Etoffe de soi

grenouille-bleue

Difficile exercice que de parler de soi. J'ouvre Facebook, je parcours mon profil, je cherche l'inspiration. Par où commencer ?

Peut-être les groupes auxquels j'adhère donnent-ils quelques indications ? Il faudrait que je mette en avant mon humour dévastateur, subtil et raffiné, celui qui permet d'animer les soirées mondaines avec un sourire pincé et un petit doigt en l'air (jamais le même, question de circulation sanguine).


Voyons voir... pourchasser une personne âgée avec un radiateur en hurlant "canicule surprise". Quoi d'autre ? Secouer un haïtien pour lui rappeler de bons souvenirs.

Hum. Passons sur l'humour. Je ne me rappelais plus avoir adhéré à ces groupes, cela doit bien évidemment être une erreur. Je ne me permettrais pas des plaisanteries aussi cruelles. Les vieux et les haïtiens sont des gens comme les autres (juste un peu plus morts, parfois).

Il doit bien y avoir quelques exemples de probité morale qui permettraient de redorer mon blason. Attendez que je regarde... Je suis une pub anti-alcool... non, c'est pas ça... En soirée on te parle, tu dis oui mais tu n'as rien compris... non plus...  l'amicale de la cuite... attendez, ça va venir... les SMS qu'on envoie bourrés...

Ah, voilà ! Je fais partie du groupe buvons de manière responsable. Je savais que je l'avais coincé quelque part, dans le cas où quelqu'un de ma famille tomberait par erreur sur ma page. Me voilà rassuré, j'avais peur d'avoir perdu ma caution morale.

Drôle, sobre, le profil de l'homme idéal se dessine déjà. Que dire d'autre ?

Trouvons cent mille personnes pour pisser sur l'Eyjafjallajokül. Pas mal, ça. Ca montre à la fois mon altruisme, mon implication pour une grande cause humanitaire ET ma capacité à écrire sans faute les mots les plus complexes. Je garde.


A quoi bon s'habiller quand il est 17h passés ? Une parfaite illustration de mon esprit cartésien. Mens sana in corpore sano, comme dirait l'autre en toge.

Mon côté sociable ? Encore une invitation à farmville et je brûle ta ferme et j'égorge tes vaches.

 

Mon ouverture d'esprit ? I love rien, I'm parisien.

En y réfléchissant, je ne suis pas sûr que ce soit une si bonne idée de se définir à partir de facebook...

Basons-nous plutôt sur les amis. Dis-moi qui tu hantes, je te dirais qui tu es. Ca me paraît plus prometteur. Trois grands groupes qui se dessinent à première vue.

Les amis geeks, souvenirs d'une adolescence boutonneuse passée à pourfendre les dragons au travers de nombreux jeux de rôles - sans jamais gagner la princesse, comme quoi il y avait une arnaque, déjà.

Les amis de soirée, vestiges d'une vie d'adulte gaspillée à pourfendre les princesses au travers de nombreuses copulations - jusqu'à ce qu'elles se changent en dragon, comme quoi il y avait une arnaque, déjà.

Les amis écrivains, reliques d'un présent occupé à pourfendre les éditeurs au travers de nombreuses nouvelles - sans jamais écrire de roman, comme quoi il y avait une arnaque, déjà.


Trois facettes, trois définitions, trois angles d'attaque. Oui, c'est pas mal, ça. On peut y voir de la fragilité, la fêlure du passé, compensée par un humour à fleur de peau. Cet homme écrit parce qu'il souffre, vous dites-vous. Il met son âme à nu, ses sentiments, il est beau dans son supplice, quel caractère, quel charisme !


Vous avez raison.


D'ailleurs je vous laisse, il faut que je le twitte.

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