L'ombre qui se moque

Elle presse ses mains à l'encre noire des silences. Sans plus rien dire, car toujours, demain est un autre jour qui dort, l'éternelle promesse qui chute. Ni voyelles, ni consonnes, les sons se heurtent et trébuchent las, emprisonnés entre ses mâchoires serrées.

La bruine s'enfuie entre les rideaux pâles de la fenêtre crasse, poussière, sous les battements de son horloge amie qui égrène les chapelets de ses non-sens. Elle s'est oubliée un jour, c'était en Novembre. Et elle ignore… Derrière le miroir, le compte de ses heures atrophiées, et le temps bleu nuit qui caresse ses pommettes affaissées. Elle a oublié. Ses sourires enfantins, et comme son rire habillait si bien les murs avant de déserter.

Elle attend, espère l'autre. L'ombre qui se moque, le cadavre de son bel automne, qui danse ivre et succube, mort vingt fois déjà sous d'autres soleils qu'elle ne sait pas. Tandis qu'elle perd le goût des choses. Elle repasse, ressasse, en boucle, sans perspective, des images vieillies, des odeurs rances de mousse et de pluie.

Pourtant la vie s'agite, promet encore et trépigne de se laisser abandonner, s'impatiente à deux pas, de coups sourds portés à sa raison qui ne veut pas. L'encre coule noire sur les bouquets tressés d'hier, et la pluie cogne à ses carreaux. Juste l'été qui gronde d'être dilué sous les voilages de mirages évaporés. L'ombre qui se moque. Encore.