Ma valse enfance

Anne S. Giddey

Mon lit est inondé d’une lumière crue, c’est un ring, une arène. L’instant d’avant, vous dansiez. Mais la mort…

Sous mes airs d’ange baroque, je me rêvais rock. Pourtant, dès que mes mains parcouraient la flûte, c’était elle qui s’élevait. La valse. Flanquée de ses animaux de compagnie, vous trois, les rats, les trois temps de la danse. Et vous scandiez : un, deux, trois ; bien dressés, tels les enfants sages d’une classe de solfège. Alors j’ai commencé à la distordre, à la rendre bancale. La valse. Je l’ai vue, la belle diaphane, se détacher de moi en claudiquant. Ficelée dans sa lourde traîne, la mariée de Vienne. J’ai déchiré le rythme et fait craquer sa mesure. Qui vivra…

Je l’ai achevée d’une dernière dissonance.

J’ai tué ma valse enfance, il ne me reste plus qu’à laisser dégouliner le bleu de mes yeux. L’instant d’avant, vous dansiez. Un, deux, trois ; naissance, vie et mort. Je vous avoue…

Dans le ventre de mes larmes respire, embryonnaire, une symphonie rock.

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