Sa rentrée

  Tout de même curieux : nous sommes inquiets comme le sont la plupart des parents un jour de rentrée. Je nous pensais plus solides.

  C'est qu'elle sort de l'hôpital et qu'elle est encore bien faible, et toujours si frêle aussi.

  Et ce déménagement, était-ce bien l'idéal ? Elle n'est plus en tout cas qu'à dix minutes de chez nous et nous le lui répétons.

  Et puis, comme le lui dit mon mari :

  - Tu vas te faire de nouvelles amies, des copains.

  Elle sourit bravement. Je ne sais pas ce qu'elle pense vraiment.

  Elle est vraiment petite, menue. Tant de personnes nouvelles tout d'un coup, un nouvel environnement. Elle m'inquiète, elle ne va pas s'enfuir tout de même ?

  Elle a choisi de mettre sa petite robe marine ; j'ai pensé que ce serait un peu chaud pour la saison mais je n'ai rien dit. Elle porte aussi les chaussures en daim gris-bleu que nous venons de lui acheter. Ce matin, toutes les deux nous avons longuement hésité pour sa coiffure entre un bandeau et de jolies barrettes sur les tempes, c'est l'option barrettes qui l'a emporté. Je la regarde, elle est toute mignonne, attendrissante, et les passants sourient devant notre trio.

  Nous l'assurons que tout va bien se passer. C'est un bel établissement, avec de l'espace, dans un environnement de verdure. L'équipe est sympathique. Elle opine vaguement.

  Nous n'insistons pas trop mais tout de même nous lui disons que si ses malaises la reprennent nous viendrons la chercher.

  Elle se tend. Nous aussi. J'ai la gorge serrée.

  Pour le premier jour l'établissement permet aux familles des nouveaux de rester déjeuner. Nous allons affronter avec elle les premiers regards.

  Elle veut toujours bien faire : pas de faux pas, pas de faux pli, pas de retard !

  C'est l'heure.

  Mon mari sourit, la prend doucement par le bras et j'ouvre le chemin. Sa main  à elle est un peu crispée. Ils en ont fait des rentrées ensemble pourtant ces deux complices !

  Il dit : «  Maman, tu viens ? Prends ta canne. Accroche-toi à moi. On y va tranquillement »

  Nous pénétrons lentement dans le hall de la maison de retraite.