Juste avant de partir

Quelques mots murmurés, une étreinte, un baiser
Et tout ce que l'on ne se dira plus jamais.
Tu es loin à présent, mais pourtant je me couche
Avec ton odeur dans les draps et sur ma bouche.

Nous nous regardions comme deux orphelins ;
Je rentrerai chez moi, dans l'ombre, dès demain.
Plus rien n'existera, ni l'espoir, ni la joie,
Ni ce chien fougueux qui joue et qui aboie.

Pourquoi se réveiller ? Le ciel perd sa couleur ;
Les jours seront des nuits, j'aurai froid, j'aurai peur,
Peur de vivre sans toi, peur du bruit, peur du vide,
Peur du temps qui s'acharne à me creuser des rides.

Pour ne pas m'enfoncer, comme une ancre sous l'eau,
Je rêve d'un voiler, des dauphins, des oiseaux,
J'imagine tes yeux d'un bleu clair hypnotique ;
Il neige des flocons sur ton front angélique.

J'ai vu naître le monde, en un seul battement,
Sur tes cils blonds et fins : ces brins d'or et d'argent.
C'est là que s'écoulaient les larmes de la pluie,
C'est là que j'ai trouvé la paix et l'harmonie.

Je reviendrai bientôt et nous nous reverrons
Au petit matin, quand les fleuves dormiront.
Les montagnes seront sans doute un peu moins blanches,
Ce sera le printemps, je te tiendrai les hanches.

Je me ferai volcan, lumière, brasier,
Et mes bras rouges de feu pourront t'enlacer,
Tu seras l'océan qui couvre le rivage,
Les vagues échouées en sanglots sur la plage.

Nous nous allongerons sur l'herbe des grands parcs,
Tu me feras voir les rivières et les lacs ;
Il y aura des ours bruns, des chevaux et des biches ;
Des plantes pousseront sur ces terres en friche.

Les feuilles reprendront leur éclat d'autrefois
Et nous serons heureux pour la première fois.
N'écoute pas tous ceux qui ne savent plus croire
À la musique des fables et des histoires.

C'est qu'à force d'errer, dans cet épais brouillard,
De se débattre pour survivre encore un soir,
Ils ont oublié le doux parfum d'une idylle
Et d'un amour gravé à l'encre indélébile.

Pour eux, comme pour nous, ce n'est jamais perdu,
Tout est possible si nous sommes convaincus
Qu'il reste de la vie au sein des choses mortes
Et que le jour attend derrière cette porte.

- Peinture :  « Coucher de soleil sur la rivière » par Albert Bierstadt  ( 1830 - 1902 )
- Musique : « Vocalise Op. 34, No.14 » composée par Sergueï Rachmaninov ( 1873 - 1943 ) en 1912 et jouée au violon par Itzhak Perlman
- Texte : «  Juste avant de partir » écrit par Julien Darowski en décembre 2017