29 Septembre

J'avais pris ce train pour assommer les heures silencieuses, pour voir comment ça faisait d'être de l'autre côté, au bout des rails, sans destination sérieuse, j'avais griffonné sur le coin d'une feuille, le nom d'une impasse fleurie et l'adresse d'une auberge sous les toits, j'étais parti.

Y avait cette fille assise en face de moi le front collé à la vitre, les yeux enfoncés dans le décor et les chemins, les genoux retroussés comme je le fais quand il ne me reste que moi.

La pluie tapotait le sol, je crois qu'elle tombait depuis toujours, le wagon m'emportait sans que le temps ne s'écoule plus jamais et je ramassais dans le paysage ce que je pouvais encore.

La tristesse ne m'avait plus tiré une goutte depuis des mois, si elle s'installe à grands cris, te retourne la nuit à ses débuts, elle devient sourde et réservée pendant des années. J'étais parti sur un coup de tête, un coup de sang et y avait cette fille assise en face de moi, c'est pas qu'elle était belle, c'est qu'elle avait ce truc qui te prévient qu'il vaut mieux pas s'en approcher, qu'elle est pourrie de l'intérieur, qu'elle aussi, elle doit grappiller quelques vieux souvenirs dans la campagne qui défile.

La pluie tapotait le sol, je crois qu'elle tombera pour toujours et ma mémoire s'en va un peu plus chaque fois que je rajoute un mot, je me demande si elle la sent elle aussi l'odeur de l'insomnie et des pilules qui bercent ton humeur, je me demande si elle l'a, elle aussi le reste de mal au bide, l'arrière-goût du mercure sur la langue.

Y avait cette fille assise en face de moi, j'ai fini par remarquer ses cheveux caramels emmêlés dans son élastique et ses yeux pas que bons à chercher dans les chemins, quand elle m'a regardé c'est comme quand tu prends le vent et que tu balances ta tête en arrière pour qu'il vienne frotter tes joues, quand elle m'a regardé c'est comme quand tu prends l'air.