Mon ami, mon très cher ami ...
gabrielle_v
Votre récent billet doux m'a quelque peu déconcertée, avouons-le. En effet, il ne m'avait point paru évident au cours de nos merveilleuses rencontres que nos relations relèvent d'une façon ou d'une autre du registre du commerce. Une fois la surprise passée, j'ai parcouru avec attention votre facture détaillée. Quel bonheur. Quelle douce attention de votre part que d'avoir utilisé un langage si poétique pour énumérer ainsi les délices dont vous m'avez honorée au cours de nos rendez-vous nocturnes et secrets. L'enchantement dans lequel je me trouvais ne réussit néanmoins point à éteindre complètement la vigilance et l'esprit de contradiction que vous me connaissez. Ainsi je me permets de partager avec vous quelques remarques, quelques conseils pour que votre petit commerce se porte au mieux dans les années à venir. Votre comptable abondera dans mon sens j'en suis certaine.
Vous facturez à l'acte. Sur la base d'une somme tout à fait modique. Quel fourvoiement. Quel manque de vision. Mon cher. Certes vous fûtes un homme vaillant et courageux, à chacun de nos rendez-vous. Mais enfin. C'est ignorer que vos services aillent bien au-delà de nos rencontres. Fermez-vous les yeux sur les fantasmes que l'attente de nos étreintes fait naître ? Oubliez-vous les répercussions bénéfiques et durables de nos charmantes conversations ? Ignorez-vous tout des plaisirs solitaires qui se nourrissent de cette aventure ? Ressaisissez-vous mon cher. Facturez, diantre.
Par ailleurs, je n'ai point trouvé dans votre missive d'item rappelant la discrétion dont vous avez fait preuve tout au long de ces mois. Cette qualité fait de vous une pièce rare dans ce marché - croyez-moi, j'ai mes sources. Je n'ai point non plus aperçu de mention relative à l'éducation. Car, mon cher, vous semblez avoir oublié le piètre raffinement sexuel qui me caractérisait à notre premier rendez-vous. Vous avez su avec patience et délicatesse, m'initier à quelques acrobaties, et je vous suis absolument reconnaissante. Tout a un prix, mon cher. Facturez-donc.
De manière générale, il me semble que votre timide requête passe à côté d'une grande opportunité. N'entendez-vous donc point, mon cher, le grondement sombre et effrayant de la Crise ? Notre monde traverse une des périodes les plus glaçantes de son histoire. Ne pressentez-vous point que la prochaine matière première que l'on s'arrachera sera l'amour ? L'amour ou ses artefacts. Qui ne sera point prêt à payer pour un sourire tel que le vôtre, pour une caresse douce ou un soupir de plaisir, parmi les décombres. Vos talents et votre virtuosité vous placent, mon ami, dans une posture avantageuse sur ce marché naissant. Profitez-en, ne soyez pas modeste.
Pour finir, afin de vous donner un gage de la confiance qui m'habite à votre égard, je glisse dans cette missive un chèque triplant la somme que vous me réclamiez. Faites en bon usage pour ouvrir vos horizons.
Je vous embrasse avec la tendre passion que vous savez si bien provoquer lorsque vous êtes en service.
Votre fidèle Gabrielle
Lettre aussi ironique que désenchantée et triste ! Une dure et méritée leçon à un goujat ! Il est vrai que la seule pensée de mêler amour et argent me ramollit la libido, m'éteint le désir, me refroidit façon seau d'eau glacée...
· Il y a plus de 10 ans ·astrov
Mais Bon Dieu, ce n'est ni précieux, ni ampoulé. C'est de l'ironie. Et du grand style.
· Il y a environ 11 ans ·le-hareng
J'ai l'impression de lire une lettre que ma grand-mère aurait écrite à son amant. C'est bien écrit, à l'ancienne . Faut du talent! Diantre! Bravo Amicalement vôtre
· Il y a environ 11 ans ·vividecateri
Je suis d'accord avec Georges, cette lettre n'a pas l'émotion du style d'aujourd'hui, et j'ai du mal à y entrer malgré la belle écriture qui s'adresse à une époque révolue!
· Il y a environ 11 ans ·Colette Bonnet Seigue
Amusant! Mais diantre pourquoi les auteurs qui choisissent la forme épistolaire , écrivent-il toujours leur courrier dans le style précieux et ampoulé du 18éme siècle? Laclos est mort, vous savez. Merci pour ce moment d'humour.
· Il y a environ 11 ans ·Giorgio Buitoni
Très belle écriture, la forme est superbe et mérite un cdc. Je rejoins l'avis de Wen cependant. Il me semble que Le début passe trop vite de la surprise à l'acceptation. Soit il faudrait développer, soit faire comme si cela était d"jà convenu. Car là on se dit que ce n'est pas possible d'autant qu'on ne sent point de pointe d'amertume ou de regret dans la suite du texte.
· Il y a environ 11 ans ·reverrance
Cette lettre est excellente! On en ressort plein d'histoires dans la tête: est-ce une lettre à un poète, à un 'escort' ou à un ancien amant, qui aurait demandé de l'argent à sa maîtresse riche, après lui avoir déclaré que l'argent 'ça ne l'intéressait pas'. en tout cas bravo!
· Il y a environ 11 ans ·jasy-santo
CDC
· Il y a environ 11 ans ·Patrice Merelle
Excellent !!!!!!!!!!
· Il y a environ 11 ans ·Alice Gauguin
Brillant!
· Il y a environ 11 ans ·Une missive qui trouverait sa place dans Les Liaisons dangereuses.
Bravo, Gabrielle
sophia
Je suis dans le revirement, ouvrez les yeux, votre texte est un pur chef- d'oeuvre, bonne continuation, Tendresse, Dimir-na
· Il y a environ 11 ans ·dimir-na
Sentiment très mitigé sur le fond de cette lettre. sur la forme, elle est superbe et pour cela, j'y suis de mon propre écot.
· Il y a environ 11 ans ·Mais sur le fond -et c'est toute la force dudit courrier-, j'y lis une histoire profondément cruelle où l'ironie le dispute au désespoir d'une relation perçue différemment...
Me trompe-je ?
wen
Bravo !
· Il y a environ 11 ans ·myos
Le philosophe sait échapper à certains regards, très rarement à ceux qui ont permis d'écrire. Certaines personnes veulent repousser la mort en vieillissant sachez que pour ma part, je préfère éterniser ma jeunesse, afin de vous répondre. Jeune d'esprit, je comprends qu'un chèque, revêt une certaine forme d'archaïsme, là où un virement aurait suscité moins d'encre, tout en laissant plus de place, à votre signature corporelle, en période de crise. Vous savoir comptable, me permet de savoir que vos yeux sont trop souvent ouverts, les fermer vous permettrait un accès direct au paradis. N'ayez confiance, ni en lui ni en la poste, tous deux produisent des timbrés.
· Il y a environ 11 ans ·Le poète aime cette lettre, qui eut pu lui être adressée, il confirme néanmoins qu'un rêve vaut largement toutes les réalités. Découvrir ce texte a été un réel plaisir, où mon encre préfère se paralyser. La tendresse " Cieux bleus ", "Bleu cieux " à la tienne, Dimir-na.
dimir-na