Le vol d'un ange

sabsab

Elle aimait la bonne littérature, les grands russes et les classiques français. Elle aimait aussi le théâtre et jouait dans des pièces. Au fond d’un tiroir repose une cassette d’elle sur les planches que je n’ai jamais osé visionner, j’ai peur que mon cœur saigne à flot.

Ma sœur est morte le 2 février 2000, elle avait 26 ans. Sa disparition nous a jeté ma mère, mon père, ma sœur et moi dans un abyme sans fond. Aussi classique, qu’efficace, c’est un cancer qui lui a rongé la vie. Une tumeur au cerveau, une bombe qui a fait "tic tac" pendant 2 ans. Pourtant, elle avait réussi à l’abattre – à coup d’infâmes traitements thérapeutiques et de boucheries chirurgicales -, mais il est revenu, un peu à l’image des méchants du 7ème art qui ressuscitent d’entre les morts pour achever leur triste besogne. Ces monstres criblés de balles et poussés dans un trou, qui font jaillir une main pleine de sang et de terre pour vous entrainer dans leur ultime chute.

Un Aller simple pour le paradis pour ce petit ange au doux sourire.

Chaque menu détail du jour de son trépas est marqué dans ma mémoire au fer aussi rouge que le sang. Les choses se sont faites si vite. J’étais en terminale, je rentrais d’un contrôle d’histoire et j’ai vu les pompiers. S’en est suivit l’ambulance, les sirènes, ma sœur inerte dans un brancard, la mort qui vous sourit. C’est dans l’ascenseur métallisé et sans âme de l’hôpital que le médecin m’a annoncé froidement son coma. Je lui ai demandé si ma sœur m’entendait, sachant qu’un « oui » aurait changé ma vie, elle m’a jeté un « non » scientifique à la gueule, très ferme et bien précis.

Quand j’ai vu son corps perdre sa couleur charnelle pour un bleu pâle cadavérique, j’ai compris. Et de muscle mon cœur est devenu blessure. Dix ans plus tard, il m’arrive encore de temps en temps d’avoir des douleurs vertigineuses. Pour m’apaiser, je regarde les étoiles et je lui parle, je lui dis qu’elle manque, que je l’aime et que je l’aimerai toujours. Et puis souvent, je lui demande pardon, pardon de ne pas avoir prononcé ces "je t'aime" plus souvent...quand il était encore temps.

J'ai mal qu'elle soit partie trop tôt, trop vite, j'étais jeune. Aujourd'hui je donnerai 15 ans de ma vie pour la revoir, même 5 minutes, toucher son visage, revoir son sourire, écouter son rire, la tenir par la main et refaire le monde de soeur à soeur.

Dans mes prières, je me plie à sa protection, pour moi et pour mon entourage, et j’espère que nous irons la rejoindre paisiblement du fond d’un sommeil sans rêve, quand nous serons vieux et édentés.

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