Ma femme Voyage en Terrain Connu

woody

Elle a levé la main, et a susurré : « Moi aussi je bosse, alors cette année c’est toi qui t’y colle… ». Puis elle a ajouté devant mon sourcil en point d’interrogation: « J’aimerais lointain, exotique et corsé » C’était clair et précis. Elle parlait des vacances.

En ce moment son truc c’est Voyage en Terre Inconnue, elle transforme le canapé en piscine à chaque émission « tellement c’est si fort, tellement c’est humain». Bien que n’ayant pas la logistique de Frédéric Lopez, ni Le pèze pour, j’ai pris le pari de lui dégotter un paradis perdu, un lieu inoubliable, qui ferait passer les îles Salomon pour un quelconque magasin de sports.

Après quelques soirées passées à marteler mon clavier avec l’entrain d’un ferronnier marocain et quelques nuits sur la toile à organiser des transferts de boutre en train, des sauts de puce en chien de traîneau et des sauts d’hommes en Comores, j’avais presque résolu l’équation. Honni soit qui Mali pense, mais il s’avérait que le risque en Afrique était beaucoup Togo pour nous. Le Printemps Arabe n’était pas si Bénin que cela, et les prises d’otages m’effrayaient : j’imaginais Madame grillant ses RTT dans une geôle sans toilettes privatives et sans le praïme de Secret Story, et moi, un Gabon, Soudan Les Seychelles pour la faire évader et s’enfuir avec Lesotho des ravisseurs? Bien Malawi ne profite jamais, là-bas, le voleur, Iran ou Irak !

Je lui avais prévu le Grand Jeu, un mix de Koh Lanta et de Pékin Express, avec du riz à toutes les sauces, des ponts de singe au-dessus de torrents déchaînés et des nuits improvisées à même le sol de yourtes bio … C’était pas le Pérou, mais ça y ressemblait, et même si la misère est plus belle au soleil, j’avais prévu de l’indice 50 pour garder le Népal.

 Et il faut que je sois honnête, c’est quand même un atout de voyager avec Madame, car quand arrive l’imprévu ou le danger, la galanterie est parfois la bienvenue pour la laisser passer devant avec déférence. C’est vrai quoi ! Je n’ai pas plus envie qu’elle de prendre dans la main cette sympathique arachnide velue qui nous nargue dans la douche, et pourquoi serait-ce forcément à moi de sortir ce serpent farceur de son duvet… elle en a déjà dompté bien d’autres. Je confesse également que je n’en pince pas non plus pour ce scorpionounet qui essaye mes chaussures !

Et je lui reconnais beaucoup d’autres qualités : savoir se déhancher savamment devant le feu de bois d’un campement Jivaro peut tisser des liens aussi solides que ceux qu’ils ont noués autour de mes poignets, elle réussira sûrement à sauver ma tête avant qu’ils ne la réduisent à une taille insuffisante pour la survie de mes 10 neurones. N’oublions pas sa souplesse féminine qui lui permettra de chevaucher à cru ce gigantesque dromadaire  en riant sous la caresse du sirocco alors que je sacrifierais mon corps sur le siège avachi d’un 4x4 tressautant (en 1 mot), heureusement climatisé. Et que de louanges pour sa curiosité culinaire au moment de goûter ce réputé potage d’yeux de grenouilles marinés à la bave de loutre… « Non, non, vas-y chérie, j’ai bêtement oublié de prendre mon Smecta… ».

Il faut dire que nos hôtes pourraient commencer à tripoter nerveusement leurs machettes devant notre hésitation.Il est bien connu que devant l’impolitesse, le Kazakhstan !

Je finalisais ma dernière recherche sur « cours-de-la-blonde.com » pour savoir si en cas de gros pépin je pourrais éventuellement prêter sur gage madame afin de financer mon rapatriement salutaire, quand celle-ci s’est justement plantée devant l’ordinateur « Alors ? As-tu trouvé cet hôtel lointain, avec plage privée exotique et surtout un dancing pour corser nos soirées ? Ah, j’avais oublié, il faudrait qu’il soit à 2 heures max de la maison, mais tu me connais si bien que tu y avais sûrement pensé… ! »

Comment lui dire ?  Un doute Masaï … allait-elle trouver sagaie ?

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