Boomerang
Stéphan Mary
J'en prends plein la gueule. Le manque d'Elle est terrible alors je me noie. Loin d'un corps en putréfaction me reviennent en boomerang nos heures passées à s'aimer. Je m'abîme loin des bruits de la ville dans une solitude malvenue. La mer rejette sur le rivage des souvenirs de proximité.
Ma fureur n'a d'égal que le désespoir d'un amour mort né.
Nous n'avons pas eu assez de temps pour prendre le temps de s'engueuler, se détester pour mieux se retrouver.
Je suis deux divisible dans un écrin morcelé. J'ai couché pour oublier mais je n'ai pas embrassé. Je me suis avilie dans le caniveau du passé. Je l'ai cherchée partout sans la retrouver. Je suis vomissure de souvenirs tout juste trépassés. Partir loin ne servirait à rien. Partir tout près n'est pas dans mes cordes, solitude absolue d'un corps adoré. Je vois ses yeux dans lesquels j'ai plongé. Je sens ses lèvres que j'ai bécotées, sa peau que j'ai caressé. Le plus possible, sans vergogne, j'ai mordillé.
La vie à plein poumon on s'est empiffrées.
Son holster me manque, tout comme sa façon particulière de déposer son flingue sur la table de chevet. Je n'entendrais plus la walkyrie qui annonçait son départ précipité pour une autre histoire, une histoire dans laquelle je n'étais pas. Les quidams peuvent continuer à défourailler, il y en a une en moins pour les en empêcher. Des femmes continueront à se faire violer, elle n'est plus là pour les protéger.
J'écris. Je ne sais pas ce que j'écris. Je ne sais pas à quoi je pense. Tout est reflet de promiscuité dans un lit accueillant. Nous nous retrouvions le coeur battant, le corps en souffrance du manque.
Nous étions bien. Quelque chose commençait à se dessiner. Le peintre n'a plus qu'à tout ramasser. Circulez, il n'y a plus rien à voir, plus rien à deviner.
J'en prends plein la gueule, boomerang de souvenirs incontrôlés,
Boomerang d'une vie déchirée. Et quand le rideau se lèvera sur les comédiens désordonnés, quand le rideau montera haut dans les cintres, quand la poursuite éclairera un rond vide de sens et que la musique sourde viendra déverrouiller mes oreilles bouchées, alors la vie reprendra son sens.
En attendant j'en prends la gueule.
J'aime.
· Il y a presque 13 ans ·Christophe Dessaux
Emouvant...bravo !!!
· Il y a presque 13 ans ·Pascal Germanaud
CDC , voilà...
· Il y a presque 13 ans ·lg0
Ah oui, très bien, les souvenirs en boomerang.
· Il y a presque 13 ans ·le-fox
Un manque brûlant !!
· Il y a presque 13 ans ·theoreme
Le manque de l'autre, chaque jour nous détruit, et les souvenirs qui reviennent comme un boomerang, nous brisent, à vie.
· Il y a presque 13 ans ·Yvette Dujardin
déboussolant. triste. intense. parfait.
· Il y a presque 13 ans ·pepitaa
J'adore les textes qui commencent et finissent par la même phrase, les émotions sourdes, intenses, la déperdition, le manque de sens, le tournis de chercher ce qui n'est plus. Un sujet dur, des mots émouvants, merci :)
· Il y a presque 13 ans ·Alice Neixen
bravo j aime beaucoup
· Il y a presque 13 ans ·christinej
bravo, très beau texte. une tristesse très bien décrite qui nous fait mal...
· Il y a presque 13 ans ·Karine Géhin
Juste pour le plaisir de lancer la réplique à Mathieu Jaegert, je dirai que c'est aux tripes que ça m'a prise. Les sensations décrites dans ce texte ont de la substance.
· Il y a presque 13 ans ·vert-de-grisaille
Boomerang en plein coeur que ton texte et ses mots.... Touchée.
· Il y a presque 13 ans ·junon