Les boites

christinej

- bon la y en a marre! Il faut lui dire, c’est insupportable.

- de quoi tu parles?

- non mais tu es aveugle ou quoi, regarde autour de toi. On est envahi.

- ouais c’est vrai que ca commence a faire beaucoup.

- beaucoup!!??? T’es un marrant toi dans ton genre. On peut plus bouger. Des que j’essaie d’avancer j’ai le cul coincé.

- faut dire qu’il est imposant.

- hein??!!!

- non rien. Tu disais?

- j’en ai raz la cafetière qu’elle nous prenne pour son débarras.

- ce ne sont que des boites.

- que des boites??!! Non mais t’as rien suivi. Regarde ce qu’elle a collé dessus. “ne jamais ouvrir”, “a jeter dans un trou noir”, “contenu contaminé”, “radioactif”… et j’en passe et des meilleurs.

- il faut la comprendre aussi, c’est pas facile.

- par ce que c’est facile pour moi, enfin pour nous… il y en a même qui suintent, on aura les pieds dans l’eau dans pas longtemps. Et comme cette eau est salée, elle va tout ronger, et ce qu’il y a dans ces boites et bien ca va sortir et ca sera pas beau a voir, crois-moi.

- je vois.

- c’est tout ce que tu as dire. Je vois! Non mais tu ne mesures pas la catastrophe qui va nous tomber sur le dos. Tout ses mauvais souvenirs, toutes les choses déplaisantes qu’elle essaie d’oublier, vont être libérés d’un coup. Toutes ses tristesses qu’elle a refoulé, tout les coups qu’elle pris dans la gueule et dans le cœur. Tout ce qui a pu la blesser ces dernières années, qu’elle a essayé d’effacer de sa mémoire en les rangeant dans ces putains de boites. Tout les mensonges qu’elle a accepté. Même sa fierté elle l’a mise dans une boite. Et nous ,on est au milieu de tout ca. Et toi ca ne te fout pas les boules.

- c’est vrai, en y réfléchissant….

- t’es un maso, j’en suis sur maintenant, tu aimes souffrir. On est au bord de la rupture, de la surchauffe, de l’atomisation…

- tu n’exagères pas un peu la.

- non, c’est toi qui ne saisis pas. Elle a effacé, consciencieusement tout ce qui lui faisait mal. Elle a mis dans ces boites d’oubli tout ce qui lui donnait envie de crier, de pleurer, de se faire mal, de faire mal. Mais il y en a de trop. Aujourd’hui elle ne sait même plus qui elle est. Elle ne sait plus comment ressentir. Elle se refuse a penser qu’elle pourrait être heureuse. Que c’est normal parfois d’avoir mal a en vouloir vomir. De crier a en avoir mal a la gorge. De pleurer jusqu’à se que ses yeux brulent. Elle va se briser, sous le poids des regrets aussi.

- tu es dramatique comme toujours.

- et toi trop cretin de croire qu’elle va s’en sortir cette fois.

- j’ai foi en elle. Et toi tu es toujours pessimiste et alarmiste.

- et toi toujours a croire que demain sera meilleur, tu crois que c’est mieux?

- non mais j’ai confiance. Elle est forte.

- tu crois?

- oui.

- bon si tu le dis. Mais quand même, qu’elle arrête de nous balancer a la gueule toutes ces boites de merde, c’est trop lourd.

- comprend la, c’est le seul moyen qu’elle a trouvé pour continuer a vivre. Et si on lui refuse cette “facilité”, cet échappatoire, elle va disparaitre et nous avec.

- c’est bon j’ai compris. Mais aide moi a faire un peu de rangement. J’ai besoin de pouvoir tourner en rond pour me morfondre.

- d’accord.

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