Faites la taire

mamzelle-plume

Prise au piège, des étoiles plein la tête. Elle relance le manège, se souhaite muette. Suppliant le ciel, qu’il lui prête lui ses ailes. Afin que la démone puisse s’envoler.

Le commencement est difficile à amorcer. Elle le sait. Fidèle habituée, elle ne peut s'empêcher de le redouter. Elle essaye encore d'anticiper la douleur. Marouflant sa peur, de litanie consolante. 

Effrayée par sa propre souffrance. Se sentant condamnée à perpétuité. Elle prend peur. Peur de ne pas y parvenir, et d'en vain, se détruire.

Les lumières vacillent. Volets fermés sur son petit monde, son esprit gronde. Les couleurs défilent dans son crâne, l'attente du prochain coup se fait palpable. Son corps se convulse, sous cette tempête furibonde. Elle entame alors son fameux solo, lucarne ouverte.

Elle se déverse, tente de s'oublier.

Les vagues dansent, elles lui sont consolantes. Tandis qu'elle se saigne. Qu'elle se dilate la glotte. Elle cherche, chine, fore en secret. Le moyen d'en extirper son cœur. De se libérer de son calvaire. Ses doigts l'éraflent, l'écorchent, puisant toujours plus profondément dans sa gorge.

Ivre de son mal-être, elle retient de peu un éclat de rire. Dégustant cette causticité. Elle ne parvient à dénouer les fils entrelacés, présents dans sa tête. Elle cogite. Ses maux divaguent, s'amoncellent. Son esprit embrumé,  s'enrhume face au contour d'un plafond nuit dévasté.

La machine se met en route, les turbines se lancent. Les gestes se font mécanique. Elle en oublie ce qu'elle fait. Qui elle est.

Ses raclements agressifs sont emmitouflés, engoncés dans des fatras routiniers. Elle tient à ce que nulle ne les entende. A ce que nulle personne ne puisse l'écouter. Tandis qu'elle dégueule sa honte croupissante, et ses remords moirés. Comme toujours, méticuleuse. Elle tente d'étrangler ses cris du cœur. Les « hits » de l'été s'entrechoquent, sous son pare-choc. Envahissant la pièce, et recouvrant son monde délabré d'un voile opaque. Les tubes défilent. La jeune femme continue de perdre pied.

Fébrile, trop hâtive, ses genoux se cognent.  Longeant sa peau, des effluves de sueur rejoignent les appétissantes paillètes argentées. Jaillissante de sous ses volets clos.

Elle se sent stupide, réellement inutile.

Ses pensées vagabondes, s'éparpillent de toute part. Elle pourrait presque en effleurer les lettres. Continuant de peindre son œuvre, sans relâche.

A nouveau, son âme s'éloigne. Elle laisse son corps faire sa sale besogne, tandis qu'elle s'oublie. Elle glisse, sombre. Chavire dans un autre monde. Les vagues cruelles, lui semblent tout à fait lointaines.

Désormais, ce n'est plus elle. Ce n'est plus elle qui maintient ses doigts au fond de sa gorge. Ce n'est plus elle qui s'acharne à se purger. Ce n'est plus elle qui tente de noyer son cœur, d'ensevelir sa honte sous des plaintes emmaillotées.

Elle a quitté son corps. Se protégeant de ses actes instables. Observant ce bout de femme. 

Elle la trouve sale. Et pitoyable.

La dévisager devint rapidement insoutenable. Alors, la misérable divague. Flirtant sur les vagues. Ombre parmi ses maux, elle envoie valser les souterrains pour des eaux plus calmes. Ses pensées errent. Elle songe à l'été, aux vacances ensoleillées… Déraille vers des mondes parallèles.

A ce moment précis, elle donnerait tout pour être allongée sur le sable, la peau cramoisie par un soleil de plomb, les cheveux en éventail, le corps encore délicieusement salé par la marée. Elle donnerait tout pour ne pas être enfermée, recluse dans son mal être. Cloitrée dans sa nuit, infinie. Soumise à ses démons, les plus profonds. Elle souhaiterait ne plus jamais s'alimenter, ne plus jamais nourrir sa haine, son rejet d'elle-même.

Alors, elle plonge.

Elle laisse son esprit délirer. Elle se promet d'y arriver, de ne plus échouer. Tandis qu'une part d'elle, rit, à tue tête. Elle sait déjà qu'elle n'y arrivera pas.

Jamais.

Parce que tout en elle, respire la destruction. Du vice, elle est l'incarnation.

Elle vit de dégout et de haine. Respire la peine et l'insatiable rengaine. Se couche de peur et de rancœur.  Se noie d'espoir et de rêves mouchoirs.

Tandis, qu'elle se crève de pleurs.

Oui, ses maux s'acharnent. Elle ne cesse de se blâmer. Le vide s'insinue. Mais rien n'y fait. Elle se sait condamnable. Pourtant, dieu seul sait à quel point, elle préférait sentir la froideur de la mort, l'emporter. Plutôt que d'essuyer la douleur de cette lame, avidement plantée dans ses entrailles.

Elle se trouve lamentable. Le constat est effroyable. Elle regrette. Ses pulsions l'écoeurent. Ses sentiments la suffoquent, ses émotions l'égorgent. Elle en a plus qu'assez. Elle voudrait en crever.


Dans son âme, c'est la débâcle.

La vie perd peu à peu de son éclat, lorsque le menu qu'elle propose n'est pas assez varié. C'est inévitable.

Elle regarde le pommeau de douche, en oscillant son crâne, ses deux doigts meurtriers essayant toujours de la perforer. L'impensable s'insinue, dévastant les derniers remparts présents dans son âme. La demoiselle divague. Elle navigue dans un labyrinthe, où chaque chemin la conduit inlassablement à sa propre fin.

Chavirante. Elle fantasme mille et une manières d'en finir. Toutes plus douloureuses les unes que les autres. Des images morbides patinent son âme. Rapidement, successivement, les idées défilent. Délirante. Ensachée dans un puits de pulsions. Elle aimerait s'étrangler, s'asphyxier, s'écorcher les veines… Elle médite, spécule sur les bienfaits d'une éventration rapide.  Puis les clichés se brodent de nouveau. Elle pense à se taillader les cuisses, à se poignarder la poitrine, jusqu'à en extraire son cœur…

Que le rouge puisse se répandre. Que son sang se déverse, l'imprègne, l'irrigue. Elle trouve le sang, sublime. Depuis toujours, le rouge est sa torréfaction. Elle revoit le carmin des roses l'effleurer, la dorloter. Elle souhaite retrouver cette pureté.

Alors, elle gamberge. Creuse, fouille, le moyen de se retrouver.

Elle souhaite éteindre le feu, qui lui brûle le cœur, qui lui incinère ses rêves. Elle aimerait se vider, se dépouiller de ce poison qui lui ronge les os, qui lui vole son âme. Elle laisse alors, la machine se relancer.

Elle croque la mort. La lèche, la dévore.

La tête lui tourne, le plafond s'effondre, les murs la toisent. Les ruisseaux s'écoulant de part ses paupières, ce sont depuis longtemps tari, laissant sa peau douloureusement rougie. Ses jambes flageolantes, ne semblent plus la porter. Tandis que son âme vagabonde, paraît flotter.

Ses épaules s'affaissent, tout lui semble indigeste. Des idées funestes continuent de trotter. Elles furètent, se cachent dans un recoin de sa tête. Patientant fébrilement, la prochaine crise. Attendant le jour où la jeune femme se retrouvera au bout de tout, où la minuscule flamme d'espérance, se sera éteinte, où la cire bouillonnante, l'aura à tout jamais consumée.

Le chagrin s'évapore, vient le réconfort du vide. Elle le savoure, déguste lentement chaque saveur, chaque note. Elle sait désormais que cette sensation de réconfort, ne dure jamais.

Alors hâtivement. Elle inhale ses derniers rêves, subtil parfum de rose poivrée, s'y accroche de toutes ses forces. Elle s'y amarre, touche du bout du nez une feuille de violette froissée, mélange d'écorce d'amande et de vanille boisée, ultime senteur des encres de son passé.

Elle détaille ces parfums fumeux, elle sait qu'elle les connaît. Les tâte, les presse contre ses narines… S'enivre.

S'envole… Jusqu'à ce que ce que le sol,

Sous ses pieds, se dérobe.

 

 

 

 

  • très très beau, waouh

    · Il y a environ 7 ans ·
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    nawel-

  • Texte poignant qui m'a tenu en haleine jusqu'à la fin. Très sensible à tes mots, merci !

    · Il y a plus de 9 ans ·
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    Paloma Farmer

    • Merci à toi, tes mots me touchent d'autant plus !

      · Il y a plus de 9 ans ·
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      mamzelle-plume

  • Très belle lecture, je dirais qu'il y a plus de poésie que de prose et c'est ce qui fait sa réussite!

    · Il y a environ 10 ans ·
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    Djamel Rouai

    • Merci beaucoup pour votre passage et votre avis !

      · Il y a environ 10 ans ·
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      mamzelle-plume

  • Que d'émotions ça prend au corps. Il y a de très belles formules poétiques, c’est un texte fort et bouleversant.

    · Il y a environ 10 ans ·
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    christinej

    • Merci beaucoup Christine pour ton passage !

      · Il y a environ 10 ans ·
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      mamzelle-plume

  • J'aime beaucoup ce texte, et en particulier les derniers paragraphes, c'est comme si l'adrénaline montait ...

    · Il y a environ 10 ans ·
    20180127 095151

    Mathilde En Soir

    • Merci beaucoup pour ton passage, je suis ravie de savoir qu'il te plait... :)

      · Il y a environ 10 ans ·
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      mamzelle-plume

  • J'ai beaucoup accroché sur ce moment là... Alors hâtivement, elle inhale ses derniers rêves, subtil parfum de rose poivrée, s'y accroche de toutes ses forces. Elle s'y amarre, touche du bout du nez une feuille de violette froissée, mélange d'écorce d'amande et de vanille boisée, ultime senteur des encres de son passé.

    · Il y a environ 10 ans ·
    Philippe effect betty

    effect

    • C'est le moment le plus doux, on va dire, je suis heureuse de le savoir, merci beaucoup pour le passage.. :)

      · Il y a environ 10 ans ·
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      mamzelle-plume

  • Superbe texte... et l'écriture nous entraîne dans ce tourbillon avec elle, sans qu'on en sente la mécanique... fort !

    · Il y a environ 10 ans ·
    Yahn 3

    yahn

    • Merci beaucoup pour tes mots et ton passage , c'est toujours agréable !

      · Il y a environ 10 ans ·
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      mamzelle-plume

  • C'est terrible, ça prend à la gorge... Cette descente aux enfers jusqu'au non-retour... Cette autodestruction qui la ronge... C'est terrible...

    Il y a des métaphores très fortes, et ta poésie rend les émotions encore plus vives !

    · Il y a environ 10 ans ·
    20130820 153607 20130820153847362 (2)

    rafistoleuse

    • Oui, ce n'est pas un de mes textes les plus heureux, mais j'ai tendance à exploiter cette noirceur... Le non-retour, j'aime à croire qu'elle possède encore ce choix. La flamme est encore là, fébrile et languide, mais bel et bien présente.

      Merci beaucoup pour ton passage, ici-bas, cela me réchauffe le coeur !

      · Il y a environ 10 ans ·
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      mamzelle-plume

    • C'est vrai, les plus petites flammes sont aussi les plus tenaces :)

      Tendance à exploiter la noirceur, tiens tiens ça me correspond pas mal ça ^^

      · Il y a environ 10 ans ·
      20130820 153607 20130820153847362 (2)

      rafistoleuse

    • Exactement :)

      Je vois et bien n'hésite pas à l'utiliser encore et encore... Si la douleur peut servir, l'écriture peut permettre de panser certaines blessures, du moins les mettre sur papier peut doucereusement t'apaiser... ;)

      · Il y a environ 10 ans ·
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      mamzelle-plume

    • L'écriture-pansement, l'écriture putching-ball, heureusement c'est aussi très souvent l'écriture-évasion, l'écriture-exploration, l'écriture-trampoline :)
      Elle est pratique, l'écriture, elle s'adapte à tout :)

      · Il y a environ 10 ans ·
      20130820 153607 20130820153847362 (2)

      rafistoleuse

    • Je suis tout à fait d'accord... On peut dire beaucoup de choses à son sujet ! :)

      · Il y a environ 10 ans ·
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      mamzelle-plume

  • Bonjour Mademoiselle, je passe pour remercier et quand j'aurai le temps de te lire je viendrai car ce matin je suis charrette mais je viendrai... Juste le temps de te répondre et de te saluer Kiss et merci

    · Il y a environ 10 ans ·
    One day  one cutie   23 mademoiselle jeanne by davidraphet d957ehy

    vividecateri

    • Bonjour, C'est à moi de vous remercier alors pour vos futurs temps de volés. Je vois prenez votre temps, il serait malheureux que votre charrette, en un coup de vent, s'immobilise !
      C'est un plaisir de vous lire, je ne manquerais pas de poursuivre ma lecture également. :)

      · Il y a environ 10 ans ·
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      mamzelle-plume

    • merci Mamzelle...kiss

      · Il y a environ 10 ans ·
      One day  one cutie   23 mademoiselle jeanne by davidraphet d957ehy

      vividecateri

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