Leggings à Brooklyn

Le pont de Brooklyn, le printemps, et ce flot ininterrompu de joggers en tous genres, une longue file bigarrée de presque deux kilomètres, de corps en mouvement entre Manhattan et Brooklyn.

Et moi, là au beau milieu, la truffe au vent, zigzagant entre les coureurs, les cyclistes, et autres bipèdes made in america, humant les parfums de l'océan, les gaz d'échappement, et les déos de toutes sortes aux délicats parfums d'aisselles de Guérande et d'ailleurs.

Moah donc, jeans et baskets, le Nikon en bandoulière, le zoom prêt, en érection, à la recherche d'un cliché improbable et génial bien sûr…

Milieu du pont, et cette fille en legging…là je suis content, je viens de le placer ce mot, il y a peu de temps j'ignorais tout de ce vocable... leggings ? Mais comme la vie est bien faite, une amie de fraiche date, après s'être bien moquée de mon ignorance, m'a expliqué la signification de ce mot.

Mais revenons à nos moutons, donc il y a cette fille en leggings, qui trottine devant moi, légère, elle vient juste de me dépasser. Vêtue de noir, ce teeshirt trop ample qui laisse apparaitre la bretelle orange d'une dentelle, les cheveux mi courts ou mi longs, c'est quoi la différence ? Enfin bref je m'égare de l'est, une belle femme donc qui me dépasse et ce parfum qui me frôle… Oula ! C'est joli ça, je m'emballe, je m'emballe.

La belle devant moi, qui trottine à petit pas, qui ondule, j'accélère le pas, les yeux accrochés à sa silhouette, aux leggings (là je bloque, c'est singulier ou pluriel leggings ?) enfin vous imaginez, moi et mon, regard façon le loup de Tex Avery derrière la joggeuse. Toutes ces courbes, ces droites vers l'infini…

Les dernières centaines de mètres, sa nuque découverte au hasard du vent capricieux, sa taille et le reste que je garde pour moi. Elle s'est arrêtée, retournée les yeux brillants, elle regarde vers moi sourit, attend, je hâte le pas, avec un sourire niais, le cœur en vrac, et puis ce grand blond qui me double en me bousculant presque, ce grand con qui la prend dans ses bras, l'embrasse avec sa grande bouche de grand blond. Ce jour-là je n'ai pas pris de photos, rien nada, je suis allé boire dans un bar désert, un bourbon ou deux. Rien à foutre moi des leggings, rien à foutre !