Petit chat

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Cet instant je l’ai en moi.

Dans mon ventre.

Dans ce ventre qu’ils ont un jour découpé puis ouvert.

Cet instant, parfois il me brûle. Ca fait comme une petite boule de feu qui se réveille-là, juste derrière ma cicatrice, dans le bas. Là.

Souvent quand je suis nue, je la regarde cette sale cicatrice. Crois-moi je la regarde de haut. Certes je la regarde de toute ma hauteur mais de haut, vraiment. Je t’assure. Comme si je voulais me persuader qu’il fallait réussir à prendre du recul. Tu sais, c’est étrange, mais elle semble chaque fois me sourire. Pas d’un sourire amer non, d’un sourire de franc soleil, d’un sourire de smiley amical, rond, jaune et chal-heureux.

Tout est lié tu vois. La cicatrice-joyeuse, la boule toute chaude qui envahit mon corps quand je repense à cet instant-là, et toi.

Car à cet instant, il y a ta menotte, qui au ciel tournicote sur ton tendre poignet potelé. Tes si petits doigts qui tendrement tricotent les mailles imaginaires de notre vie rêvée.

Il y a tes grands yeux, brillants comme des billes d’agate bleue, dans lesquels je plonge et découvre chaque fois le secret du premier matin du monde.

Puis à cet instant-là, ta fluette voix retient soudain mon pas.

Des mots, parfaitement alignés, sincères et spontanés, me saisissent brusquement sur place.

« T'aim’ maman »

Ma cicatrice me gêne. Ma paume sur le bois de ta porte, rend les armes et tout de moi soudain se transporte : le cœur, le corps, les bras. Tout de moi, de mon être, se tend alors vers toi, dans un seul élan…

Pour un baiser dernier, une étreinte dernière, une dernière odeur captée.

« Bonne nuit. Bonne et douce nuit, petit chat, je t’aime aussi… Très fort. »

Très fort et comme jamais je n’aurais cru aimer…

Alors peu importe les stigmates, tant que j’ai dans mon ventre, cet instant-là.  

Rien qu’à moi.

Bonne nuit petit chat.

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