À quoi bon
bleuterre
Je lève mon crayon, pendant que d'autres lèvent leurs verres à la santé de leurs compagnons et refont le monde
aux comptoirs de misère, ou dans les bars branchés des jolis quartiers.
Pendant que d'autres lèvent leur vit pour la peau de quelques femmes.
Pendant que d'autres lèvent leurs armes, pour leur identité menacée par les autres.
Pendant que d'autres lèvent la crosse sur quelques enfants quittant leurs pays pour être refoulés aux frontières de nos peurs.
Pendant que d'autres font leur jogging avec leur chien le dimanche matin.
Pendant que d'autres risquent leur peau pour sauver le peu d'humanité qu'il y a à sauver.
Pendant que d'autres font grandir leurs enfants pour qu'ils donnent le meilleur d'eux mêmes.
Chacun agit pour une cause qui lui semble juste....
Je lève mon crayon pour constater mon indigence ou refaire le monde dans le surrané de quelques mots.
Dans la moiteur de quelques salons littéraires souvent virtuels.
Je lève mon crayon souvent par frustration pour tenter un tant soit peu de ne pas voler le corps de l'autre, ni sa vie tout en préservant la mienne.
Mes écrits servent-ils quelque cause nationale ?
Dans le circuit de l'inconstance, si mes textes pouvaient esquiver les digues du temps, si j'étais sûre qu'un jour des centaines de miliers de gens auraient mes mots entre les mains, est-ce que j'écrirais pareil ?
Mais je sais bien que je ne sais que lever mon crayon pour réparer un ego sous dimensionné, pour sortir la pâte informe du quotidien et tenter de donner quelques contours à l'existence
Pour reposer l'esprit des idées qui m'obsèdent, me dégoûtent, me révoltent
Jeter les mots, jusqu'à les vomir parfois, dans une forme à peu près digeste.
J'ai parfois l'outrecuidance de vouloir être lue
Et quelquefois je m'offre le luxe de penser encore que mes mots apporteront un peu d'humanité à quelques uns.
Mais peu importe pourvu que j'écrive sans faire vaciller l'étincelle endormie de quelque flammes en partance vers les nuits froides de l'apoptose.
J'essaie un tant soit peu d'éviter d'assassiner en bonne et due forme et de façon élégante, par quelques traits d'esprit, en fleurets érudits, celui qui manierait la plume avec un peu moins d'adresse.
Je lève mon crayon pour des lettres déjà mortes sans doute, pour des mots déjà écrits, pour des portes déjà ouvertes, alors à quoi bon ?
À cause de gens comme moi, sans doute, nourris au biberon du politiquement correct, des écrits se perpétuent, sur la toile, et ailleurs inutiles et vains....
Pleins de bons sentiments, voulant changer le monde....Mais les faire taire changera-t-il le monde ?
La plume n'est crédible que trempée dans le sang et dans la chair.
Ne nous trompons pas de combat, l'écriture est un acte sacré, et ses premiers pas sont souvent bien vacillants pour en éteindre le feu.
Il faut l'encourager, tout en la contraingnant à grandir, à se transformer, et à se nourrir de la pâte humaine.
Cependant, la juger, en bien ou en mal, c'est déjà l'éteindre.
Mais quand elle se fait poignard, réclamant plus de sang, doit-on la laisser faire ?
Mais je ne sais pas non plus faire taire, alors autant ne pas me taire, ici ou ailleurs qu'importe....
Merci Janteloven,
· Il y a plus de 12 ans ·Arzel, oui, c'est un vieux serpent de mer qui revient..... et pas que sur WLW.....
bleuterre
A quoi bon? c'est curieux , souvent , sous une forme ou une autre , revient, dans les écrits de WLW, la question lancinante : pourquoi écrit-on? Beaucoup d'entre nous , je pense, n'ont pas le projet d'être édités un jour. mais ils ont besoin d'écrire, avec ou sans pseudos. Pourquoi? C'est un débat intéressant en tous les cas.
· Il y a plus de 12 ans ·arzel
A quoi bon? A tous ces commentaires, non ?
· Il y a plus de 12 ans ·Bravo !
janteloven-stephane-joye
Merci de vos lectures, voilà, j'ai retrouvé la citation que je cherchais :
· Il y a plus de 12 ans ·« C'est avec les beaux sentiments qu'on fait de la mauvaise littérature. Je n'ai jamais dit, ni pensé, qu'on ne faisait de la bonne littérature qu'avec les mauvais sentiments. »
De même, Gide a affirmé :
« Les beaux et bons sentiments produisent invariablement des romans mièvres et médiocres, mais les mauvais sentiments ne sont pas une condition suffisante de la bonne littérature. »
c'est dans le journal d'André Gide
J'aime beaucoup cette phrase qui est souvent tronquée. On oublie souvent de citer la deuxième partie.
Ainsi, certains prônent une littérature où il faut perdre son âme pour bien écrire.
Peut-être faut-il connaître son ombre et la contenir pour sortir d'une littérature manichéenne, mais y perdre son âme pour être lu ne garantira pas une bonne littérature pour autant.
bleuterre
Magnifique texte.
· Il y a plus de 12 ans ·J'ai la faiblesse de penser que nous ne faisons que ce que nous pouvons avec nos douleurs et nos blessures.
Alors le dire? L'écrire? Les deux ou rien du tout.
La seule chose qui passe c'est le temps. Et si je le répète souvent c'est parce que je le crois.
Merci Bleuterre pour ce texte. Il m'a beaucoup ému.
divagations-solitaires
Une bonne réflexion sur l'écrit et les mots ainsi libérés, dévoilés! On est sans défense devant le monde, les autres, l'autre, les lecteurs, les auteurs de bonne et mauvaise veine, mais le mot c'est la vie, c'est le cri, c'est l'appel ! Je ne suis pas très claire ce soir, fatigue, mais j'ai aimé ce texte qui ne va pas se perdre puisque je le garde ! Merci Bleuterre !
· Il y a plus de 12 ans ·theoreme
j'ai beaucoup aimé, moi aussi!
· Il y a plus de 12 ans ·Karine Géhin
merci Sweety... en relisant quelques tournures à changer, ce texte est un premier jet, il mérite d'être retravaillé....
· Il y a plus de 12 ans ·bleuterre
cdc pour moi!J'ai beaucoup aimé
· Il y a plus de 12 ans ·Sweety
Wen et Stef, merci d'être passés par là.
· Il y a plus de 12 ans ·J'irai voir les textes de Diabolo....
P'tit coeur guéri, je ne vois pas en quoi ça poserait problème d'accepter ou non quelqu'un qui adopte une autre stratégie face à la douleur.
Je ne change pas ma position pour autant.
bleuterre
Parfois, il est préférable de tourner la page a un lourd passé. Assumer que j'ai eu mal, qu'enfant, j'ai souffert, est un pas en avant. D'avoir laisser sortir le mal, permet de ne plus lui donner de pouvoir et de l'importance et permet surtout d'avancer. Je me suis effectivement rendu compte que garder cette douleur en moi était une perte de temps. Je suis sans doute différente de vous, parce que je ne vois pas l'interêt d'écrire sur ce vécu, puisque même si je ne le renies, il y a des choses qu'il faut savoir laisser là où elles sont. Laissez les morts en paix est aujourd'hui ma devise, puisqu'eux me laissent également tranquille. Et si on refuse de m'accepter telle que je suis et bien tant pis.
· Il y a plus de 12 ans ·Pseudo Pseudo
J'aime "je lève mon crayon [...] pour tenter de donner quelques contours à l'existence".
· Il y a plus de 12 ans ·C'est aussi pour cela qu'il ne faut pas cesser, jamais.
J'aime ton texte Bleu'.
wen
...je n'ajoute rien puisque mon autre pseudo l'a fait pour moi...
· Il y a plus de 12 ans ·ar-deblain-dit-livel
Aldebreme, merci de cette lecture.
· Il y a plus de 12 ans ·bleuterre
merci de vos réactions.
· Il y a plus de 12 ans ·@P'tit coeur guéri,merci de ta réaction, les blessures, enfin pour moi, quand elles s'imposent encore dans les mots, je préfère les faire sortir par écrit, c'est qu'il faut les écrire encore, même si c'est sorti des fois ailleurs par la parole. Une fois ne suffit pas toujours... après, peut-être que les écrire appelle aussi à écrire autre chose...
@ Dominique, oui, les pseudos, c'est froid, c'est anonyme par définition, on ne sait pas qui se place derrière. Mais bon, pour moi, en activité professionnelle, je me dois d'une certaine neutralité, et puis pour les proches, les enfants, pour plein de raisons, le pseudo, je le garde. C'est vrai du coup que l'impact des écrits est amoindri. Sans doute qu'à la retraite j'écrirais en mon nom propre... si j'ai une retraite un jour. Merci en tous cas de ton commentaire
@ merci Mathieu d'être passé par là.
bleuterre
Une journée sans écrire est une journée de foutue disait l’auteur, une journée sans être lu(s) l’est tout autant et auquel cas ; Est-ce l’auteur qui est mauvais ou le lecteur qui est capricieux ? Un jour qui vante votre crayon et l’autre tend le « bâton », j’en connais de cyclothymiques et de quinteux. Je sais, je force un peu la ligne mais, les auteurs passent par le feu du jugement et c’est, soit la combustion, soit la chaleur douce qui aide la main. J’en lis. Beaucoup. Des textes que je ne trouve pas bon et qui sont lus par des dizaines de personnes et des textes sublimes délaissés. C’est ainsi. Le vôtre, comme à l’habitude, je l’ai lu plusieurs fois, ce n’est pas dire je vais le faire plus tard qui se voue à l’oubli. Je suis assis et je ne suis pas pressé.
· Il y a plus de 12 ans ·Alain Lehéricy
Bonne réflexion. Je crois que tout ce qui s'écrit dans les réseaux sociaux, notamment dans ceux comparables à WLW, a un certain impact, peut contribuer, dans le bon ou le mauvais sens, à la culture et à l'opinion. Quitte à vous faire réagir, je dirai à tous que ce qui me gêne, c'est l'usage trop fréquent de pseudos, donc d'une forme d'anonymat qui ôte une certaine conviction à ce qui s'écrit. Perso, j'écris essentiellement sous mon propre nom, bien qu'ayant utilisé des pseudos autrefois pour des rubriques bien particulières.
· Il y a plus de 12 ans ·Dominique Arnaud
Quel chariabia Reverrance !
· Il y a plus de 12 ans ·Pseudo Pseudo
Révéler n'est pas oublier. Guérit-on jamais ? On apprends à vivre avec des ampoules aux pieds, c'est moins douloureux que les cloques. attention, comme disait Maître Capello, cette phrase n'est pas aussi stupide qu'elle en a l'air. il y a des douleurs qui ne s’éteignent pas, pour diverses raisons. Leurs stolons continuent à étouffer les petits cœurs encore vulnérables. C'est quand on meurt qu'on est guéri de la vie ! Hihihi. A l'hosto aussi on meurt guéri mais ça ça s'appelle une erreur médicale.
· Il y a plus de 12 ans ·Pour en revenir au texte de Bleu. Bleu a le feu, le feu bleu, le feu de l'arsenic et de la couleur de la partie la plus chaude de la flamme.
Très beau texte, proclamation, tout est dit dans la dernière phrase, à mon sens, mon sens qui te connait un peu ;)
eaven
P'tit coeur guéri j'ai pas lu que je demandais de savoir ... parce que je m'en fous pour qui c'est ce qui m'importe c'est de qui c'est et ca je le sais :
· Il y a plus de 12 ans ·Ps je ne te répondais pas, je répondais au titre de Bleu
reverrance
Et il le faut pour qui, Révérence ? A quoi ça te servirait de savoir ?
· Il y a plus de 12 ans ·Pseudo Pseudo
ben vouiii, faut pas se taire.... merci pour le CDC miss reve....
· Il y a plus de 12 ans ·bleuterre
A quoi bon ? Parce qu'il le faut !
· Il y a plus de 12 ans ·CDc
reverrance
Juste une question qui me taraude un peu. Quand les douleurs d'hier, enfin je veux dire, quand les souffrances liées à l'enfance ont pu être révélées par la parole ( ce qui m'a été bénéfique ), à quoi bon les écrire aujourd'hui ?
· Il y a plus de 12 ans ·Pseudo Pseudo
merci à vous de vos lectures.... je vais juste changer la forme, pour que ça soit plus lisible.
· Il y a plus de 12 ans ·bleuterre
J'ai lu et j'ai accroché à tes mots.
· Il y a plus de 12 ans ·Pseudo Pseudo
et bien, il y des mots qui viennent du coeur, des mots d'esprit, et il y a les mots qui savent touches, transporter, changer et ce sont tes mots. a qoi bon, car dans tout ceux qui vont te lire il y en aura au moins a qui ca parlera plus et changera quelque chose. alors il faut continuer, surtout quand c'est aussi bon
· Il y a plus de 12 ans ·christinej