immortelles

Susanne Derève

Ce sont des fleurs glacées
qu'on offre par brassées                 
à des jardins de pierres
 
ces cimetières frileux                 
antichambres aux adieux
des drames ordinaires
 
ces fleurs que la Camarde
accueille goguenarde
au coin d'un marbre noir
 
qu'on abandonne au vent
au grésil aux tourments
d'un sombre purgatoire    
 
ce sont les fleurs perdues                                                         
des amours éperdues
hommages dérisoires                        
 
tendus comme des mains
aux souvenirs défunts
aux ponts de la mémoire
 
corolles sans parfum                                                                       
sans pétales et sans tain
que la lumière captive                           
                                                                         
d'un Novembre morose
habille  d'ors et de roses                               
tel un baiser de  givre   
 
une douleur éclose
au parterre  où reposent
comme des encensoirs
 
ces blanches immortelles
des regrets éternels
dans l'étreinte du soir
 

          ~

 
Aux pâles chrysanthèmes
quand meurent les je t'aime
au jardin des adieux
 
je dédie ce poème
 



  • C'est le rendez-vous de novembre,
    celui des rendez-vous manqués.

    On dépose sur le marbre,
    des brassées de chrysanthèmes

    et parfois des roses
    devant les stèles grises :

    peut-être que les morts
    comprennent le langage des fleurs

    ou voudraient prolonger leur vie,
    d'où la couleur s'enfuit.

    Une offrande ultime:
    D'autres se décomposent en résine.

    Le jardin de pierres,
    se rappelle des vivants d'hier

    Les tombes sont des demeures de silence,
    elles se fichent des assauts du lierre,

    des allées de gravillons blancs,
    comme des saisons sur la terre .

    Pour se rafraîchir la mémoire ,
    on a gravé les patronymes :

    Il y a comme un arbre généalogique,
    qui se penche sur la famille,

    des ancêtres
    jusqu'aux lointaines cousines...

    Tout cela bien aligné
    dans les allées numérotées .

    En ce qui me concerne
    je ne serai pas locataire

    d'un caveau six pieds sous terre...
    et si tu viens un jour de novembre

    tu pourras t'en retourner,
    il y a longtemps que je serai parti en fumée :

    je ne participe pas au décor :
    pas de crime, pas de corps :

    même la police, en automne
    ne trouvera pas d'indices de notre homme :

    si tu en cherches la raison , la clef est dans ce poème
    ( car j'ai toujours détesté les chrysanthèmes)...

    -
    RC - fev 2018

    · Il y a presque 7 ans ·
    Tulip  avr  21  03

    rechab

    • Et …
      Si on m’interroge …

      Je confirmerai qu’il n’y avait pas de corps
      Que l’objet du délit

      s’il court encore

      c’est ce butin avec lequel le vent t’a pris :
      tous ces mots dérobés aux nuages
      dont tu voudrais toucher encore
      les arrérages

      après ta mort

      Si l’on m’accuse un jour d’être complice
      je dirai simplement qu’alors
      - en écriture – j’étais novice
      que tu m’as soudoyée

      et j’espère bien être acquittée

      (peut-être que mon amour des chrysanthèmes
      pourra m’aider)

      · Il y a presque 7 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

    • C'était sans doute un jour de tempête,
      le vent m'a pris sur le fait,
      en train de voler ces mots aux nuages,
      et les contraindre à former une image .

      Mais si je te dis,
      que ce n'était qu'un crédit :
      j'avais certes la main leste,
      mais mon emprunt était modeste .

      Maintenant mes mots
      se sont dispersés
      dans la cendre et la fumée,
      ils se répandent comme le dit Queneau

      se multiplient et essaiment
      en cent milliards de poèmes ;
      je les ai restitués;
      et ils ont fructifié

      partout sur la terre
      sauf dans le cimetière,
      car rien ne pousse sur ces pierres,
      que des sanglots et des prières...
      -

      · Il y a presque 7 ans ·
      Tulip  avr  21  03

      rechab

    • C'était sans doute un jour de tempête,
      le vent m'a pris sur le fait,
      en train de voler ces mots aux nuages,
      et les contraindre à former une image .

      Mais si je te dis,
      que ce n'était qu'un crédit :
      j'avais certes la main leste,
      mais mon emprunt était modeste .

      Maintenant mes mots
      se sont dispersés
      dans la cendre et la fumée,
      ils se répandent comme le dit Queneau

      se multiplient et essaiement
      en cent mille milliards de poèmes ;
      je les ai restitués
      et ils ont fructifié

      partout sur la terre
      sauf dans le cimetière,
      car rien ne pousse sur ces pierres,
      que des sanglots et des prières...

      · Il y a presque 7 ans ·
      Tulip  avr  21  03

      rechab

  • très chouette... cela coule comme une source au jardin clos de la nostalgie...

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Tulip  avr  21  03

    rechab

  • C'est très beau

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Avatar

    nyckie-alause

  • Magnifique !... j'adore !... ♡ ♡ ♡


    · Il y a plus de 7 ans ·
    12804620 457105317821526 4543995067844604319 n chantal

    Maud Garnier

    • Merci Maud d'avoir pris le temps d'explorer un peu de mon univers c'est toujours un enrichissement quand les chemins et les mots se croisent !

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      Susanne Derève

  • Et je pense au lierre
    Qui s'accroche sur les croix et les pierres
    Comme il prolifère et essaime
    Plus vivace encore que ces chrysanthèmes,
    Dont bientôt les têtes s'affalent
    et oublient leurs pétales...

    · Il y a presque 8 ans ·
    Tulip  avr  21  03

    rechab

    • bien joli commentaire, merci de ce partage

      · Il y a presque 8 ans ·
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      Susanne Derève

  • bien joué ! le chrysanthème fade en tirera le sel subtil qui brûla les lèvres du poète à l'œillet de mer

    · Il y a presque 8 ans ·
    Photo 1 orig

    Alain Balussou

  • pareil
    grande classe
    et pourtant je suis peu sensible aux poèmes en général mais là, ya de la graine de beaudelaire et c'est beau

    · Il y a presque 8 ans ·
    B%c3%a9b%c3%a9 rigolo

    Florence

    • commentaire qui me touche d'autant plus si vous n'êtes pas fan de poésie. Merci:)

      · Il y a presque 8 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

  • Magnifique !
    "Ce sont des fleurs glacées
    Qu'on offre par brassées
    à des jardins de pierres"....admirable !

    · Il y a presque 8 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • C'est trop :))
      (mais bien sur ça fait toujours plaisir...)

      · Il y a presque 8 ans ·
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      Susanne Derève

  • Magnifique poème...

    · Il y a presque 8 ans ·
    Oeil

    anne-onyme

  • oui, on peut voir cela comme ça :)

    · Il y a presque 8 ans ·
    W

    marielesmots

  • Superbe poème, tragique mais pas neurasthénique, et très bien apporté. CDC !

    · Il y a presque 8 ans ·
    Weekendplansnewest

    mlleash

    • Merci mais imparfait je crois que je retoucherai la fin !

      · Il y a presque 8 ans ·
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      Susanne Derève

    • Moi j'aime bien la fin :-) Le dernier vers peut-être, "Il manquait un poème" plutôt que "je dédie ce poème" mais l'ensemble est vraiment magnifique en tout cas, bravo !

      · Il y a presque 8 ans ·
      Tombe%cc%81e neige

      ynnej

    • Merci beaucoup de votre lecture attentive :)

      · Il y a presque 8 ans ·
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      Susanne Derève

  • Le style est magnifique , et le sujet bien triste ...

    · Il y a presque 8 ans ·
    W

    marielesmots

    • triste non : je voulais juste réhabiliter ces pauvres fleurs :)

      · Il y a presque 8 ans ·
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      Susanne Derève

  • C'est essentiellement ce que j'aime dans la poésie. Ce thème, ton style et tes mots pour me toucher.
    Un grand bravo.

    · Il y a presque 8 ans ·
    Lisbonne 27 29 juillet 2010 028

    Frédéric Cogno

    • Merci beaucoup de tes encouragements :)

      · Il y a presque 8 ans ·
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      Susanne Derève

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