Concours Transfurge "Mauvaise blague"
Stéphan Mary
Une fois de plus Eric nous avait invité à dîner et une fois de plus, il nous fit remarquer "Je n'ai pas eu le temps de préparer quoi que ce soit. Je suis passé chez Hédiard et Fauchon". Ses dîners provenaient des meilleurs traiteurs parisiens et sa seule limite était de ne pas nous indiquer le prix. Mais ce soir là excédé, je décidais de me venger du meilleur ami de ma compagne en organisant un repas digne de ce nom, spécialement conçu pour ce cadre dirigeant aux dents fort longues.
Je l'invitais à déjeuner un dimanche avec mon frère et toute la bande de copains collègues de la société d'assurances dans laquelle je travaillais en tant que gratte papier. Eric était également dans ce secteur d'activités mais dans une autre compagnie quant à Isa ma compagne, elle était chef de service et faisait bien évidemment partie de l'équipe de joyeux lurons que nous formions. Nous n'étions pas riches mais nos deux salaires cumulés nous permettaient de vivre dans un bel appartement. Eric, célibataire nous enviait comme il enviait à peu près tout ce que Isa avait dans sa vie et qu'il n'avait pas. Ainsi compensait-il en matériel ce qui lui manquait en affectif. Cet homme avait sans doute de grandes qualités que je ne soupçonnais pas, n'en ayant décelée aucune, mais en tant qu'ami très proche de celle que j'aimais, je le supportais.
Le samedi je partis donc faire des courses avec pour objectif d'organiser un lunch avec des toasts que je voulais le plus raffinés possible. Les courses n'étant pas ma passion, je choisis les ingrédients en fonction leurs coût. N’y connaissant rien, pour moi le prix était synonyme de qualité. Au rayon pour animaux je choisis la marque la plus chère de paté pour chat et achetais des sachets au boeuf, au poulet et au poisson. D'après la publicité vue et revue à la télévision, cela devait être suffisamment acceptable pour passer pour du Fauchon en promotion. Je rentrais l’air innocent afin qu'Isa n'anticipe pas l'ampleur de ma vengeance et cachais les boîtes dans le baril de lessive.
Le soir même, je lui fis merveilleusement bien l'amour. En fait j'appréhendais secrètement sa réaction et je la voulais de très très bonne humeur, surtout pleine d'humour pour le lendemain.
Ce dimanche était une journée resplendissante d'une fin juin qui annonçait un été très chaud. Isa partit faire son jogging dominical pendant que je commençais à toaster copieusement ma vandetta gustative. Avec la chaleur, l’odeur du paté pour chat devint vite insuportable. Mais même après avoir ouvert toutes les fenêtres, persistait dans l’air un vague parfum de viande quasi avariée. Je me saisis de la bombe dans les toilettes et parfumais l’ensemble de l’appartement de lavande chimique. Deux heures plus tard j’avais préparé le repas et dressé la table. Ma compagne prit sa douche ce qui finit de masquer les odeurs félines.
A treize heure arrivaient les copains tous très contents d’une après midi qu’ils désiraient aussi drôle qu’à l’accoutumée quand nous nous retrouvions après le bureau. Mon frère fut le dernier à passer la porte une bonne demi heure plus tard. Il salua tout le monde avec bonhommie, y compris Eric qui s’était bien sûr mis sur son trente et un. Il ne connaissait personne mais jouait déjà son rôle de super cadre super au courant de tous les cours de la bourse ce dont nous nous fichions complètement. Seule Isa lui tendait une oreille attentive. Nous avions commencé l’apéritif et les uns et les autres se régalaient de mes toasts, Eric n’hésita pas à me demander où j’avais acheté ces ingrédients d’aussi bonne qualité. Fou de joie, j’inventais le nom et l’adresse d’un petit traiteur bourré de talent qui venait d’ouvrir. Il en aurait presque applaudit des deux mains. Tout allait bien jusqu’à ce que je présente le plat à mon frère ayant complètement oublié que lui avait un chat. Il ne restait qu’une petite dizaine de toasts et il se servit un exemplaire de chaque. Mais mon frère avait la sale manie de sentir tout ce qu’il mettait dans sa bouche. Il poussa un hurlement “P’tain mais du shebba, t’es dingue !”. Je partis d’un éclat de rire communicatif et les autres se joignirent à moi. C’est dans l’hilarité générale que je croisais le regard fusil d’Isa qui comprit en un instant. Eric se leva instantanément, me décrocha un “Salaud” offusqué et partit en claquant la porte.
Il refusa à tout jamais de me revoir et c’est sans aucun scrupule que je peux vous affirmer que oui, la vengeance est bien un plat qui se mange froid.
Bien écrit ! drôle !
· Il y a plus de 11 ans ·Michel Chansiaux
Excellent texte, bien écrit, maîtrisé et très drôle. Bonne chance pour le concours ! Bravo.
· Il y a plus de 11 ans ·matt-anasazi
chat alors, je n'oserais jamais faire une telle blague! Mais elle est bien bonne, de plus vous avez fait d'une pierre deux coups. J'espère qu'Isa est toujours avec vous... elle doit sentir les plats à présent si vous cuisinez de temps en temps!!!
· Il y a plus de 11 ans ·CDC
yoda
Wen je comprends ta gêne et c'est vraiment la pire blague que j'ai faite mais si tu avais connu l'invité principal... Sur ce, tout le monde a vécu ça avec beaucoup d'humour et à priori (je n'ai personnellement pas testé) ce n'était pas si mauvais que ça ! Merci de ton commentaire. Cordialement
· Il y a plus de 11 ans ·Stéphan Mary
C'est horrible !
· Il y a plus de 11 ans ·Ton texte est bien écrit, pas de souci avec ça et les pointes d'humour sont bonnes mais c'est sur le fond que je suis (honnêtement) super gêné car, invité, je ne sais pas si j'aurais ri...
En attendant, c'est une mauvaise blague parfaite et il n'y a que l'humour et l'amour qui peut sauver un situation comme celle-ci. Visiblement, Eric n'avait aucun humour, quant à son amour pour Isa, il devait être bien mal placé !
Bien joué pour le concours.
wen
Ahahah pauvre Eric ! Rho ça va, c'est pas trop méchant comme blague encore :) C'est un texte frais et sympathique !
· Il y a plus de 11 ans ·octobell
Elisabetha, "La vérité est au bout du chemin petit scarabée" ! Je crois que dans l'écriture, la vraisemblance tient au plaisir que le lecteur trouve dans le texte. Un peu comme si je te disais "Dis moi comment tu dors, j'inventerais qui tu es"... Invraisemblable ? Sans blague !
· Il y a plus de 11 ans ·Merci Sweety pour le cdc
Stéphan Mary
bon çà ne passe pas à la lecture. Il y avait un des fondateurs des ateliers d'écriture en France avec le ciclop qui nous faisait faire cet exercice: raconter trois choses vraies, trois choses fausses, et on discuter ensemble de la vraisemblance. souvent ce qui est vrai parait invraisemblable.
· Il y a plus de 11 ans ·elisabetha
C'est trop bon!
· Il y a plus de 11 ans ·cdc
Sweety
Merci de vos commentaires et de vos votes.
· Il y a plus de 11 ans ·Elisabetha tu as tort, cette histoire est entièrement vraie et encore, texte limité par le nombre de signes, j'ai été dans l'obligation d'en couper une partie. Hé oui, il y a des gens vraiment énervant et des leçons qui doivent être données en fonction de leur niveau d'imbécilité...
Stéphan Mary
C'est bon chat. CDC et vote logique.
· Il y a plus de 11 ans ·Archange Flippé
dommage je ne te crois pas!
· Il y a plus de 11 ans ·elisabetha
Inénarrable blague et malicieux à souhait, bravo. Vote acquis !!!
· Il y a plus de 11 ans ·marielesmots