Le reflet
inta
Gris glabre, un pas vers ce qui ne se dit pas.
Des mots déjà, j’avais posé sur la mort, des mots d’enfant que j’étais, d’enfant que je ne voyais plus, des mots de fuite et de peur.
Il faisait froid.
Je portais ma fatigue. Loin, devant mon regard, loin, là où je ne regardais pas, la montagne disparaissait sous la couche indicible du brouillard.
Je l’ai senti tout près, j’aurai pu lui parler. Je l’ai peut-être fait, je ne sais plus.
Elle m’a touchée, m’a murmurée à l’oreille qu’elle allait me retirer d’ici.
Je n’avais pas peur, une main enfermait mes désirs et je suivais le mouvement souple des doigts.
J’ai cessé ma marche et laissé faire.
Je mourrai, c’était une telle évidence que je n’avais pas à accepter ou à fuir, je mourrai, c’est tout.
J’ai entendu des pas,, des bourdonnements sur le bitume, un rythme fort et lourd qui se collait aux cadences de mon cœur.
J’ai vu la montagne, face à moi, s’approcher et me murer dans ses brumes.
La violence du son, des perspectives, m’ont fait fermer les yeux pour que la mort puisse prendre ce que j’avais. Je ne voulais pas de peur, je voulais cet accord entre elle et moi, ce désir de la laisser venir, le plaisir, que je recevais, qu’elle avait de me rejoindre.
Sombre était mon monde intérieur quand j’ai fermé les yeux, sombre était la présence de l’air sur mon visage. Il me restait des sentiments de peau, de larmes, de rire, il me restait le rêve où j’habitais depuis toujours. Des parcelles décousues de pensée s’enfilaient impatiemment au travers de cet écart des choses. Je revenais, tiré de force par un instinct sans faille, celui inaltérable de la vie.
C’est ainsi qu’elle m’a fuit, elle ne pouvait prendre ce qu’elle désirait, le temps n’était pas encore venu.
Je ne l’ai pas retenue et j’ai ouvert les yeux. Mon image se reflétait dans un miroir baroque, fait de dorures aux circonlocutions indéfinissables et j’ai pensé un instant que j’avais franchi le seuil.
J’ai lâché la contemplation de ce moi pour saisir ce qui émergeait à la poupe de ma vue.
J’étais dans une bibliothèque circulaire, chaque étage se déclinait de chaudes couleurs harmonieuses. Sur le fronton de la proue majestueuse, des lettres d’or happaient mon regard : BABEL
L’odeur du papier et cette senteur de vieillerie immortelle. Dans les livres, ce n’est pas tant ce qui est dit qui me fascine mais le pourquoi de ce qui a été dit.
Des thesaurus trônaient sur le haut, le plus haut que je puisse discerner.
Je m’essayai à l’ascension d’une échelle sans fin.. C’était facile. Au début, je n’ai pas osé lire les mots qui défilaient tout près de mes mains, mais rien ne pouvait arriver.
Alors, j’ai lu.
Et sur les ouvrages aux reliures luxueuses étaient gravés mon nom.
Je n’ai jamais souhaité ou espéré voir mon nom inscrit quelque part, mais là, je reconnaissais que l’écho infini que cela façonnait, me procurait d’autres espérances.
Que là était ma naissance, enfin.
magnifique, effectivement on se laisse emporté
· Il y a environ 14 ans ·la-louve
Vraiment magnifique ! On se laisse transporter par le rythme de votre écriture qui emporte avec lui la fatigue de ma nuit. Un coup de cœur.
· Il y a environ 14 ans ·raudry
Entre le songe, le rêve, le conte...Tu traduits pour moi TA RENAISSANCE avec toutes les promesses que cela engendre...amicalement Jeanne
· Il y a environ 14 ans ·Jeanne S.
Oui, la "naissance" .... la Vraie ...
· Il y a environ 14 ans ·Magnifique
archangelia
Je pense qu'en toute chose il n'est jamais trop tard !!! Je n'ai pas encore lu tous tes textes mais celui-ci pourrais bien être mon coup de cœur...à plus tard.
· Il y a environ 14 ans ·leo
L'Eternel, dans la bibliothèque de Babel !
· Il y a environ 14 ans ·lya
interpellant..et très belle écriture :-)
· Il y a environ 14 ans ·thelma
Paul Valériesque. Je me ressers un vers.
· Il y a environ 14 ans ·.
Comme un rève qui n'en finit pas,mais qui finit.
· Il y a environ 14 ans ·Marcel Alalof
merci inta, texte gigogne, ou je percois infiniment de sens..., ( t'a vu lapoisse aussi a du mal a te suivre ! je me sens moins seul !)
· Il y a environ 14 ans ·gandalf989
Non, baboulalla, ce n'est pas une prémonition...Bien trop tard pour ça.;-) Merci.
· Il y a environ 14 ans ·inta
Toujours merveilleusement écrit, trop bien peut-être même. Difficile d'accès pour un type comme moi.
· Il y a environ 14 ans ·lapoisse
Le voyage aux origines de la création littéraire commence par "un pas vers ce qui ne se dit pas" ! Magique !
· Il y a environ 14 ans ·Très beau texte, vraiment.
retsig
Inta, c'est toujours beau! Merci infiniment!
· Il y a environ 14 ans ·ko0