Cri
fionavanessa
Oui, je récidive. Oui, encore.
Vous m'avez tellement réconfortée d'avoir aimé et reconnu les beaux mots de Luc. Pas beaux pour être beaux. Beaux parce que vivants, criants de vie lucide et vraie.
J'avais encore tant à dire de lui. J'aime, je partage ; ces mots sont devenus galvaudés sur internet, et n'ont que la moitié de leur sens dans le virtuel.
Lui, quand il vous aime, vous le savez. Vous le ressentez. Il y a beau y avoir quatre-vingts ans de distance entre ses mots et nous, on l'entend. On le prend en plein cœur, en pleine face. Et on n'oublie pas, ni sa douceur, ni son questionnement.
Luc, je l'aime tant, et depuis plus de vingt ans que ça dure, j'ai réalisé soudain que c'était criminel de garder ça au secret. Je comprends tellement Frédéric Richaud, qui a dédié vingt ans de recherche pour aboutir à sa biographie. Tant le personnage est prenant, tant on aimerait être capable de tout dire de lui, lui si entier, lui le mystère en pleine lumière.
Depuis notre canapé, on nous a rebattu les oreilles de déterminisme social, que les enfants de divorcés, les enfants battus, les enfants mal aimés auront moins d'avenir que les autres, auront besoin de psychologues, d'assistantes sociales, d'enseignants compréhensifs, nous pouvons sourire, à la description de son parcours à lui. Sa mère opiomane jusqu'à la moelle, son oncle et sa tante qui le prennent en charge puis s'en déchargent auprès d'un asile pour aliénés mentaux. Le petit garçon de ferme seul dans le Jura, le garçon vacher. Qui se découvre un amour incommensurable pour les livres, pour les femmes qu'il croise et qui s'occuperont de lui. Il s'est appris tout seul. Il a appris la ville ensuite. Pas d'instances sociales. Il a d'abord été entretenu, il a fréquenté la pègre et les aristocrates, il aurait dû mourir de faim et de misère pendant la période où, renié par tous, il dormit et mangea à la cloche de bois, si on peut appeler ça manger. Il apprit le prix de la vie d'une façon que vous et moi, bien chauffés, mangeant plus que sa "soupe" à l'eau chaude et au croûton de pain, ne soupçonnons qu'à peine. Peut-être vous seriez-vous, me serais-je détournés si nous l'avions croisé alors, hirsute, hagard, l'habit en bataille. Et pourtant nous le trouvons magnifique. Parce que son écrit frappe encore, là où ça fait mal, d'outre-tombe, on l'aime. Parce que ses mots crient, respirent, touchent, on ne peut pas ne pas l'aimer. Ou alors on n'aime rien en cette vie. Ni la sève de l'arbre qui provoque le tendre vert, ni le flot des eaux qui s'écoule au fil des heures, ni la rétine pétillante de l'être chéri.
Il n'est pas pathétique, ni larmoyant. Il est fort. Il gravit les kilomètres, les étapes, l'indifférence. Il est plus fort que sa grande carcasse qui peine parfois à le soutenir.
"Mes yeux s'usent, mes forces s'usent, mais ma vie ne s'use pas, parce que mes forces sont en-dehors de moi".
Le Bonheur des Tristes, 1935
Il a un but, rejoindre sa mère et la sauver, prendre le dessus sur la ville qui engloutit ses forces vitales.
"Tu vois, l'amour c'est cela, un grand courage inutile". le Bonheur des Tristes, 1935
Il a le cœur pur. De celui qui ricoche dans les nôtres pour de bon. Il est sans fard. Il a reconnu l'horreur de sa situation, de notre condition humaine, de la précarité de notre existence, de nos enjeux, notre vie pour qui, notre vie pour quoi ? Notre vie et le peu qu'il en restera si on ne prend pas garde à être aussi sincère avec soi-même qu'il nous le suggère tendrement.
La vérité, Luc, c'est que je doute de tant de choses depuis mes quinze ans. Mais de toi, je ne doute pas. Toi mon frère d'infortune. Toi mon ami initiateur, qui me chuchotas, "tu vois, voici ce que j'ai vu dans ma vie à moi. Ne ferme pas les yeux dans la tienne, ma sœur, et ne garde pas toutes ces choses chagrines pour toi. Cette ville tentaculaire, cet anonymat dévorant, m'ont rongé aussi, mais j'ai survécu, mieux, j'ai aimé. J'ai été transporté et grandi".
Je m'étais dit que la suite de mon hommage serait mis en scène, fictif. Il le sera sans doute aussi. Mais je ne peux pas là tout de suite, je l'aime tant. Il me faut jeter un cri, merciiiiiiiiii ! Je ne me fais guère d'illusions, il restera méconnu. Mais deux, trois personnes ont pris l'initiative de le lire. Plus peut-être le feront. Et d'autres ont aimé ces quelques phrases partagées avec vous. Pour moi, j'aime, je partage, ces mots revêtent pleinement leur sens depuis vos commentaires. Luc aurait sans doute aimé cela, lui qui voulait laisser dans les mots sa vitalité, son sang même, qui aurait voulu toucher d'une main surréelle ses lecteurs. Son sang, il le versa vraiment, mais par accident. Homme de qualité happé par la guerre.
C'est pourquoi cela me rend tellement heureuse, de l'avoir partagé avec vous. Bien plus heureuse que pour mes propres textes. Parce que moi non plus, je n'étais rien. Pour moi aussi, tu as su trouver les mots qui ont fait écho et ricoché depuis dans ma chienne de vie. J'ai su que comme toi, je pourrais traverser des villes entières, l'indifférence de toute une ville, de toute une vie s'il le fallait, pour rejoindre le seul être pour qui je ne serais pas rien. Parce que tu m'as doucement murmuré, que rien n'existe en moi qui puisse être blessé. Que tout est déjà là. Mon grand Luc, je t'aime, et si d'autres t'aiment, aujourd'hui, demain, cela me réjouit jusqu'au tréfonds de l'âme.
bravo, Fiona. Quel beau plaidoyer. Si sincère et émouvant et communiquant. je lirais un jour. Moi je continue à explorer le mien mais le premier reste le plus beau. As tu l'intention de lire"en l'absence des hommes"? il ne te parlera pas autant mais tu t'émerveilleras de la beauté de l'écriture et de la sensualité des corps.
· Il y a plus de 9 ans ·elisabetha
· Il y a plus de 9 ans ·Merci de ta gentillesse Elisabetha, petit joyau. "En l'absence des hommes" de Philippe Besson est le livre dont tu parles ?
fionavanessa
oui, oui, oui et il vient de publier la suite "retour au pays des hommes"
· Il y a plus de 9 ans ·elisabetha
mon retour parmi les hommes
· Il y a plus de 9 ans ·elisabetha
Tu parles vraiment bien de cet auteur que tu aimes. Et du coup, je te lis aussi et j'aime aussi ta façon d'écrire. Une douceur, une sensibilité toute en force et une façon de poser les mots. Petitsaintleu me l'avait dit et je dois admettre qu'il a raison. Mea culpa !
· Il y a plus de 9 ans ·Ton dernier paragraphe me fait fondre !
veroniquethery
Petisaintleu ! désolée pour le t. C'est que je préfère le café !
· Il y a plus de 9 ans ·veroniquethery
Merci pour les compliments, et la lecture.
· Il y a plus de 9 ans ·fionavanessa
:)
· Il y a plus de 9 ans ·marielesmots
Tu fait bien de réitérer, un auteur qui mérite d'être lu, un être passionné, qui vous fait vibrer, comme je les aime, qui vous porte, ce sont toujours les êtres tourmentés qui " accouchent " des plus belles choses, bien belle chronique en tous cas, émouvante, merci à toi
· Il y a plus de 9 ans ·marielesmots
Merci gentille Marie !
· Il y a plus de 9 ans ·fionavanessa
Il faut parfois oublier le maître, le déchérir pour ne pas se faire bouffer par lui. Ton écriture et tellement coulante, intelligente et vive, que tu peux voyager seule. Vive Fiona.
· Il y a plus de 9 ans ·effect
Merci ! Oui, vous savez, il y a fort longtemps que je l'ai lu, et je l'espère, digéré, mais je n'oublie pas les mains tendues sur mon chemin, je sais que je fus faite d'elles, surtout quand elles ont eu cet éclat. Oh et Fiona vit, une fois le premier pas franchi, qui sait où vous emmènera la route ?
· Il y a plus de 9 ans ·fionavanessa
Et prendre la route sans saint patron, dangereux ! Luc, c'est mon Saint Christophe !
· Il y a plus de 9 ans ·fionavanessa
Oui je comprends. J'aime bien ta bagnole et le petit porte-bonheur qui pend au rétroviseur., On s''y sent bien dedans et en sécurité.
· Il y a plus de 9 ans ·effect
Trop gentil ! Alors c'est parti pour la route !
· Il y a plus de 9 ans ·fionavanessa
;-)
· Il y a plus de 9 ans ·effect
Ton enthousiasme me donne envie de le découvrir. Merci pour ce partage.
· Il y a plus de 9 ans ·chloe-n
Il est unique en son genre. Il faillit avoir le Goncourt en 1935 pour son roman autobiographique, Le Bonheur des Tristes. Celui qui eut le prix est d'ailleurs tombé dans l'oubli. S'ensuivra en 1942 L'apprentissage des villes. Un vrai bijou. Ecrit à 4 mains avec son ami Lanza del Vasto.
· Il y a plus de 9 ans ·fionavanessa
Tu peux lire des extraits dans mon texte précédent, Luc Dietrich.
· Il y a plus de 9 ans ·fionavanessa
C'est fait. Reste plus qu'à me le procurer.
· Il y a plus de 9 ans ·chloe-n
Editions le Temps qu'il fait je crois (réédition car les éditions de Denoël, Poche et Folio sont épuisées je crois, se trouvent dans les bonnes bibliothèques.)
· Il y a plus de 9 ans ·fionavanessa
Merci. J'ai trouvé une réédition de 1951 du Club Français du Livre. Et dispo en bibliothèque. Reste plus qu'à attendre la réouverture.
· Il y a plus de 9 ans ·chloe-n
D'ici là, bonne lecture chère Chloé !
· Il y a plus de 9 ans ·fionavanessa
Bô l'amour bô chouette de partager ça
· Il y a plus de 9 ans ·Christophe Paris
Merci. pour le geste de tendre tout, qui est magnifique. Pour ce que tu donnes de lui. Pour ce qu'il va briller encore. Merci.
· Il y a plus de 9 ans ·ellis
Beau cri d'amour, lucide,,, Bravo !!
· Il y a plus de 9 ans ·Patrick Gonzalez
Merci pour ces partages..en matière de déterminisme, le plus grand semble être la génétique, quant au déterminisme social, sans doute l'éducation, quelle qu'elle soit ?
· Il y a plus de 9 ans ·Aurélien Loste
Des remarques toujours autant, comment dire, incohérentes ?
· Il y a plus de 9 ans ·petisaintleu
Je sais bien que vous ne les comprenez pas plus que la littérature française ;-)
· Il y a plus de 9 ans ·Aurélien Loste
détrompez-vous, c'est un expert !
· Il y a plus de 9 ans ·fionavanessa
De Balzac, j'ai lu ça oui, enfin expert est un bien grand mot en littérature, un lecteur de Balzac, c'est déjà ça, certes.
· Il y a plus de 9 ans ·Aurélien Loste
Dites moi mon brave, plutôt que de critiquer Balzac à tout bout de champ et que de nous sortir de l'Auguste Comte mal digéré, développez votre pensée au sujet de la génétique, du déterminisme social et du rapport avec Dietrich. L'imbécile que je suis vous remercierez de votre grande intelligence que je n'ai pas.
· Il y a plus de 9 ans ·petisaintleu
Je répondais au commentaire de Dietrich, au texte ici publié.
· Il y a plus de 9 ans ·"je vous remercierez", quel est donc ce nouveau temps bâtard de la conjugaison française ? :-(
Aurélien Loste
Je connais la conjugaison aussi bien que vous. Passez 2 nuits blanches comme je les ai passé et on jugera de votre lucidité. Quoi qu'il en soit, vous bottez en touche. Et sachez que vos commentaires en énervent beaucoup. He oui mon brave.
· Il y a plus de 9 ans ·petisaintleu
En tout cas, ton texte a inspiré d'autres cris ! MDR
· Il y a plus de 9 ans ·veroniquethery
pasées, au temps pour moi.
· Il y a plus de 9 ans ·petisaintleu
Je confirme ce que dit fionavanessa : petisaintleu est un expert dans bien des domaines ! Et en particulier une grande culture littéraire. Il lit beaucoup, a une mémoire d'éléphant ! Balzac n'est pas le seul auteur qu'il connait bien.
· Il y a plus de 9 ans ·veroniquethery
Ah certes, le sommeil est primordial, c'est même ce qui tua Balzac, qui ne dormait plus, soutenu par ses gorgées de café à la louche..même si vous l'admirez -avec raison-, ne finissez pas comme lui, puisque vous êtes populaire ici, dormez quand même un peu !
· Il y a plus de 9 ans ·Aurélien Loste
Le premier texte Fiona, je l'avais gardé dans un coin de ma tête. Mais là je m'incline, je promets de le lire et de revenir vers toi après.
· Il y a plus de 9 ans ·carouille
Tristes sont ceux qui travaillent pas et qui pensent. Luc Dietrich
· Il y a plus de 9 ans ·petisaintleu