Torse de femme- L'illusion consommée.

lilii

Participation au concours Félix Valloton.


Elle s'était hâtée de remonter les draps sur sa poitrine, honteuse de la médiocrité de sa propre chair. Elle voulait filer le plus vite possible, tout effacer de sa mémoire et du jour présent, gommer la fête, sa rencontre avec lui, l'alcool et la tête qui tourne.

Elle connaissait bien Mr.Julius au travers des pleurs de ses amies et elle l'avait immédiatement détesté. Il était célèbre à la ville comme un loup qui raflait chaque soir son lot de brebis. Mais les brebis de Julius s'appelaient des femmes.

Maintenant, ça avait été son tour, plantée au bord du lit comme un animal battu, elle se sentait encore salie par son instinct de prédateur. Il l'avait eu. Facilement. Car elle s'était presque jetée dans le piège. D'abord, il y avait eu les regards insistants puis, ces mots habiles chuchotés à chacun de ses services pour finir en baiser fougueux dans l'arrière-cuisine.

Elle s'était laissée faire, enivrée par l'illusion d'être unique à ses yeux et que son corps de servante potelée ferait peut-être la différence... Foutaises ! Quelle idiote elle était ! Elle savait pertinemment qu'elle ne lui plaisait pas mais elle avait voulu y croire le temps d'une nuit. Elle, qui avait si souvent mis en garde sa sœur la voilà comme les autres, croquée par le diable. Elle pensa à son pauvre mari Jacques, qui ne lui pardonnerait jamais.

Et maintenant, elle se sentait laide comme jamais , sa peau encore rougie lui inspirait le dégoût, le plaisir encore frais, tatoué dans sa chair lui donnait la nausée.

Pourtant elle n'arrivait pas à partir et semblait détailler chacun de ses muscles saillants, il était beau et bien taillé, avec un visage doux et pourtant aux intentions si malveillantes.


Julius bailla soudainement si fort qu'on aurait cru au cri d'une bête effrontée. Il se tourna lascivement vers elle :

« Qu'as-tu à me regarder comme ça ? Va t-en souillon ! »

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