La plena luz de la noche

Colette Bonnet Seigue

 La plena luz de la noche Défi  N°10 ( Jetez l’encre)

 

Sur la Seine la Plena luz de la noche, une péniche éclairée de guirlandes…De la musique…

 

Ultime nuit 

 

Il est onze heures du soir Quai de la Râpée, en cette nuit de fête, la péniche La Plena luz de la noche, en sapin de Noël, bat son plein sous les mariachis de circonstance. Une foule au look- Place- Vendôme afflue en grelottant sur le ponton. Dehors, sur le quai,  Boris et Bébert, les 2 B (comme ils disent les autres, les copains de galère) crèchent dans un abri de fortune improvisé fait de bouts de carton ramollis au givre de  nuit.

 

La musique des Machucambos accueille les invités en  s’étalant jusqu’au pont Charles de Gaulle.

 

-           Eh ! Bébert ! Devant-toi,  du beau monde ! Du lourd ou je m’y connais pas !!

 

-          De la Haute ! Boris ! De la Haute !! Vise cette poulette aux derches de star ! réplique Bébert  ébloui.

 

C’est Noël, une nuit particulièrement glacée ce soir. Bébert pense, il est loin son dernier Noël, d’ailleurs, il  n’en a jamais eu !

 

                Cuando calienta el sol aqui en la playa

Siento tu cuepo vibrar circa de mi…

 

Chantent les Mariachis…

 

Bébert lui, pense…

 

Elle est froide ma nuit en ce miteux plumard

comme le vent du nord à l’orée d’Amsterdam

le blizzard acéré dans mon coin de Paname

a givré le carton de mon pieu goguenard…

 

 

 Alors, Boris sort de la poche trouée  son harmonica, l’orchestre de La Plena luz de la Noche continue dans la frénésie des convives, tandis que le champagne déborde à gogo.

 

Es tu palpitar, es tu cara, es tu pelo

Son tus besos, me estramezco, oh ! oh ! oh !

 

Deux ravissantes naïades sorties des flots de Seine se risquent sur le pont glacé de la péniche.

 

-          Ma chère ! Regarde ! Là ! Ces types crasseux ! On aurait dû accoster ailleurs pour la nuit, un tel décor ! Une nuit de Noël ! Si c’est pas ragoûtant !

 

Les tempi de l’harmonica se font pressants pour Bébert qui entame à l’intérieur un air d’ultime nuit.  Il n’a rien mangé depuis des heures, le froid  est si dur ce soir qu’il lui tord  les tripes. Son cœur est ailleurs.

 

            Ce soir, j’irai bercer tes yeux

            Au quai brûlant des amoureux

 

Et Bébert chante, chante en agitant son obole, sa tireloche, comme il dit, en direction de la péniche.

 

            Il fait froid sous la dent même si je l’ai dure

A vot’bon cœur la vie un p’tit sou en diamant

Pour becqu’ter du soleil cloué au firmament

Un sou pour abjurer un sou pour ma voilure !!!

 

-          Un large de Haute Mer, c’est ça ! Toutes voiles sur Seine !!!

Bouge-toi le cul ce soir, c’est Noël ! Péniche-moi donc du soleil ! Pour ma tourterelle ! Dit-il en implorant  la générosité du Dieu des naufragés des quais!

 

Il braille si fort que les deux déesses du pont de la péniche engoncées dans leur hermine pérorent écœurées.

 

-          Qu’est-ce qu’il a à gueuler ce mendiant ? Allez, viens Charlotte, on rentre !!

 

Tandis que  l’harmonica joue  un air de danse nostalgique à l’intérieur:

 

            Allons danser ma Cendrillon

J’t’achèterai un cotillon…

 

Sur la Plena luz de la Noche  « Cuando calienta el sol » déchire la brume jusqu’au quai d’en face. Tous les convives hurlent :

 

Cuando calienta el sol

Es-tu palpitar, tu recuendo, mi locura

Mi delirio, me estremezco oh !oh ! oh !

Cuando calienta el sol…

 

Sur le quai, Bébert allongé, fébrile et livide sur son carton suspendu à l’harmonica se tire une clope :

 

Je pose mon carton, je crèche à l’infortune,

je me roule une clope, mais le feu n’y est pas

je la colle à mes lèvres pour le suc du tabac

j’y verrai la fumée s’accrocher à ma brume.

 

Mon âme a l’onglet et sous la glace expire !

A tous les rats d’égouts je lègue mon carton

et mon estaminet : ma lampée de litron

aux vieux piafs assoiffés qui ont encore à vivre…

 

 Puis, dans un dernier sursaut, il s’approche devant l’entrée du ponton, l’harmonica se faisant de plus en plus faible, balbutie:

 

A toi mon écureuil joli

Tous les bécots d’mon paradis…

 

Il est 4 heures du matin, Quai de la Rapée, une femme en hermine sortant de l’embarcation, hurle en buttant sur un corps sans vie !

 

-          Y a pas idée ! Ils viennent dormir jusqu’ici maintenant !!! Qu’ils aillent au diable !!! La police ! Il faut appeler la police !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

           

 

 

           

 

 

 

 

 

 

  • Bravo d'évoquer cette réalité. Un texte engagé avec beaucoup de rythme et de poésie.

    · Il y a environ 11 ans ·
    Sab   oli 073 orig

    Sabine Dormond

  • J'ai bien aimé le parallèle fait entre les deux "mondes", les contrastes... et je trouve ta poésie drôlement bien écrite !

    · Il y a environ 11 ans ·
    20130820 153607 20130820153847362 (2)

    rafistoleuse

  • Un choc et une émotion ! La dureté du monde, l'indifférence face à la détresse ! Parallèle bouleversant et les mots résonnent dans ce froid, cette fête et la présence de ces deux malheureux dédaignés par les êtres gâtés par le sort et qui ne s'en rendent pas compte ! Ces mots sont mûris, comme des fruits mais d'hiver et de souffrance !

    · Il y a environ 11 ans ·
    Ma photo

    theoreme

  • Très fort, et la fin .. Terriblement réaliste

    · Il y a environ 11 ans ·
    Img 0392 orig

    mamzelle-vivi

  • J'apprécie cette alternance récit-chanson marquant un choc entre deux genres,une opposition entre deux classes sociales . (Je ne connais pas non plus un mot d'espagnol !)La chute est sévère mais exprime malheureusement le fond de la pensée de cette personne aisée qui néglige de considérer la triste réalité de la pauvreté. Elle sévit non loin de ses habitudes de vie.

    · Il y a environ 11 ans ·
    Welovewords 002 300

    phine

  • Zut je ne parle pas un mot d’espagnol ! Il n’empêche que ce parallèle entre les deux mondes est vraiment bien trouvé ! J’aime bien l’idée, c’est percutant !

    · Il y a environ 11 ans ·
    De grandes quantites de pluie vont tomber 150

    odepluie

  • Moi j'ai assez bien aimé !

    · Il y a environ 11 ans ·
    Logo bord liques petit 195

    octobell

  • Apparemment, le thème d'Alice inspire le sujet SDF ... A mon goût, ton texte est trop maîtrisé et cliché... Mais je sais Colette que tu sais écrire d'autres belles lignes ;)

    · Il y a environ 11 ans ·
    Ange

    Apolline

  • C'est en effet assez décousu et demande un effort de lecture

    · Il y a environ 11 ans ·
    Apphotologo

    Michel Chansiaux

  • Le sujet de la détresse est un sujet sensible...il le serait à moins, mais je trouve ta nouvelle trop "hachée" et tu n'y a pas mis d'affect personnel à mon goût tout au moins. Du coup ce texte manque d'une certaine sincérité d'écriture et de fluidité. Mais je ne suis pas parole d’Évangile!! ce ne sont là que mes modestes remarques et j'espère qu'elles te permettront de voir ton travail sous un autre angle.

    amisdesmots

    · Il y a environ 11 ans ·
    Img 20140929 091136

    amisdesmots

  • Décidément ! Je retrouve ton écriture poétique qui au fil de l'histoire nous prend aux mots !
    J'aime beaucoup, Alice va avoir du travail...

    · Il y a environ 11 ans ·
    La main et la chaussure

    Stéphan Mary

  • Une lecture toujours aussi agréable. Une tranche de vie entre deux rives, deux mondes, deux langues. Quiero Mucho

    · Il y a environ 11 ans ·
    Image 8 54

    hectorvugo

  • Un texte très fort, touchant et violent ! Le télescopage des chansons comme choc de deux mondes, quelle trouvaille ! Bravo.

    · Il y a environ 11 ans ·
    Avatar loup 54

    matt-anasazi

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