je demandais donc à Maximo de descendre avec son sex-friend. Une fois le trafic de viande de singe effectué, ils s'intéressèrent à votre livre.

Dans un premier temps ils en furent renversés, ce n'est qu'après avoir retourné celui-ci dans le bon sens qu'ils prirent la mesure de votre talent. Ils n'en revenaient pas qu'une gringa du monde moderne fasse preuve d'autant de poésie et de finesse. Sous le charme ils nous laissèrent donc choisir un arbre à couper. Devant mon hésitation, car vous nous aviez commandé une espèce rare, le chef me proposa le seul et unique Huanghuali de la forêt. Cette essence qui ne pousse qu'en Chine se trouvait là suite à de troubles gastriques de touristes chinois en trekking de survie. Cet arbre faisait la fierté d'oumpapalélé le chef. Il m'expliqua qu'il serait encore plus fier si celui-ci pouvait servir à devenir un collector. Je lui promis que vous lui feriez une petite dédicace dans sa langue, et qu'effectivement cet ouvrage serait collector, vendu à prix d'or, contrairement à l'arbre vendu à prix dérisoire. Voilà nous terminons la prière de sacrifice pour demander à notre tronc chinois de nous pardonner et commencerons ensuite son rapatriement. C'était donc le dernier que je coupais comme convenu avec oumpapamonpote, lui et moi allons maintenant nous consacrer à la méditation en forêt et à une étude plus approfondie du babouin local. Un dernier mot encore, l'imprimeur a été délocalisé en Islande. C'est donc pour vous éviter un coût carbone trop élevé que je vous ai mise en relation avec un fabriquant de papier au Pérou.

Cordialement, votre ex serviteur.

Mac hache.

CHRISTOPHE PARIS.

Signaler ce texte