"Le Ridicule ne tue pas!"

N’as-tu  jamais entendu dire par tes proches ou tes parents : « Le Ridicule ne tue pas ! » ?

Pour ma part, je l’ai entendu des centaines de fois sans en être convaincue pour autant. Si le Ridicule ne tue pas, s’il n’a aucune importance alors pourquoi l’avoir nommé ? Pourquoi chercher à tout prix  à l’éviter?

J’ai donc grandi tranquillement, à l’abri du regard et du jugement des autres et, le plus discrètement possible, j’ai battis ma vie. Je me suis construit ma tour d’ivoire d’où je pouvais te voir te presser, grouiller dans ton petit Univers à la recherche d’un bonheur inaccessible. Si d’aventure je me sentais tentée de te rejoindre, toujours au fond de moi une voix me criait d’oublier, de ne pas bouger.

La vie est peut-être belle au fond mais elle est aussi pleine de risques à prendre, pleine de toi, pleine des autres.

Je préférais rester là, loin des autres, loin de Toi. Et pendant que tu jouais, pendant que ta vie s’émoussait, moi, je t’observais. J’enviais en silence ton innocence et cette certitude que rien ne pourrait jamais t’atteindre, t’abattre, te tuer.

Tu n’avais aucune conscience du risque que tu encourais à chacun de tes pas, à chacuns de tes choix. Tu te lançais à corps perdu dans cette existence qu’on t’avait donnée sans vraiment en comprendre la portée. Tu rigolais des maladresses des autres, de leur façon de parler, de s’habiller sans réaliser qu’à ton tour tu serais jugé.

On dit que les enfants sont cruels… Peut-on vraiment les en blâmer ? Ils ne savent pas encore à quel point les mots peuvent faire mal, bien plus qu’un poing. Ils ignorent encore la portée de leurs paroles, les conséquences de leurs actes. Ils testent, reproduisent, jouent à être grands comme leurs parents.

On serait en droit d’espérer qu’avec le temps, en grandissant, on apprend à respecter, à ne plus juger. Mais l’être humain aime ça ! Juger, critiquer, affirmer, comparer… Il aime de se sentir plus fort que les autres, supérieur à eux. Il a besoin de blâmer, de juger.

Pour se justifier, il est allé jusqu’à créer des dieux et des religions, des Lois et de bonnes raisons.

Mais que lui reste-t-il à l’heure d’aujourd’hui ? Un monde en destruction, des guerres, des déceptions… Il n’a plus rien à contrôler que lui-même, plus personne à blâmer que ses frères.

Pour se renouveler, l’Homme fait preuve de beaucoup d’imagination ! N’ayant plus rien à blesser que lui-même, il se détruit à petit feu et démantèle soigneusement tout ce que ses ancêtres ont bâtis sous prétexte d’évolution.

Quand je regarde autour d’eux, autour de toi, c’est un enfer que je vois.

Pourquoi t’infliges-tu ça ? Pourquoi ne t’épargnes-tu pas ?

Chaque jour, sur la toile, tu t’exposes, dévoilant ta vie, tes ennuis. Tu parles de tes talents, de ta façon de penser, de passer le temps. Qu’attends-tu donc des autres ? Qu’ils te disent que c’est bien, que tu as le droit d’être toi?

Mais tu n’as pas besoin d’eux pour ça. Regarde en toi, la réponse se trouve là. Un jour l’Homme l’a même nommée : la raison, la conscience, comme tu veux. Tu n’as qu’à l’écouter. Il n’y a qu’elle qui puisse te juger et te guider.

L’avis des autres n’est qu’un repère, une idée, une norme à tout casser. Personne d’autre que toi ne sait vers où tu veux aller. Avances, ne les écoute pas ! Ils ne te connaissent pas, ils ne voient pas au fond de toi. Ils peuvent te critiquer, rire de toi, te juger ; toi seul peut te ridiculiser si tu les laisses te blesser.

Surtout ne fait pas les mêmes erreurs que moi. J’ai préféré m’isoler plutôt que d’affronter leurs regards et leurs idées. Je les ai observés pendant toutes ces années, cherchant vainement à les décortiquer. Je me suis surprise, à mon tour, à les juger… 

Ma vie vient de s’écrouler. Je n’ai plus de raison d’exister.

Mais toi, tu es encore là. Tu as la vie devant toi. Ne te laisse pas écraser par des mots bêtement lancés. Et si le Ridicule peut tuer, il ne te reste qu’à l’éviter.

Sur ce, je te laisse. Je n’ai plus rien à t’apporter.

Vie ta vie, s’il-te-plait !

Ne passe pas à côté comme je l’ai fait.