Réflexions

Don Do

Vmoof. L'éclair du train 4. Mélange flou de ressorts, de métal, de fenêtres, de néons blafards, affiches, drapeau américain, logo du MTA. J’aurais dû le prendre. Ce train m’aurait ramené plus vite downtown.

Le métal brossé jette de faibles couleurs. Le grondement sourd noie le reste. Souffle chaud sur mon visage, toujours l'étuve urbaine, la puanteur souterraine.

Pas terrible ce soir au MET, encore un autre discours médiocre sur Freud, toujours ces pseudo artistes.

La foule s’épaissit sur le quai.

Un groupe d’ados. Un mec joue du rap, bat la mesure et gesticule violemment. Les écouteurs vissés aux oreilles.  Coupé du monde.

Voilà le train 6 pour downtown. Un panneau branlant  annonce un changement d’horaire. Je ne sais pas quand le prochain express arrive, alors mieux vaut prendre  celui-ci.

Freud, rêves, esprit, inconscient.

L’envoûtante voix de fausset du musicien de rue, en fait un gros à l’air bourru, s’évanouit quand les portes se ferment, son image aussi quand le train accélère.

New York, ville divisée par le verre. D’un bâtiment à l’autre. Les gens qui regardent par les fenêtres des taxis ou du métro. Les expos dans les musées, les oeuvres d’art dans leur cadre.

Grand Central – 42e rue.

Toutes ces fenêtres créent des couches. Des reflets superposés à des visions. Mélange de lumières: néons, ampoules, orangé du ciel de la ville, éclairs clignotant de la technologie, sirènes de police,  phares des voitures.

14e rue – Union Square.

Si on n’y prête pas attention, la multitude des couches se mélange. Le regard ne sait plus où se poser, le cerveau n’arrive plus à se fixer. Ça enivre, écrase. Même moi je suis dans le cadre, je vois mon propre reflet, un dieu, une image floue transparente, qui surveille Manhattan de sa fenêtre.

Une nouvelle station, un nouveau décor.

Deux mères comparent leur bébé dans leur landau. Une fille frime avec son pantalon décalé. Monte à Astor Pl et descend à Spring St.

Station Bleeker St. 

Deux trentenaires:
« Mec, je déménage à Frisco. Ouais, j’vais passer un an là-bas. »
« Sérieux, j’dois aussi me casser, mais NYC va trop me manquer. »

L’anonymat augmente quand les visages se confondent.

J’ai dû m’endormir dans le train. Je me réveille quand les portent se ferment. La voiture me semble vide mais je suis encore sonné. Dernier arrêt. Le MTA laisse les passagers dans le train car il fait un tour complet dans des tunnels noirs, va à uptown, et reprend sa ronde.

Je regarde par la fenêtre la station abandonnée City Hall, et aperçois une fille au regard effrayé. Elle hurle en silence. Je ne l’entends pas à cause du terrible vacarme du train bousculé sur ces vieux rails. Ses mains  agrippées à son collier tirent dessus. Cris silencieux.

Je regarde, paralysé. Je ne comprends pas ce qui se passe. Terrifiant.

Le train prend lentement le virage. La fille était juste là, sur le quai sombre. A travers la fenêtre, au-delà de mon reflet. Ses yeux ne me lâchaient pas.

Le train file maintenant vers uptown. En sueur, je descends à Brooklyn Bridge City Hall. Vide. Seuls des nettoyeurs aspergent le sol d’eau savonneuse. Mon histoire, soient ils s’en foutent, soit ils n'y croient pas, surtout à cette heure-ci. Personne à qui demander de l’aide, personne et des millions de gens.

Je m'engouffre dans l’escalier. Des cris remontent de la station.

Dans la rue, le ciel limité, poinçonné par les bâtiments. Un stand de hotdog Sabbrett fermé. Ça sent l’urine.

Où est la NYPD. Mon portable est à la maison. Je cours le long de murs barbouillés d’affiches.

Au coin d'une rue, j'entends deux flics causer dans une bagnole.
« Vraiment, y’a personne chez les Yankees que les Mets échangeraient contre Harvey ou Wheeler? »
Je les interromps. Eux non plus ne me croient pas. Du réchauffé. Des fous qui racontent des histoires de fous.
« Cette station est fermée depuis des années. On ne peut pas y accéder. »

Je dois retourner à la station mais je suis mort de trouille à l’idée de ce que je pourrais y trouver. Je descends. Plus aucun train 6 ce soir. Pas moyen de refaire le tour.

Je rentre chez moi. J’ai dû rêver. Flou total.
Je me réveille vers 4h du mat'.

Je regarde mes photos:
l’expo;
les masques;
l’intérieur du train et mon propre reflet quand j’ai photographié la station abandonnée;
une fille écroulée sur un siège. La même fille. Le même collier. À l’intérieur du compartiment pourtant vide.

Par delà la fenêtre de mon appart', par delà l'East River, plus aucun reflet, ni de lumière dérangeante. Difficile de distinguer les changements de perspective dans une scène.

  • Enigmatique, onirique et dérangeant, j'aime beaucoup ce texte.

    · Il y a presque 11 ans ·
    Wall e orig

    salander

  • Une nouvelle que j'ai, déjà lue cent fois même si je viens de terminer mon premier passage sur ce texte. Félicitations quand même !:)

    · Il y a presque 11 ans ·
    Planette

    Eddy G.N. Lane

  • Félicitation! un très beau texte

    · Il y a environ 11 ans ·
    S5000834

    Ava Ruan

  • Bravo! je suis de tout cœur avec votre joie d'avoir gagné à ce concours! Vous le méritez. Plein de bonheur pour votre avenir dans l'écriture et dans votre vie. Encore beaucoup de rêves pour vous! Amicalement vôtre

    · Il y a environ 11 ans ·
    One day  one cutie   23 mademoiselle jeanne by davidraphet d957ehy

    vividecateri

  • On sent bien la trépidation de la ville, du train, des personnes, c'est dense et ce rêve en semi conscience qui donne la note étrange à cette histoire normale d'une grande ville. Félicitations

    · Il y a environ 11 ans ·
    Yoda 24 04 09 002 92

    yoda

  • Merci à tous pour votre appréciation, en particulier ahqepha pour reconnaître l'aspect "rêve éveillé". @Stéphan Mary: justement, je cherche à faire un storyboard et filmer à New York bientôt.

    · Il y a environ 11 ans ·
    Don do selfie

    Don Do

    • Après le synopsis. Il est plus simple d'ècrire le scénario. Le storyboard est plus simple pour mettre en place les plans une fois que tu as bien tous les éléments. De plus. Cela sert surtout la recherche de producteurs.ton texte vraiment très bon en est la base. Bon courage et tiens nous au courant de l'évolution de ton projet. Cordialement

      · Il y a environ 11 ans ·
      La main et la chaussure

      Stéphan Mary

  • Congretulations

    · Il y a environ 11 ans ·
    Apphotologo

    Michel Chansiaux

  • Bravo, beau texte, entraînant dès les premières lignes.

    · Il y a environ 11 ans ·
    5023283 7500212

    hvm

  • Félicitation ! Le texte serait un très bon synopsis pour un court métrage. Bon choix de Transfuges

    · Il y a environ 11 ans ·
    La main et la chaussure

    Stéphan Mary

  • C'est fluide, frais, bien mené, très visuel, ton contemporain, bref j'ai aimé aussi.

    · Il y a environ 11 ans ·
    Avat

    hel

  • Félicitations! c'est tout à fait mérité!

    · Il y a environ 11 ans ·
    318986 10151296736193829 1321128920 n

    jasy-santo

  • Il y a un aspect "rêve éveillé" qui ressort très bien du texte...

    · Il y a environ 11 ans ·
    Muraco.nashoba

    ahqepha

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