Opium du peuple - exercice n°13

clemence-leasther

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Si j’ai tenu à m’exprimer devant vous aujourd’hui, c’est pour répondre aux questions que vous vous posez sur la possible nocivité du Coolopran, le médicament qui rend aimable. J’ai été la cible d’attaques injustes et violentes, je répondrai ce soir sans langue bois, ni faux semblant. Vous avez droit à la vérité et, vous le savez, je ne suis pas homme à me dérober.

Tout d’abord, si vous le permettez, je voudrais avoir une pensée émue et sincère à l’adresse des familles des 5 victimes.

Cet après midi même, je les ai reçues dans mon Ministère pour leur dire combien je m’associais à leur douleur. Je les ai assurées du soutien de l’Etat français dans cette épreuve difficile, qu’est la perte d’un être cher.

Je les ai écoutées, je les ai entendues. Et je suis certain qu’elles ne m’en voudront pas de dévoiler, ce soir, un peu de nos échanges. Un sujet, qui me semble primordial, a été beaucoup discuté lors de cette rencontre, un sujet sur lequel nous avons tous une responsabilité collective : les rumeurs concernant les souffrances qu’auraient endurées les victimes au moment de leur décès. Je vous le dis, il s’agit de pures allégations, nées de l’imaginaire de certains journalistes. Ne relayons pas ce type de fantasmes d’une violence inouïe pour les familles. Je vous le demande. La mort ne suffit elle pas ? Faut-il, en plus, y ajouter de l’horreur pour plus de sensationnel ? Le Coolopran rend la perception de la vie plus rose. J’aime à croire qu’il rend aussi la mort plus douce. Et d’après les renseignements d’experts dont je dispose, rien ne contredit cette théorie.

Pour revenir sur cette affaire, certains d’entre vous avancent, et cela s’entend, que 5 victimes, en comparaison des milliers de morts par infarctus ou autre maladie chaque année, c’est finalement assez peu. Mais je dis non. (poser son poing sur la table, regard sûr) Je ne suis pas d’accord. Ce serait trop facile. Je n’ai jamais fui et je ne fuirai jamais devant mes responsabilités. Chaque vie est importante et je rappellerais cet adage d’un philosophe trop méconnu : « un seul être vous manque et c’est la terre entière qui est dépeuplée ». Soyez certains que toute la lumière sera faite sur les circonstances de ces drames. Si des dysfonctionnements faisaient jour dans mon ministère, je saurai prendre les décisions qui s’imposent. Mais pour le moment rien n’accrédite cette possibilité.

On me dit que je devais savoir que ce médicament était toxique. Soit. Je l’ai dit, je ne fuirai pas devant mes responsabilités. Je suis Ministre de la Santé et je me dois de connaître la toxicité des 52 321 médicaments en vente dans les pharmacies françaises... Je vous avoue humblement (petit sourire sympathique face caméra) que ce n’est pas vraiment le cas. Et je pense pouvoir affirmer, sans me tromper, que ce n’était pas le cas non plus de mon prédécesseur au Ministère, qui a beau jeu maintenant, de se rependre en critiques nauséeuses à mon égard, dans tous les media. Pour le bien de la France et des français, j’en appelle à l’apaisement. Je tiens d’ailleurs à la disposition de Monsieur mon prédécesseur un très bon médicament qui pourrait le ramener à plus de cordialité (petit rire sympathique).

Plus sérieusement, je voudrais revenir sur un élément important pour la bonne compréhension de cette triste histoire : le principe même de toxicité. Tous les composants médicamenteux sont potentiellement toxiques. Tout est question de dosage et de combinaison. Un nombre important de facteurs est à prendre en compte par votre médecin quand il prescrit un médicament. Cela est vrai pour n’importe quel médicament… Mais, nous le savons tous, les médecins sont souvent débordés. Ils enchaînent les rendez-vous à une vitesse vertigineuse, invitent parfois les patients à se rhabiller dans la salle d’attente, pour maintenir la cadence… Hélas... Il serait pourtant trop simple d’accuser ces femmes et ces hommes, qui, pour la plupart, travaillent au service des autres avec dévouement et passion. Afin de répondre à ce problème de surbooking médical, j’ai le plaisir de vous annoncer que j’ai demandé ce matin même à mes services de réaliser un audit auprès des professionnels de Santé. Monsieur Pandore qui dirigera ces travaux devra rendre ses conclusions avant l’été.

Enfin, je tiens à rassurer tous les français qui ont témoigné leur attachement au Coolopran, et ils sont nombreux. Le Coolopran ne sera pas interdit à la vente. Je me sens comme un colonel menant ses troupes au combat. Les grands hommes connaissent le sens du mot "sacrifice". Oui, il y a eu des victimes, oui il y aura peut être d'autres victimes, mais je vous le demande : Est ce une raison suffisante pour se priver d'un médicament miraculeux pour la société ? Combien de morts chaque année à cause de l'incivilité ? il s'agit bien aujourd'hui d'un enjeu majeur de notre société moderne et je l'affronte avec courage. Je travaille et je travaillerai toujours au service de l'intérêt collectif !

Je finirai mon intervention par un message d’espoir.

J’ai fait un rêve. J’ai rêvé d’un monde meilleur où les enfants salueraient leur maîtresse, où les voyageurs du métro laisseraient leur place aux personnes âgées, où les criminels embrasseraient les gendarmes, où les démunis accueilleraient les huissiers les bras ouverts. Grâce au Coolopran, ce rêve devient réalité. Grâce au Coolopran nous voyons fleurir des sourires et des attentions polies. Je ne laisserai pas détruire ce rêve. Pour vous, pour la France, pour le Monde, Coolodran doit continuer à agir !

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