Une photographie d'amour...

amy_gotha

Lorsque l'on conte la souffrance...

Il riait et son rire grave et sombre toucha à nouveau le cœur de la jeune femme. Lorsqu'il riait, il lui semblait que le temps s'arrêtait et que rien d'autre n'avait d'importance que ce rire. C'était comme un instant de plénitude dans un océan de bonheur. Une chose indescriptible,  que certains avaient qualifiées d'Amour, de Passion même. Pourtant, Hugo, Shakespeare et Cervantès ne l'avaient pas décrit ainsi. Elle avait toujours pensé qu'il viendrait comme une piqure, une chose douloureuse et tragique. Elle avait alors mis du temps à mettre un nom sur ce manteau de velours qui venait recouvrir son cœur d'hiver. Cette chaleur venue de nulle part qui embaumait et rendait fou l'âme et le coeur. Elle aimait mais elle avait toujours la raison de la peur : Fantine avait aimé, Yseult et Juliette aussi. Mais avant que son être ne se laisse aller à la série de question qui torturait les âmes amoureuses, la main de l'être aimé les avait éloigné aux loin et les faisaient honteusement se cacher aux oubliettes de sa raison. Pourquoi l'aimait-il ? Elle avait dans la tête, les questions égoïstes de ceux qui avaient la chance d'être aimés, ces questions soufflées dans le silence par le Doute, ennemi de Cupidon.

Elle aimait et il semblait que tout autour d'elle n'était plus qu'allégresse éthérée. C'était une volupté, une farandole d'ivresse qui se déversait en elle. Cet instant éphémère où courrait en filigrane, un bonheur indécent.  À cet instant, les créatures de Dieu étaient saisies de naïveté. Elle avait cru aux mots psalmodiés du prêtre, elle avait cru en sa robe blanche de dentelle et de pureté virginale. Elle croyait aux « je t'aime », aux mots de velours, ces mots qui avaient le gout du caramel et de chocolat chaud. La jeunesse croit en l'amour, les femmes se chargent d'en faire un mythe, elle était jeune, elle était femme. Elle pensait que l'amour était partout et que seuls ceux qui n'étaient pas assez fou pour rêver pouvait rater leur tour de carrousel. L'amour était l'essence-même du monde, il suffisait de tendre la main, pour cueillir la plus délicate des roses ou le plus diaphane des lys.

A ce moment là, elle aussi avait sourit et son sourire s'était confondu au sien. Qu'aurait-il pu leur arriver ? Ils étaient maitres du monde, de leur monde et de leur songe. A cet instant, personne n'avait plus de force qu'eux : il avait le bonheur, le succès des jeunes années et cette rage de vaincre. Ils avaient leurs armes pour faire face aux mondes : ils avaient l'amour mais pas que l'eau fraiche. Ils souriaient et la blancheur nacrée de leurs sourires irradiait comme un millier de papillons volant sur un champ de luzerne.   


                                                      ***

C'était l'image que renvoyait la photo de papier jauni, aux bords racornis. Cette photo froissée racontait une histoire qui n'était plus qu'un songe, tout juste un murmure dans la bruyante cavalcade du temps.  Cette image était le dernier testament du bonheur. Bref, elle avait aimé d'amour si fort qu'elle en avait fait une overdose. Elle avait eût le temps de comprendre à quel point aimer était une drogue, un LSD destructeur qui l'avait réduite à moins que rien. Peut être qu'elle n'avait pas vu qu'elle sombrait dans la folie pour lui, par lui,  à cause de lui. C'était son aveuglement aussi, elle n'avait jamais voulu croire que cela puisse être sa faute même si cela voulait dire mentir aux autres, se mentir à elle-même : elle restait la maladroite, il restait l'Amour.

Et puis, il y'avait eût ce jour où tout avait basculé, où elle avait compris que cela faisait mal quand même. Ce n'était même pas la douleur physique, ni la douleur morale qui avaient guidé son geste. Comprendre que tout ce qu'on endurait n'avait pas de salaire était une chose infiniment plus horrible pour elle. Parce que Lui, elle l'avait aimé passionnément, sadiquement,  à la folie  : elle avait accepter d'encaisser les coups pour encaisser l'amour, drôle de transaction, pauvre créature !

Mais son Dieu avait chu de son piédestal dans les draps blancs d'un hôtel illustre de Paris. Les coups qui pleuvaient comme le crachin de Londres sur ses maigres épaules dans un silence résigné n'était plus l'averse qu'elle laissait passer mais une tempête de souvenirs douloureux qui bouillonnait en elle. Elle l'avait vu lui avec elle, le sourire du bonheur, de la passion et de plénitude des innocents en extase sur les visages. Alors dans son cœur s'était opéré le mélange chimique du désespoir, de la rage et de la colère. Ce morbide mélange auquel se rajoutait la résignation contenue durant toutes ces années à accepter les coups.

Il était rentré innocemment chez lui et avait déposé un baiser sur le front de la femme. La jeune femme était resté silencieuse, silencieuse comme l'habitude dans cette soumission et cette peur paradoxale de l'Aimé. Elle n'avait rien dit ni le jour même, ni celui d'après, ni les jours qui suivirent et Lui, insouciant continuait  sa folle avancée dans la vie. Dans une parenthèse inusuelle, il n'avait pas levé la main sur elle, c'était comme si il savait qu'il était en sursis, que l'épée de Damoclès, le couperet de Robespierre allait tomber. Il ne savait pas que la créature qu'il aimait tant faire souffrir l'avait vu souffrant le désir et la chair avec celle qu'il appelait ostensiblement sa maitresse. Il y'avait  sa maitresse mais c'était la créature souffre douleur qu'il aimait de l'étrange amour, celui qui naissait du masochisme.

Il n'aurait jamais quitté sa femme pour une maitresse si vite remplacée, mais, elle,  le cœur blessé continuait de cogiter et de se poser les questions. Cette image de lutte charnelle était pour elle, l'ultime trahison, le faux pas de trop.  Elle avait fait du mot de charité un leitmotiv mais la limite avait été franchie. Elle avait partagé son corps avec la douleur, son âme avec la souffrance mais elle refusait de partager son cœur avec les tourments. Elle ne voyait en son bonheur que le fruit de ses entrailles, ce petit être qui concrétiserait le fol amour auquel elle avait cru. Elle était venue lui dire à l'hôtel qu'elle attendait leur enfant, son enfant mais elle ne lui dirait pas.

Le cœur des femmes est un océan de secrets, le sien était depuis trop longtemps le tombeau de la douleur. Cela avait commencé par une histoire de plat sans saveur, elle pensa que ce plat était sa vie à elle et que c'était à elle de se plaindre, pas à lui. Il l'avait insulté, à son habitude, elle s'était recroquevillée dans un monde imaginaire d'amour mais ce monde avait été détruit. Elle ne voyait  plus que le combat charnel d'un homme et d'une femme dans un lit d'hôtel : d'une femme et de son homme. Il n'y a avait plus aucun monde de contes de fée auquel s'accrocher pour ne plus avoir peur, pour ne plus sentir le mal, la douleur, la détresse, le désespoir, la souffrance, .Ce jour-là, il avait levé la main sur elle, ce jour-là, il ne l'avait plus jamais redescendue. De la lame ensanglantée goutait des gouttes de sang, pareil à des perles de rubis...

  • Bon... J'vais être un peu moins dithyrambique pour ma part. J'ai commencé à lire ce texte autant de fois que tu me l'as recommandé.... C'est à dire beaucoup. Ce n'est pas le sujet qui m'a fait reculer, ni ta manière d'écrire... Juste que j'ai eu du mal à entrer dans ton style que je trouve un peu ampoulé, assez "lourd", et qui n'est pas du tout dans ce que j'aime lire. Alors cette fois j'ai fait l'effort de le lire jusqu'au bout, mais j'en pense quand même la même chose. Après, ça n'est que mon avis personnel, mes goûts à moi et tout ça hein ! J'aime quand c'est fluide, que ça coule tout seul et que ça se lise sans se remarquer. Ca n'enlève rien à ta qualité !

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Logo bord liques petit 195

    octobell

  • Merci à tous pour vos lectures et vos remarques. Je suis ravie que cela vous plaisent.

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Queen elizabeth ii  4  150

    amy_gotha

  • Beaucoup d'émotions et une belle écriture, bravo

    · Il y a plus de 10 ans ·
    W

    marielesmots

  • Fais chier, je suis encore tombé amoureux. CDC.

    · Il y a plus de 10 ans ·
    544813 416184855145011 490152810 n 465

    bis

  • C'est très beau et très horrible aussi. J'ai envie de la secouer pour changer son futur :) En tout cas belle écriture.

    · Il y a plus de 10 ans ·
    525237 629036707110410 376162468 n

    Marie Cornaline

  • C'est terrible, et trop actuel malheureusement ... Mais tu l'écris avec poésie et sensibilité, une poésie percutante ! Bravo !

    · Il y a plus de 10 ans ·
    20130820 153607 20130820153847362 (2)

    rafistoleuse

  • Encore bravo pour ta belle écriture et ton style intrigant !

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Mains colombe 150

    psycose

  • Ton texte est beau et tranchant, un iceberg lancé à pleine vitesse contre le lecteur médusé. Style sublime, histoire si tragiquement humaine ! CDC

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Avatar loup 54

    matt-anasazi

  • Pour la bonne cause

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Image

    Philippe Larue

  • Merci beaucoup pour toutes ces bonnes critiques ! Triste mais il s'agit d'une réalité et c'était un défi pour moi de transposer la douleur de ces femmes. Elisabetha, je suis ravie que tu acceptes ma demande et t'envoie mes plus royales amitiés.

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Queen elizabeth ii  4  150

    amy_gotha

  • c'est trop dur pour moi. Mais le style sublime. Ta fiction est parfaite je me sens donc dans un regard qui "vole" une histoire, et des actes que je trouve injustes. J'accepte avec bonheur de t'offrir mon amitié chère auteur de talent.

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Bbjeune021redimensionne

    elisabetha

  • Un constat sans ouverture pour un espoir. CDC

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Image

    Archange Flippé

  • C'est prenant, très plaisant à lire même si c'est quand même très triste, je me mets à la place de ton personnage...

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Zelda wind waker fondo negro1 500

    Hen'sen No Tenshi

  • Merci beaucoup Athénaïs, ravie que cela vous convienne.

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Queen elizabeth ii  4  150

    amy_gotha

  • Mon Dieu c'est tellement beau... Tout à fait mon style préféré!

    · Il y a plus de 10 ans ·
    20141112 173659

    alcestelechat

Signaler ce texte