La chenille manchotte

eleanor-gabriel

Hommage à Jean de la Fontaine...

Boitillant et trottant sur une tige étroite 
Une chenille manchote poursuivait son chemin
Vingt-deux pieds à sa gauche et un seul sur la droite
Elle peinait à grimper sur les cimes des pins
 
Mais quel être étonnant que cette chenille verte
Tout de poils vêtue claudiquant sans tomber
La maligne se faisait chaque jour plus alerte
Puisant force dans l’éclat des nuits claires d’été
 
Vint un jour où trouvant sa pitance sévère
Un pic-vert affamé l’aperçu cheminer
Notre verte ingénue ne prit garde à l’éclair
Dans les yeux de l’infâme rêvant de la gober
 
Ô superbe manchote, déclama le gourmand
Qui jaillit de sa feuille comme un éclat de verre
Que ton pas chaloupé est suave et plaisant
Et tes petons poilus aussi touchants qu’impairs!
 
Notre chenille coquette pour la première fois
Se sentit tout flattée et tout emplie d’émoi
L’orgueilleuse se mit donc à tortiller du pas
Vingt-trois pieds dans les airs frétillant à tout va…


D’un seul bec notre oiseau ébouriffé de joie
L’attrapa et n’en fit qu’une bouchée ma foi
La pauvrette engloutie ne put guère riposter
Ayant perdu la face et la force de lutter
 
Cette bien triste histoire n’a pas d’autre dessein
Que de vous mettre en garde sur d’habiles coquins  
Et si lors vous croisez un pic-vert affamé
Gardez vos pieds sur terre et surtout décampez!

Eleanor Gabriel

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