MER AMÈRE

FUIR

— 4 lettres

— pas mieux

Quelle idée à la noix de participer à ce jeu télévisé tout ça pour fuir le quotidien

— voyelle

— consonne

— consonne

En plus je suis nulle en calcul je vais me faire laminer au moment du « le compte est bon »

— voyelle

— consonne

Ça c'est certain, mon compte va être bon

— 5 lettres

— pas mieux

FILER

Et c'est reparti pour un tour

— consonne

— voyelle

Ah là c'est le top !

— 10 lettres

— pas mieux

MAINTENANT

Et dire que l'autre me regarde à la télé ! j'ai envie de tout laisser tomber. Si je prenais un malaise, je pourrais être évacuée.

— voyelle

En plus ce jeu est uniquement regardé par le troisième, voir quatrième âge

— consonne

Je ne trouve rien de rien

— 7 lettres

— pas mieux

MALAISE

Ce n'est pas vrai il lit dans mes pensées l'autre guignol

— consonne

— voyelle

Maintenant si je tombe en syncope, ça paraitra louche, il faut au moins que j'attende un tour

— consonne

— voyelle

— 10 lettres

MEDICAMENT

— Et maintenant les chiffres ! avec les suivants qui s'inscrivent il vous faut trouver le nombre 666

Bien ma veine ! le numéro du diable maintenant ! le bon moment pour m'éclipser, tomber dans les pommes cueillies par Eve la rebelle, je sens que je pars…

— Réveillez vous

— réveille-toi, réveille-toi !

— hein, quoi ?

— lève-toi, il faut aller bosser

— Mince, j'ai fait un rêve à la con, je participais à ce jeu télévisé pour les vieux, des chiffres et des lettres ! Ça marchait pas mal jusqu'à ce que

— m'en fout, grouille toi tu vas encore être en retard

— je n'ai pas envie d'aller bosser, je me sens pas bien. Quels mots j'ai trouvé déjà ? FUIR, FILER, MAINTENANT, MEDICAMENT, serait-ce un message de mon subconscient ? Fuir, filer, maintenant ! Pourquoi pas, mais pas par les médicaments, non !

— tu n'es pas prête ? tant pis pour toi, moi j'y vais, plus le temps de te déposer, t'auras qu'à prendre le bus

Le bus ! Pas un mot tendre, pas le moindre baiser esquissé, où est passé… le passé ? le temps des câlins, de la joie, des fous rires ? Effacés, gommés, évanouis… comme moi dans mon rêve.

Je me lève enfin, bois un café, prends le temps de le boire sur la terrasse, c'est un beau jour de printemps qui commence, un temps de renouveau. J'ai envie de mettre la petite robe à fleurs que j'ai achetée il y a quelques jours, le bon moment pour l'étrenner. D'abord je vais prendre un bon bain pour finir de détendre mes muscles et mes nerfs noués.

J'entends le téléphone sonner, sonner, puis s'arrêter enfin. Je sors  du bain qui refroidit, croque un abricot et me glisse dans ma petite robe. Je sors la valise de sous le lit, y jette des vêtements en vrac, je prends mon sac, sans oublier l'enveloppe bien garnie en douce depuis des mois, laisse mes clés sur la table et claque la porte.

Fuir, filer, maintenant, cette vie monotone, morne, déprimante, plus rien ne me retient ici, enchaînée par les sentiments pendant trop longtemps.

Vivre, enfin, respirer librement, je me sens légère, vivante, euphorique, je crois que je vais aller voir la mer, m'emplir de cet air iodé, vivifiant, écouter les flots roulés sur le sable en vagues écumantes.

Je file à la gare, quelques heures plus tard, je suis dans le sud, je loue une voiture, trouve un hôtel impersonnel mais propre et je cours voir la mer.

Je me sens bien, assise dans les dunes, soudain, j'ai l'impression que quelqu'un m'observe, je me retourne au moment où cet homme me saute dessus, je me débats mais il est plus fort que moi… je m'absente de mon corps qu'il dévaste là où les vagues se fracassent… fuir… au moment où il plante son couteau encore et encore dans mon corps tordu de douleurs, trois mots me viennent en tête… fuir, filer…. Maintenant…