La cerise sur le gâteau

Au téléphone, l'échange avait été courtois et sympathique. Nous avions même fini par plaisanter ensemble. C'est donc naturellement que le rendez-vous avait été pris pour dimanche. Cette famille me plaisait tant que je leur offrais l'opportunité de visiter ma maison en avant-première.

En ce début de mois de mars, l'air est printanier. A travers les fenêtres ouvertes, j'entends les oiseaux piailler dans le cerisier du jardin. Je dispose mon service à thé sur un plateau, ajoute un verre de sirop de grenadine, et quelques sablés aux amandes encore tièdes. 

Les oiseaux se sont tus soudainement. Les portes d'une voiture qui se ferment retentissent. Qu'est-ce qu'ils sont farouches ces moineaux !
Par la fenêtre, je leur fais signe que oui, c'est bien ici la maison à visiter. Je retire mon tablier, réajuste mon chignon et descends les accueillir. 
Après quelques banalités d'usage, chacun semble à son aise. Et nous échangeons comme si nous étions des connaissances qui se retrouvent après une longue absence. 

Un petit coin de verdure...
Le jardin n'est pas très grand mais semble leur convenir. Je leur présente mon vieil et fidèle ami, le cerisier. Un arbre majestueux qui a donné son nom à la maison, La cerise sur le gâteau. Beaucoup n'avait pas saisi l'allusion que revêtait ce nom dédié à cette maison: nous l'avions acheté alors que notre famille était déjà constituée, notre gâteau. L'acquisition de cette maison, c'était un plus à notre plénitude, la cerise ! 

Cet arbre avait été le garant de notre bonheur familial. A l'ombre de ces branches, nous avions bercé nos enfants. Nous avions organisé des repas de famille inoubliables. Nous avions beaucoup lu et rêvé aussi...
Nous continuons à déambuler à travers le chemin de gravier qui mène à l'entrée. Je leur désigne l'endroit où le récupérateur d'eaux de pluie est enfoui. Ainsi que le composteur. Leur petit garçon est si intrigué que j'ouvre le tiroir pour lui montrer les vers de terre et les cloportes: quel émerveillement pour lui !

La maison, ce refuge

Nous pénétrons alors dans la maison. Nous longeons un long couloir baigné de lumière et de verdure. En effet, il s'agit d'une véranda réalisée en longueur sur la façade exposée au sud de la maison dont les parois sont inclinées afin de capter au mieux toute la luminosité et la chaleur naturelle. C'est un havre de paix où les plantes y poussent harmonieusement. Une vraie bouffée d'oxygène !

Je les conduis vers le coeur de la maison. Une pièce ronde. Une matrice réconfortante. En son centre un poêle à granulés qui dispense une douce chaleur. Les murs sont recouverts d'étagères chargées de livres de tous genres et de toutes collections. Des vieux canapés recouverts de tentures orientales incitent à la pause et à la méditation. Mû par une intuition enfantine, le petit garçon se dirige vers le coffre en osier ouvert sur des dizaines de trésors: Légo, petites voitures Majorette, figurines Playmobil... tout un univers !

La fabrique à souvenirs
L'odeur des sablés nous parvient de la cuisine attenante. Nous nous installons sur de hauts tabourets de bois à l'assise moelleuse autour de l'îlot central qui sépare la cuisine de la pièce à vivre. Alors que nous croquons dans nos biscuits, je décris les fonctionnalités de ma cuisine. Elle n'est pas high tech. Elle est à mon image. Je leur explique que je cède la cuisinière mixte. C'est un piano de cuisson qui fonctionne autant à l'électricité qu'au bois. Et je leur décris les saveurs d'une pizza ou d'un pain cuits au feu de bois ! 

Le soleil se couche lentement sur une note d'amitié sincère. Je raccompagne cette charmante famille vers la sortie tout en leur montrant les chambres au charme désuet mais avec leur touche de modernité: dressing et douche à l'italienne. 

Ce fût une belle journée mais je suis fatiguée. Je suis vieille maintenant. Mon mari est au ciel. Mes enfants vivent loin. Et je dois me faire à l'idée que je vais intégrer une autre maison bientôt. Celle des derniers jours.

Cette famille va me succéder en ces murs et je leur souhaite de connaître le bonheur que j'y ai trouvé. 
C'est ce que je leur ai dit lorsque le couple m'a embrassée pour me dire qu'ils s'y voyaient déjà. Le petit garçon m'a même confiée sa peluche avant de partir...