Le flambeau, chapitre 25 : Humiliation

Chapitre 25 : Humiliation

Le désespoir de Trhon avait atteint son paroxysme. Avoir sous-estimé son adversaire depuis le début de l'affrontement restera sa plus grande erreur. Il était à présent complètement ébranlé face à cette transformation soudaine du chef des gnomes en un géant féroce et intimidant. L'homme regrettait maintenant d'avoir écouté le démon Vortex qui l'avait incité à toucher la colonne vertébrale de son opposant. En vérité, Trhon s'en voulait surtout à lui-même d'être si naïf. Crédule au point de croire si facilement les dires d'un démon.

Néanmoins, son geste candide avait révélé la réalité qui se cachait derrière les gnomes. Ainsi, si les propos que venait de lui tenir Vortex étaient véridiques, ces petits êtres d'apparence inoffensifs seraient donc vraiment des titans emprisonnés par les djinns par l'intermédiaire d'un sort démoniaque ? Trhon était intrigué d'en savoir plus, mais à quoi bon ? N'avait-il pas finalement, comme venait de lui annoncer Vortex, signé son arrêt de mort en ayant déclenché la transmutation de Brust ? Trhon se demandait ce qu'il devait faire à présent : abandonner ou bien résister ?

Pendant qu'il cherchait à se décider tout en restant sur ses gardes contre le titan qui se dressait devant lui, Trhon pouvait entendre la foule, pris par une vague de joie et d’allégresse, s'écrier inlassablement : « Bientôt, nous pourrons enfin nous délivrer ! Il te suffit juste de le tuer, Brust ! ». Le chef des gnomes, ou plutôt le chef des titans, répondit à sa population en levant encore une fois son poing droit en signe de victoire. Ce qui accentua l'excitation du peuple. Trhon s'interrogea alors : « Pourquoi ma mort est-elle si importante à leurs yeux ? ».

En apercevant Vortex sourire au bord de l'arène, il fut convaincu que ce dernier possédait la réponse. Tout en demeurant à sa place, l'homme s'exclama en s'adressant au démon : « Tu m'a menti ! Mais tu as raison, c'est de ma faute ! Je n'aurais pas dû croire en un djinn aussi ignoble que toi ! Comment t'en vouloir ? Tu es un démon, tu dois sans doute éprouver le besoin de tromper les autres par essence ! Par contre, ne pourrais-tu pas m'accorder une faveur en me disant la vérité pour une fois ? Pourquoi ces habitants de la forêt veulent-il autant me tuer ? Je ne cherches pourtant pas à m'emparer de leurs terres ! Je voudrais juste traverser rapidement la forêt pour atteindre le désert ! Je ne suis pas leur ennemi ! Répond-moi ! Pourquoi veulent-ils autant me voir mort !

- Tu voudrais connaitre la vérité ? Mais que vas-tu faire de la vérité ? Bientôt, tu rejoindras, encore une fois de plus, le royaume des morts ! Penses-tu vraiment que la vérité te sera d'un quelconque secours dans l'au-delà ? Se mit à rire Vortex en fronçant des sourcils.

- Et toi, pourquoi crains-tu autant de me dévoiler la vérité ? Répond tout simplement ! Insista Trhon.

- Tu peux tout lui dire, Vortex ! Sa fin est proche ! Soit il meurt de mes mains, soit il meurt empoisonné ! Acceptons au moins la dernière requête du perdant ! S'adressa Brust d'une voix grave et percutante du haut de ses 30 mètres.

- Alors écoute, misérable humain ! Tout a été planifié depuis le début par la princesse ! L'objectif est de t'assassiner afin d'avoir la possession absolue du corps de Spark, ton ami, sans craindre de représailles de ta part ! Annonça Vortex à Trhon

- Mais je croyais que, suite aux conditions de la clé djinnique, il vous était obligé de m'accompagner jusqu'à Sayko ? S'étonna Trhon.

- Effectivement, le réceptacle nous empêche, à nous les djinns, de te tuer sous la menace du poison qui réside provisoirement et actuellement dans nos coeurs ! Mais rien ne nous interdit d'envoyer des mercenaires à ta poursuite pour t'éliminer ! Chacun des 7 gardiens sont sous mes ordres ! Le sentier que je t'ai fait emprunter n'est qu'un funèbre chemin orchestré de toute pièce par la princesse ! Le but est ta mort ! Ces gnomes sont à notre service ! Ta tête est mise à prix ! Une grande récompense les attend de notre part si Brust parvient à t’exécuter ! Finit par tout dévoiler Vortex.

- Une récompense en échange de ma mort ? Questionna Trhon, stupéfait par ce qu'il venait d'apprendre.

- En ce qui concerne notre peuple, Vortex et Alicia nous ont promis de nous délivrer de notre malédiction si nous parvenons à t'exécuter ! Nous n'éprouvons aucune hostilité particulière à ton égard mais la liberté de mes confrères vaut plus que ta vie ! Nous désirons retrouver notre forme d'origine ! Rester gnome est une trop grande humiliation pour un titan ! Se plaint Brust.

- Nous, les djinns, avons attendu plus d'un siècle sur cette île ! Notre retour sur notre planète est important ! Nous devons impérativement posséder le corps de ton compagnon ! Ce n'est plus qu'une question de temps ! Et nous ne laisserons pas un vulgaire humain détruire notre projet ! Un faible humain ne pourra jamais retrouver Sayko de toute façon ! Nous, l'élite parmi les démons, nous ne parvenons pas à l'attraper ! Ce morveux possède le pouvoir de cacher sa présence au milieu des montagnes ! Comment pouvais-tu penser pouvoir le trouver ! Ta quête s'arrête ici, humain ! Brust, achève-le ! » S’énerva le démon Vortex.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Le titan attrapa Trhon par un geste rapide de la main. L'homme, à présent élevé à 30 mètres de hauteur, était entièrement tétanisé par la main droite de Brust qui le tenait fermement entre ses doigts. Trhon fut surpris de constater que son adversaire n'avait rien perdu de sa vivacité malgré sa taille immense. Captif et trahit, Trhon se sentait humilié. Au milieu des cris de douleurs qu'il laissa échapper, Trhon commença à se considérer tel un faible insecte qu'on s'apprêtait bientôt à écraser vulgairement. Cette main géante, qui continuait de le compresser férocement, le rendait complètement fragile et insignifiant. Trhon, qui n'avait jamais perdu jusqu'à ce jour ne serait-ce qu'un seul duel, se sentit profondément attristé. Il se laissa submergé par ses larmes qui exprimaient parfaitement son état intérieur : l'humiliation.

Trhon fut la victime des stratagèmes diaboliques de la princesse. Mais ce sentiment d'humiliation ne provenait pas de cette trahison. Non, la source de cette émotion embarrassante qui l'étouffait agressivement était plutôt dû à l'excès de confiance qu'il accordait à sa force physique. Aveuglé par ses multiples victoires antérieures, Trhon se considérait invincible au point de se sentir immunisé contre la défaite. Mais il devait se rendre à l'évidence maintenant : il était en train de subir sa première défaite durant ce combat. Dans l'amertume de son angoisse, Trhon avait perdu tout son sang-froid. Il n'avait à présent plus aucune envie de se battre contre un géant qui le dominait sans difficulté. Trhon avait perdu et se sentait condamné à mourir en se faisant écrasé par cette main titanesque.

En effet, Trhon était à la merci du géant. En guise de reconnaissance envers la puissance incroyable de son opposant, l'homme finit par lâcher un fou rire qui reflétait le degré de son désespoir : « Tu m'as vaincu. . .Et j'ai perdu ! Achève-moi comme bon te semble ! Les faibles finiront toujours par périr dans un monde gouverné par les plus forts ! Et je te reconnais plus fort que moi ! Spark ! Pardonne-moi, je ne pourrais pas venir à ton secours ! Ô Mon roi ! Pardonnez-moi ! Finalement, je n'ai pas pu faire de Sayko, l'empereur légitime de l'archipel ! Je ne mérite plus le titre du plus fort ! Je ne l'ai jamais mérité ! Le monde est plus vaste qu'on le pense. . .» (à suivre )