Lol@

Rose Bottlebrush

LOL@,

Ce matin au réveil, le lit était désespérément vide. Je me suis fait un café, puis je me suis installé devant mon ordinateur. Ouverture de la boîte mail, messagerie instantanée, j’attends. Actualiser. Actualiser. Actualiser. Je ne sais pas où tu es. Je ne sais pas ce que tu fais. J’attends. C’est plus fort que moi. Tu me manques points de suspension. C’est lourd comme un orage qui menace mais n’éclate pas. Je ne sors presque plus de chez moi. Je passe mon temps à attendre de tes nouvelles, quand seras-tu connectée virgule ma chère Lola point d’interrogation. Je reste face à ton silence, totalement impuissant. Je deviens dingue. Cela ne me ressemble pas. Je ne me suis pas rasé depuis deux semaines, j’ai l’air d’avoir oublié le sens du mot « réalité », et je passe le temps à oublier de manger. Mes mains te cherchent, constamment. Mes yeux également. Quand je suis dans la rue, mon regard se porte sur chacune des blondes aux yeux bleus que je croise en imaginant que c’est peut-être toi. Mais aucune jusqu’alors ne portait une fleur bleue dans ses cheveux, comme celle que tu dis ne jamais quitter. Alors j’imagine. Je rêve de tes lèvres rouges, terriblement tentantes, que je désire ardemment embrasser. Mais cette sensation, hélas, reste inconnue. Je stagne dans une mare de passivité, je reste seul.

Lola virgule je n’en peux plus deux points ouvrez la parenthèse. Nous savions que ce jour allait arriver. C’est trop dur. Je mets un terme à notre relation virtuelle point. Je refuse de continuer à avoir le choix d’effacer chacun de mes mots sur un .txt éternellement modifiable. Je veux te parler sans devoir enfermer mes sentiments dans un message de maximum 160 caractères. Quand je pense à toi, j’ai les yeux brillants d’émotion comme un amoureux transi. Lola, tu me rends fou. Rappelle-toi de tous ces instants précieux que nous avons partagé… J’ai relu nos archives de conversation sur messagerie instantanée, j’y ai conservé tous nos rires. Nous nous sommes construit un monde dont nous seuls avons les clefs. Un univers parfait, contrôlé, où l’on peut se donner sans conséquence… Tu m’as rendu heureux point de suspension heureux mais frustré point. Mes yeux sont rouges à force de te lire entre tous ces pixels. Ma nuque est douloureuse, mon dos noué. Tu m’as hypnotisé. Lola virgule serais-tu juste un mirage point d’interrogation. Je ne sais plus si tu es réelle ou pas… Je n’ai jamais pu sentir ta présence, ton odeur. Je n’ai jamais touché ta peau. C’est insupportable de n’avoir pu te tenir une seule fois dans mes bras. La barrière 2.0 ne me rendra pas fou. J’en arrête ici les frais, un peu à regrets. Je voudrais tant troquer mon écran plat contre les courbes de ton corps. T’embrasser doucement. Apprendre de toi chacune des cicatrices, des grains de beauté. J’aimerais pouvoir être avec toi en silence sans avoir à formuler chacune de mes envies : juste les vivre. Lola, je rêve de partager des choses avec toi. Ramasser les miettes d’un gâteau sur ta peau au lieu de les voir souiller mon clavier. Te dire que je t’aime les yeux dans les yeux sans connexion wifi.  Ne plus être déconnecté de ta réalité.

Je me pose beaucoup de questions. Qui es-tu vraiment point d’interrogation. Je suis perplexe. J’aimerais te faire confiance, mais après tout, tu restes une inconnue. Parfois, tu vas certainement en rire fort, mais je deviens paranoïaque. Je me dis que peut-être, tu n’es pas Lola, mais un moustachu chauve qui fume comme un pompier et qui doit bien se moquer de moi. Finalement, je n’ai aucune certitude… Je serais vert de rage, si en plus d’un mirage, tu étais un mensonge. J’ai peur virgule Lola point. Je dois t’avouer que je n’ai pas forcément été honnête sur toute la ligne. Il est très facile d’avoir l’air d’un beau ténébreux qui se promène une rose entre les dents lorsque l’on se cache derrière un écran. D’ailleurs, je parle très mal italien. Les logiciels de traduction m’ont beaucoup aidé lors de nos échanges. Je suis navré, j’en suis moi-même très nauséeux. Je suis en colère, tu sais. J’aurais voulu que les choses se déroulent autrement. Je ne compte pas me tirer une balle en pleine tête, mais je me sens vide et infiniment triste. Aujourd’hui, mon esprit nage dans un espace-temps mort entre ton ordinateur et le mien. J’ai beau augmenter la luminosité, je reste décontenancé, perdu, alarmé. Je voudrais continuer à vivre notre rêve, mais je ne peux pas. Tellement pas. Je disparais de ta liste des connectés avant que nous nous détruisions. Je suis désolé virgule Lola point tu me manques déjà point de suspension deux points apostrophe ouvrez la parenthèse c’est avec les larmes aux yeux que je t’embrasse en mots une dernière fois virgule adieu point final.


P.S. : Si la vie t’en dit, je t’ai laissé mon adresse en pièce jointe. Je t’attendrai ce soir entre deux dossiers, fenêtre ouverte…

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