PARADIS DE COULEURS

thelma

Elle est née les pieds dans la boue de la favela, avec pour seule terre des marécages à perte de vue dans lesquels baignent les tôles rouillées..imbriquées  par des mains calleuses et fatiguées dans ces terrils de misère. Chaque jour, elle rêve d’école..mais là, où elle vit, les leçons et devoirs  s’expérimentent dans la rue.. Elle n’a pas le choix, elle est devenue une mule pour survivre…pour nourrir sa maman impotente,vieillie précocement. Son frère toxico traîne avec de drôles de gens qui se terrent les armes au poing et lui dictent leur loi pour qu’elle ramène de quoi vivre…

Chaque matin, elle se dégourdit les jambes dans ce quartier dévasté entre deux deals, où aucune autorité n’osera jamais s’aventurer… Aujourd’hui elle est gaie, heureuse; hier la dame de l’association lui a promis des crayons de couleur pour qu’elle puisse enfin dessiner tout ce qui met en émoi son esprit incarcéré. Mais ce matin, rien n’est pareil..Au petit jour, encore recroquevillée sur son matelas  qui pue le moisi, elle entends les coups de feu…Ca tire dans tous les sens, l’armée est là.. sa curiosité l’emporte, elle se faufile au ras du sol et entrouvre la porte.. elle voit des hommes se canarder..elle a peur mais ses crayons de couleur l’attendent à un pâté de rues. Pour protéger son futur trésor, elle prend le sac qu’elle avait trouvé sur la décharge et se fait aussi petite qu’elle peut. Elle s’invente une histoire pour contrer l’insoutenable au milieu des cadavres et des projectiles, faite de feux d’artifices colorés et se mue en cascadeuse jusqu’à la terre promise. La dame est inquiète en l’accueillant. La petite fille réclame son dû. La dame lui dit qu’elle n’aurait pas du traverser le quartier en effervescence  mais déverse un tas de crayons de couleur dans le sac de la gamine dont les yeux s’illuminent enfin de ce regard  plein d’espoir qu’elle n’oubliera jamais. Elle veut retenir cette enfant le temps que tout se calme. Mais l’héroïne veut retourner auprès de sa mère lui montrer son joyau. Elle s’échappe comme si elle venait de commettre un larcin et repart en sens inverse.  Elle court à perdre haleine… jusqu’au moment où un tir plus proche qu’un autre percute son sac à face de clown et sa tête explose en bouillon de couleurs.

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