Le popotin de LYNE

Elsa Saint Hilaire

Le popotin de Lyne

 

- Lyne, magne-toi le popotin !

 

Et le popotin, justement c’est cela qu’ils regardent, les lads-drivers, lad-jockeys et petits proprios de canassons rassemblés autour du percolateur du Cerf aux bois d’or, rade à l’ancienne et à l’occasion PMU interlope.  Faut dire que la Lyne, elle a tout pour leur plaire : une tête allongée avec de grands yeux bruns ombrés de cils épais et drus, une crinière lourde aux mèches raides comme des stalactites, une nuque cambrée, le garrot bien marqué, le poitrail rebondi, les reins souples et la croupe d’une jument ardennaise. La croupe, c’est le truc irrésistible qui les fait bandocher, leur frise les guiboles en serpentins. Ils appellent cela la magie équine, l’indice qui, selon eux, fera la bonne garce et la vraie salope ; alors forcément dans leurs caboches de branquignoles, dans leur confrérie qui fleure la paille et le crottin, une meuf qui ressemble à une jument, il n’en faut pas plus pour leur chauffer les burnes.

 

Et puis, la Lyne, elle n’a pas inventé la lune, même qu’on chuchote qu’il lui manque une case et que les gars entre eux la surnomment « linotte », vu qu’elle mélange les commandes et sert du café à la place du calva, ou l’inverse, c’est tout comme… Le sourire toujours aux lèvres, elle s’excuse et rougit sous leurs sarcasmes. Eux, quand ils ne parient pas sur une course, ils misent sur celui qui se la fera. Faut dire aussi qu’elle n’est pas farouche, la Lyne… pas besoin de lui tendre une embuscade pour la faire s’allonger au fond d’un box. Il n’y a qu’à lui promettre un week-end aux confins de sa Normandie natale, lui parler des alizés, des zozios de mer, de grand large, d’air iodé et en avant l’abordage… manœuvre d’autant plus rapide que son accastillage est réduit au minimum ; une robe de coton, pour tout accessoire. Quant à la promesse… on peut compter sur ses trous de mémoire.

 

Il n’y a qu’une chose qui les dérange, leur coupe les roubignolles; c’est lorsque sous leurs coups de boutoir, des larmes coulent lentement sur ses joues et que d’une voix de petite fille, elle murmure : « C’est beau la mer… »

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