Histoire d'hommes

Camille Verdier

Je reçu un message intriguant: intrigue démultipliée par la chaleur étrange de cette nuit pure et ardente, par le silence de mes pensées, par la douceur de la lumière lunaire. Je le lis calmement, me délectant de sa signification, laissant mes sens papillonner curieusement.


Je répondrai à l'invitation de mon professeur de philosophie; homme admiré, qui m'a fasciné par son élégance des mots, son mystère psychique, sa beauté littéraire.


J'arrivai devant une salle désemplit, animée seulement de son charisme brûlant et de la belle lumière du soleil. Je restai silencieux, à regarder ses mains écrivant, ses petites rides se creuser, ses jambes se croiser. Il s'arrêta dans chacun de ses mouvements, et leva doucement la tête vers moi, m'illuminant de son regard de feu, et contenait difficilement ce sourire intérieur qui animait son âme. 

Je m'avançai dans ce silence étrange mais protecteur. Il se leva : les plis de sa chemise crièrent, la feuille remplie de sa fine écriture hurlait. Il me tendit sa main: je la serrai assidument, serrant identiquement son regard accrocheur. Son poignet, son coude, son épaule se contractèrent : les veines de son bras ressortirent de sa peau ambrée, pour s'apaiser calmement, lâchant ma main chaude, à regret. 


Nous parlions. 


Pendant nos paroles - que je n'osais qualifier de vaines et d'absurdes, mais qui n'étaient qu'un moyen poli et élégant de rythmer nos regards dévastateurs - ses mains s'entrecroisaient. Je n'avais jamais connu de mains aussi belles que les siennes : et, malgré mon relevé scientifique de détails infimes, je les redécouvrais indéfiniment, me délectant de cette beauté irréelle. 

Il jouait avec mon regard, en agitant successivement chacune de ses phalanges, faisant onduler ses ligaments, entortillant ses doigts les uns aux autres. Quelques coupures venaient contraster le brun de sa peau. Ses ongles polis, ses pliures de peau, ses veines turquoises ressortaient indécemment de cette composition physique magnifique : jamais une main n'avait été aussi belle. 

Je perdis le fil de la conversation; il s'en aperçu et conclut promptement. 

Je tournai la tête vers la large fenêtre ouverte, et m'aveuglait du soleil rieur. Je savais à présent que lui me regardait; phénomène agréable qui me dessina un sourire au coin des lèvres. 

Je glissai mes yeux dans les siens : je me levai, il resta assis, à me déshabiller du regard - de ce regard ardent, brûlant et sensuel qu'on n'ose à peine deviner. Il se leva après coup, baissant les yeux sur ses écritures pleurantes, et, il me sembla, dans un soupir de désir impossible.


Nous fûmes enfin à la même hauteur; ne nous séparaient que notre souffle mutuel et la chaude lumière du soleil. Nous nous serrâmes à nouveau la main. Mais, lentement, légèrement, il fit glisser ses doigts sur mon poignet, mon coude, mon épaule; il arriva jusqu'à mon cou frétillant, et enveloppa ma mâchoire et la naissance de ma nuque dans cette main divine. J'appuyais mon cou sur cette délicieuse main, rejetant la tête en arrière, fermant les yeux de plaisir, de surprise, de passion. Puis, nous nous dévorâmes du regard, nous nous embrassâmes des yeux; éperdument.


Et dans un élan de respiration rapide, dans un moment ou nos coeurs avaient arrêté de battre, il m'embrassa imperceptiblement la tempe, le creux de l'oreille, le début du cou, de ses baisers chauds, gourmands, discrets et incroyablement profonds.

Et nous étions contenus dans un désir inhumain d'amour, liés par cette folie sentimentale, confondus dans une volonté éclatante de volupté, unis dans un plaisir dévorant de chaleur brute.


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