La littérature et moi...
junon
Je tiens à aborder aujourd'hui un sujet important, un sujet qui fait partie de mes préoccupations majeures depuis de nombreuses années (vous imaginez donc l'importance dudit sujet!) J'ai passé de longues heures à y réfléchir, tournant et retournant le problème dans tous les sens, l'examinant sous toutes les coutures, disséquant ses tenants et aboutissants, lui consacrant parfois même certaines de mes nuits d'insomnie. J'ai parfois pensé être sur le point de lui trouver une réponse claire et définitive, mais voilà alors qu'une rencontre, une lecture, un simple moment vécu venaient brusquement remettre en question la conviction que j'avais été sur le point de me forger...
C'est ce qui m'amène aujourd'hui a vous livrer toute crue, brute de forge, l'interrogation qui me taraude depuis mon plus jeune âge, et depuis que ma pensée s'est organisée de façon structurée (soit après l'Oedipe, et de préférence avant la sénilité... Quoique... après... peut-être que tout me deviendra limpide...??)
Donc, pour en revenir à mes moutons (je m'égare là, je m'égare), je vous livre donc cette interrogation quasi existentielle qui monopolise mes pensées et mes réflexions à chaque fois que je me trouve en situation de me présenter (car oui, excusez-moi de cette nouvelle digression, mais cette interrogation n'a de sens que par rapport à la façon dont les autres me perçoivent. Moi et moi-même, sinon, nous nous entendons plutôt bien à ce sujet....)
Donc, ouf, pour en finir enfin, voilà donc ce que je me demande à chaque fois que j'entre en relation un peu suivie avec un de mes semblables : suis-je une intello, oui ou non, ou plutôt, le suis-je suffisamment...??
La question pourrait vous paraitre simpliste, voire à la limite de la ringardise, et pourtant, si le sujet me préoccupe, c'est bien qu'il a une certaine valeur, non? Ou alors cela voudrait dire que ce que je pense n'a aucune valeur, et ça, c'est une notion que je me refuse à même seulement envisager...
Mais pourquoi un tel questionnement me direz-vous? C'est que pour tout vous avouer, cela vient en grande partie de ce que je lis. Oh, n'allez pas croire, j'ai lu les "grands auteurs"... du moins certains. Par exemple j'ai découvert Shakespeare avec ravissement à 15ans, et je l'ai lu intégralement(ou presque) dans les mois qui ont suivi. Et bon, Shakespeare, c'est quand même de la littérature, non?
Mais à part lui (et quelques autres), je dois vous avouer, sous le couvert du bienheureux anonymat de mon écran interposé, que la grande majorité des auteurs classiques, ainsi que de très nombreux auteurs dits "sérieux" me font... suer au-delà de ce qu'il est possible d'imaginer. Alors là, oui, je vous lâche enfin mon pavé dans la mare, ou plutôt mon bon gros aveu au milieu du marasme ambiant du consensus facile... Je n'aime pas la littérature avec un grand L que je trouve malheureusement souvent juste... très ennuyeuse. J'aime être séduite, distraite, amusée, touchée, j'aime que les mots me fassent rire, voyager, changer de monde, d'horizon, vibrer, frémir, pleurer, frissonner, j'aime avoir envie de lire la suite, et si celle-ci se décline en de nombreux tomes qui me permettent de suivre les personnages dont j'ai fini par me faire des amis, je suis comblée... Et toutes ces émotions, je les trouve plus facilement en lisant Tolkien ou Pennac, que Balzac ou Kerouac. (Tssssssss... Tolkien ne rime pas avec les autres, mais tant pis... je l'aime quand même!)
Un ami avec qui j'abordais le sujet , l'air de rien, sans y toucher, (il se reconnaitra je pense :-)... ) a émis l'idée que peut-être les hommes se complaisaient dans des lectures plus sombres, ce qui leur permettait de se pencher sur leurs travers,( c'est lui qui l'a dit, moi, vous me connaissez, je n'aurais jamais osé...), mais j'ai tendance pour ma part à croire que c'est surtout une histoire de fonctionnement personnel. Je suis comme ça, et puis c'est tout...
Parce que oui, quant à moi, j'ai toujours été très clairement plus attirée par les choses lumineuses, faciles, joyeuses... J'irai même jusqu'à dire que je traverse la vie avec un sourire content vissé aux lèvres. Certaines mauvaises langues pourraient laisser entendre (voire dire très clairement) que ça me donne l'air d'une imbécile heureuse.
Ce que j'en retiens avant tout, moi, c'est que j'ai l'air heureuse.
'lut
· Il y a environ 11 ans ·J'aime bien le fait de remettre en question les acquis (voire les clichés) sur les "grands auteurs". Il n'est pas faux de dire, je pense, qu'il y en a certains qui sont plus connus pour le culte qu'on voue à leur personnalité ou à leur histoire personnelle que pour leur oeuvre littéraire.
Je suis également d'accord avec le fait de sortir des sentiers battus et d'essayer de nouveaux genres ou de nouveaux styles.
Maintenant, lorsque je m'emmerde à lire quelque chose, habituellement, c'est parce que c'est trop simplet... ou parce que je ne le comprends pas dans sa totalité. Enfin, je ne vais pas faire de mon cas un universel, cela pourrait ne pas plaire et ce serait une erreur...
De plus, je lis des classiques comme des auteurs plus "underground" et je suis tout de même heureux ma foi... (enfin, pas Pennac tout de même, n'exagérons rien :p).
Enfin, ne confondez pas plaisir, émotion, simplicité et littérature. C'est un amalgame assez destructeur qui remplit les poches de Schmitt, Lévy et toute la clique.
Comment se souviendront les générations suivantes de notre production littéraire? C'est une question qui me fait peur, peur d'être dans le creux de la vague à force d'acclamer la simplicité et l'amusement plutôt que la réflexion.
J'irais même plus loin: je ne comprends pas comment l'on peut s'ennuyer sur une oeuvre de Racine avec toute la recherche psychologique liée à ses personnages, comment on peut s'ennuyer sur Edgar Poe quand on sait qu'il n'est jamais que lui-même un personnage de sa propre histoire, comment on peut s'ennuyer les mémoires de Chateubriand, Céline, Proust et j'en passe en connaissant leur position politique, leur vie, leurs passions et comment ils les applique à l'intérieur de leur oeuvre.
Parce qu'après tout, si certains écrivains ont été sacralisés, ce n'est peut-être pas seulement pour leur écriture. Il y a des raisons historiques comme pour Zola qui, excusez-moi, est incroyablement chiant à lire si l'on ne se base que sur son écriture. Mais il faut aller au-delà, voir le témoignage qu'il nous laisse de la condition ouvrière et du libéralisme poussé à l'extrême, le legs éthique, morale, politique, philosophique. A partir de là, je dis que j'aime Zola, je dis que j'aime Maupassant et que je répugne Flaubert pour son écriture mais que sa réflexion est tout bonnement géniale!
Enfin bon... voilà pourquoi, sûrement, mes profs de littérature ne disent jamais que Pénac ou Schmitt sont des auteurs prêts à passer à la postérité: parce que c'est simple et ils ne laissent aucun legs sinon celui de la simplicité et de l'amusement.
Mais bon, votre texte est bien écrit et votre position se défend, je la comprends. Et vous n'êtes pas une imbécile comme vous le prétendez je crois...
C'était mon avis. Y en a qui vont encore tenter de me botter les fesses parce que j'ai jeté un pavé dans la mare, je le sens! :D... mais bon, je suis une pâquerette revêche décidément...
5/5 pour avoir osé donner votre avis (parce qu'ici comme ailleurs, il est toujours dangereux de dire plus ou moins que la masse).
Cordialement.
bis
Ouh pétard ... un long commentaire, bien écrit et structuré, un raisonnement qui se tient parfaitement, des exemples précis et documentés, ma foi, c'est ça le pavé dans la mare, plus que votre opinion !
· Il y a environ 11 ans ·Après, évidemment, je ne vais pas vous dire que je suis d'accord, ce serait trop facile( et pas tout à fait vrai qui plus est), et je réfute l'idée que je fais un amalgame simpliste entre amusement, émotion et littérature, au risque de de saborder l'intérêt que d'aucuns pourraient porter aux beaux ouvrages classiques.
Ce sont deux mondes qui se tutoient parfois, se heurtent de temps à autre, mais qui la plupart du temps se contentent de vivre leurs vies en s'ignorant mutuellement avec un brin de dédain.
Disons donc que si je ne réfute pas l'intérêt "historique", et le témoignage précieux porté par certains auteurs sur leur siècle ou la complexité de l'âme humaine, mais ce n'est pas ce que je recherche dans les livres. D'autres choses, nombreuses, m'amènent à réfléchir et à m'interroger, et je l'espère à m'instruire.
Lorsque j'ouvre un bouquin, c'est bien le besoin de ressentir des émotions qui me guide, et c'est ce simple droit que je revendique. Celui d'ouvrir une parenthèse dans ma vie, et de m'évader l'espace d'un moment dans un monde qui n'est plus que le mien, car c'est bien ma pensée et ces mots que je m'approprie qui le créent, rien que pour moi.
C'est peut-être futile et un brin régressif, mais bon sang, qu'est-ce que c'est bon !!
Merci de votre passage, de votre lecture, de ce temps que vous m'avez accordé, et de ce 5/5 que je vous accorderais bien volontiers pour avoir osé donner votre avis vous aussi.
Une petite interrogation pour finir, en forme de curiosité : pourquoi donc "pâquerette revêche" ...??
junon
Z'avez TOTALEMENT raison! Pennac a, je crois, écrit les "droits du lecteur", vous les appliquez déjà! Un monde où Boris Vian papote avec Molière (si, si!) et fait la cour à Colette... (Ouiii... Sur WLW j'ose tout!).
· Il y a environ 11 ans ·astrov
Le virtuel autorise tous les raccourcis, c'est bien connu... Merci de votre passage.
· Il y a environ 11 ans ·junon
Merci: ce texte égaie mon après midi. J'adhère au fond comme à la forme. D'une apparente imbécile heureuse à une autre, j'aime.
· Il y a environ 11 ans ·sandocha
D'une apparente imbécile heureuse à une autre, merci ... :))
· Il y a environ 11 ans ·junon
« C'est l'esprit qui mène le monde et non l'intelligence. »
· Il y a plus de 12 ans ·« Ni l’intelligence ni le jugement ne sont créateurs, seul l'esprit a cette faculté »
J'aime Antoine de Saint-Exupéry, je ne sais d'ailleurs s'il s'agit là de Littérature avec un grand L, mais si j'en juge de ce que je lis de vous, vous êtes une femme d'esprit, et cela a bien plus de valeur à mes yeux que l'intelligence ! Vous écrivez divinement... au risque de me répéter ! Baisers du cœur !
silas-chien-dutopie
" Ce que j'en retiens avant tout, moi, c'est que j'ai l'air heureuse. "
· Il y a presque 13 ans ·Plaisant à lire, ton texte. :)
Pseudo Pseudo
Oui, ben voilà un excellent texte, et je ne réponds pas sur le fond parce que je me demande si c'est bien le fond la question. Un sourire heureux me donne la réponse.
· Il y a presque 13 ans ·eaven
Tout à fait d'accord avec toi. Je reprends ce qu'a dit Jean-Michel : "prendre le risque de se laisser surprendre", finalement, c'est ça le plus important. La littérature est un art non ? Et qu'est-ce qui compte dans l'expression artistique : la sensation que cela procure. Et cette sensation (ces sensations quand on a de la chance), si elle n'est pas purement et strictement personnelle, qu'est-elle alors ?
· Il y a presque 13 ans ·PS : Si tu ne connais pas, essaie "L'assassin royal" de Robin Hobb. 13 tomes de pur délice.
wen
Excellent ! Je n'en dit pas plus pour l'instant : je me réserve un droit de réponse, bientôt posté sur wlw ! ^^
· Il y a presque 13 ans ·Léo Noël
il y avait la Littérature de style maintenant, nous avons celle de l'émotion... pauvre en grammaire (quoique c'est juste pour dire) mais tellement riche de coups de coeur.
· Il y a presque 13 ans ·ysabelle
Tu sais, il n'y a pas plus sombre que Tolkien!... Et, finalement, les auteurs ne sont souvent pour rien dans le rapport que l'on entretien avec eux. Il y a tant de circonstances différentes qui entourent notre premier contact avec chacun d'entre eux. C'est souvent par l'explication de ce qu'ils avaient ressenti que des amis m'ont donné envie de découvrir tel ou tel auteur, telle au telle oeuvre... classique ou pas.
· Il y a presque 13 ans ·"On ne force pas une curiosité, on l'éveille" nous dit ton cher Pennac.
Frédéric Clément
Merci, et heureuse de voir que vous avez si bien compris ce que je tentais d'exprimer...
· Il y a presque 13 ans ·junon
Il en va de la littérature comme de la peinture, nul besoin de s'extasier comme le troupeau devant le peintre du moment, tout est une question de sensation, d'émotion, de vibration. Et qu'importe si celui qui fait vibrer n'est ni connu, ni reconnu, il faut savoir prendre le risque d'aller à la découverte des autres, prendre le risque de se laisser surprendre là où on ne s'y attend pas.
· Il y a presque 13 ans ·Balzac vous emmerde ? Moi aussi ! Alors qu'importe si on fait trop ou pas assez intello, seule l'émotion compte !
Jean Louis Michel