CHACUN POUR SOI

Marcel Alalof

                                           CHACUN POUR SOI

 

 Je lui demande l'heure.Elle remarque la montre à mon poignet, comprend que c’est juste un prétexte pour l'aborder.

 Je lui tends la montre, que j'ai détachée de mon poignet et lui demande à nouveau l’heure, la regardant paisiblement, sans sourire. Elle fixe le cadran , s'aperçoit que la montre ne fonctionne pas. Elle sort un minuscule tournevis de son sac de soirée, défait le couvercle arrière, sort la pile de son logement et la remplace par une pile neuve.Elle prend son téléphone portable - elle consulte vraisemblablement l'horloge parlante- bloquant celui-ci entre son épaule et son oreille, pour libérer les deux mains et régler la montre, qu'elle me tend.

Elle n'a pas répondu à ma question, ne m'a pas donné l'heure, mais le moyen de la consulter. Je sors une liasse de billets pour la désintéresser. Elle repousse ma main tendue.

Je lui demande du feu. Elle me tend deux morceaux de silex.

Je l'invite à déjeuner. Elle balaie d'une main ma proposition et de l'autre tire un sandwich de sa poche latérale.Un seul.

Elle refuse tout.

Je sors mon revolver et lui demande de me tirer une balle dans la bouche.

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