Trop belle pour être parfaite

PRESENT

Une perceuse. Des forets. Un tournevis. Des vis (ben oui, sinon j'aurai pas pris le tournevis). Des chevilles. Un marteau. Quoi d'autre ? Un escabeau. Un niveau. Un mètre qui quand on le déplie fait 3 mètres.

Voilà tout mon attirail pour mettre quelques pierres à l'édifice de mon logement parfait. 

Et ça commence avec la pose d'une tringle à rideau devant la porte d'entrée. Mais à l'intérieur bien entendu. Sinon on va croire que je mets des rideaux à l'extérieur devant mes fenêtres. Suis pas coach en déco mais quand même. 2.40 m de haut le rideau. Un  parme intense qui donnera des allures de renaissance florentine à mon intérieur. Parfait.

Je me lance. J'y vais. Je monte. Je perce. Et c'est à ce moment précis que je perds le concours pour le "logement parfait". Je viens de percer dans une gaine électrique. Je re-perce à coté. Pas assez gros le trou car la cheville ne veut pas s'y engouffrer. Je change la dimension du foret. Et par la même remplace celui du placo par celui du béton, ce qui est recommandé pour éviter d'avoir la cheville qui enfle. Utilise un diamètre de 8 comme indiqué sur la boite. Ai dû mal lire car ce n'est plus un trou, c'est un trou noir. Faut que je colmate. Avec mon chewing-gum faute d'enduit de rebouchage. J'accroche la tringle, tente d'enquiller le rideau dans les arceaux mais ceux-ci sont trop fins ou la tringle trop grosse.

Pfffff…. le temps de repartir du côté de chez Casto pour viser juste.

Retour. Le rideau est enfin posé sur la tringle. Juste retour des choses. J'accroche celle-ci à ses deux extrémités non sans une certaine appréhension sur la solidité de mon bricolage. Je descends avec fierté de mon escabeau. Fier comme un bar passé à tabac. Fais quelques pas en arrière pour admirer mon oeuvre. Toujours avec ce regard dubitatif propre à l'handicapé de service face à toute tentative de travaux de bricolage que la vie familiale sous le même toit est susceptible de lui imposer. Des fois qu'on ait besoin de toi.

J'ai à peine le temps de me féliciter qu'après avoir fait coulisser le rideau, tout me tombe dessus et je me retrouve dessous … drapé dans mon rideau. 

Le poids. C'est le poids du rideau que la tringle n'a pas supporté, sa chute entraînant avec elle une fissure qui lézarde sur le mur.

Suis dans de beaux draps. Rideau. Y a rien à voir.

Je n'ai plus rien touché depuis. Par peur d'agrandir le trou orphelin.

La tringle pendouille toujours du côté gauche de la porte. On va dire que ça fait un style. Et puis zut ! Un rideau aurait empêché la lumière de s'aventurer dans la pièce. Parfait

PASSE

Passons maintenant à une autre opération de rénovation contribuant à faire de ma maison un logement parfait.

Ma maison date des années 60 et dégage un cachet fort prisé des promoteurs immobiliers à en croire le nombre de prospectus commerciaux que ma boîte aux lettres régurgite quotidiennement. Et moi de les lire, ça me fait trop mal à la boîte crânienne. Donc je les vomis. Par paquet de 15.

Dans ma maison, au rez-de-chaussée, une salle de bains a été conservée, mode d'une époque où les grands volumes étaient compartimentés en pièces. Cette salle d'eau avec ses deux grandes vasques et sa baignoire encastrée s'ouvre sur la cuisine. La consanguinité de ces deux pièces antagonistes provoque parfois des situations cocasses lorsque nous nous réunissons autour de la table Allen * de Ligne Roset pour un repas convivial. Il n'est alors pas rare de voir surgir de la salle de bains mon ado de fils dans le plus simple appareil, tout juste ragaillardi par une douche réparatrice avant de sortir dans le vrai monde (j'ouvre un parenthèse pour dire qu'un ado vit la plupart du temps dans un monde virtuel, connecté à son ordinateur et à ses milliers d'amis sur FB et donc quand il sort dans le vrai monde, ce sont  ses parents qui sont déconnectés. CQFD). Et oui ! Tout n'est pas parfait dans le meilleur des mondes.

Il est possible également d'assister  à toute autre ablution de quiconque ayant investit les 'thermes maison' que cela soit pour un brin de toilette, un brossage de dents ou une remise en place d'une mèche rebelle.

C'est pour cette raison que je m'amusais souvent à y voir un parallèle avec l'Atrium des romains. Voire même une certaine similitude avec les voluptueux de l'époque de Néron qui se baignaient après le repas, afin de hâter leur digestion et de provoquer l'appétit pour de nouveaux festins.

Une cuisine avec vue sur  la salle de bains ? Ça vous met l'eau à la bouche !

Jusqu'à ce jour où un robinet de lavabo récalcitrant me fit ressortir ma caisse à outils afin que je lui serre la vis. C'était compter sans mes deux mains gauches. L'énervement eut vite fait de me faire sortir de mes gonds. 

- '' Pince ! '' fis-je laconiquement en m'adressant à mon assistant de fils, prêt à dégainer l'outil adéquat.

- '' Voici, Monseigneur'' répondit l'ado dévergondé.

Rien n'y fit. Pas même la pince-monseigneur. Ni la baramine.

Tenaillé par la rançon de la gloire d'être pris pour un bricoleur de génie à l'issue du combat avec ce maudit robinet et l'envie de tout balancer par dessus dehors, je jetai mes dernières patiences dans une démonstration de force digne d'une galéjade de force basque. En vain. Je décidai sur le champ, non sans avoir lâché à la volée une ribambelles de jurons, de la liquider pour de bon cette salle d'eau. Une semaine après, l'extension de la cuisine investit ce lieu. Parfait.

PARFAIT

Parfait comme toutes les pièces de cette ma-gni-fi-que maison où il fait si bon vivre. Des 3 chambres faisant office de nid douillet avec leurs vues sur une nature généreuse et ses arbres centenaires au rez-de-chaussée rehaussé par une lumière se profilant des 4 coins cardinaux jusqu'au garage transformé en pièce à vivre avec home cinéma et salle de jeux, pour le plus grand bonheur des amis de passage…avec bien sûr salle de bain attenante. 

Mon secret pour un logement si parfait ?

Un gros bouquin jaune. 

- ''What did you expect ?''

L'annuaire et ses pages jaunes pour faire appel aux compétences de professionnels dont c'est le métier de faire du sans faux plis, du pérenne et de l'esthétique. Peintre, plombier, carreleur, plâtrier, électricien, poseur, ils ont tous contribué à me rendre définitivement fâché avec le bricolage. Et je les remercie car je déteste le bricolage.

PLUS QUE PARFAIT

Ma maison ? Trop belle pour être parfaite car il y a toujours des ravalements à faire. Des retouches à y apporter. Des pièces à faire vivre. Des autres à faire mûrir. Des espaces à aménager. Des volumes à combler. Des combles à coloniser. Des endroits à rafraîchir. D'autres à défricher. Des coins à mettre au carré. Des mètres carrés à redimensionner.

Mais le plus beau, vous savez quoi ? C'est de passer des nuits d'été à la belle étoile sur la terrasse bien enveloppés dans la chaleur d'une sensation de bien-être. D'ailleurs vivement l'été s'impatiente mon fils car il a hâte de pouvoir dormir dehors avec vue sur sa maison. C'est pas parfait ça ?

* Je ne vois pas d'inconvénient à ce que le service marketing de cette célèbre marque de meubles design me verse quelques royalties en échange de citer son nom dans mon article. 

© photo :  by myself (nuit à la belle étoile)