Fenêtre sur coeur [Club Jetez l'encre]

La fenêtre est grande ouverte et les rideaux gondolent sous la légère brise. Le ressac de la mer les berce, et lentement, comme pour s’accorder avec la mélodie de la Nature, ils dansent à son rythme. Leurs corps se connaissent, et ils ont déjà témoigné de leur passion avec plus de brutalité. Mais à la lumière de ce petit matin, ils ont envie de changer. Un peu de douceur ne leur fait pas de mal.

A genoux, il la surplombe. Ses mains glissent lentement depuis son bassin jusqu’à son ventre diaphane et doux. Il s’est arrêté dans ses mouvements, et elle a ouvert ses yeux, contemplant ses doigts qui à présent redessinent délicatement la courbure de ses seins.

Il reprend doucement son jeu de hanche, comme une respiration lente inspirée par la mer. Il fait des vagues au-dessus d’elle et admire son corps si fin et si fragile. Son corps qu’il a pu labourer de son amour par le passé, à présent, il a peur de briser.

Là-dessous lui, elle n’est pas en reste. Le soleil lui-même, à peine réveillé, ne peut résister à la tentation de caresser ses épaules larges et musclées. Le soleil est déjà amoureux de lui, et a marqué son empreinte d’une parure dorée sur sa peau ambrée. Elle se redresse et prend place sur ses genoux déjà prêts à l’accueillir, et il la serre tout contre lui. Elle se sent si frêle et si petite sous sa poigne extatique. Ses lèvres aspirent sa peau au goût de miel. Elle aime son goût de miel. Elle l’aime tout entier, tandis qu’elle se balance dessus lui. Elle le sent là-dedans elle et elle sent son plaisir monter. Comme une doucereuse brûlure du soleil, il la prend au cœur et à la gorge, pour s’étaler en un chant de sirène jailli de ses lèvres.

Lui n’est rien d’autre qu’un marin égaré, incapable de résister. Il la renverse sur le lit, et le vent, pour l’encourager, souffle un peu plus fort. Le soleil, jaloux, se cache, et la mer s’agite, continuant à guider son rythme. Elle se cambre de plaisir, il râle de désir. Leurs corps s’harmonisent, s’agitent, s’arcboutent. Leurs sens s’aiguisent et palpitent. Leurs peaux tambourinent, leurs cœurs crépitent. Leurs veinent bouillent et leur plaisir culmine. Jusqu’à leur arracher en chœur le refrain de la mer. Et la passion s’estompe comme les vagues à la marée descendante. Leur respiration se calme, leur épiderme se refroidit. Il tombe à côté d’elle et elle s’en va aussitôt récupérer sa chaleur en se collant contre son cœur. Lui bat encore la chamade, et ça la fait sourire. Elle a une vue directe sur la fenêtre ouverte et la mer presque à leurs pieds. Elle ferait bien durer ce moment pour l’éternité.

Mais ce moment ne peut pas durer. Comme s’il en prenait conscience à son tour, il la serre plus fort contre lui. Bientôt, il sera l’heure de retourner à leur vie, la vraie, celle où l’attendent leur maison, leur famille, et leur jardin à entretenir.