Expérience - 1

Chers amis de Welovewords. Je tente actuellement une expérience. Celle de tout plaquer pour ne me consacrer qu'à l'écriture. Cette expérience, j'ai envie de la partager avec vous. Voilà donc un petit journal irrégulier de ce que je peux ressentir alors que je me lance dans le vide. Des hauts, des bas, des doutes, des réveils nocturnes. Mais aussi de grandes joies.

Amitiés à tous.

Jeff.

« T'es un grand malade, Jeff! »

J'observe le regard de mon pote. Un regard qui oscille entre la consternation et la compassion.
J'ai l'habitude. Je le connais ce regard.
C'est le regard du gars à qui l'on vient d'annoncer qu'on plaquait tout ou presque pour s'échapper d'une activité normale. C'est le regard du pote à qui on annonce qu'on allait tout lâcher pour se consacrer à l'écriture.
C'est le même regard que j'ai croisé quand, il y a bientôt dix ans j'ai annoncé à certains de mes amis qu'en plus de mon boulot, j'allais devenir pompier volontaire. « A 37 ans??? Mais qu'est-ce que tu vas foutre dans une caserne à jouer avec des camions rouges? ». Ce fut une de mes plus belles expériences de vie.
Ou encore celui de ces mêmes copains quand je leur ai dit que faute de trouver un emploi dans une jolie boite de conseil stratégique, j'allais bosser dans l'industrie du porno.
Le même encore que celui de ma famille, qu'à défaut de pouvoir trouver un appart correct, j'allais dormir dans ma bagnole et que ça allait sans doute me donner pas mal d'idées pour un futur bouquin. Ça a été le cas.

« Ouais, je plaque et j'écris. Et bricoler sans doute d'autres trucs, mais je ne sais pas trop encore quoi. 
- merde! Mais tu as 46 ans et tu as trois gosses. »

Je voudrais bien lui faire le coup de l'exemplarité : vaut-il mieux montrer l'exemple d'un père résigné qui gagne sa vie ou celui d'un type qui vit sa passion jusqu'au bout? Celui d'un homme qui vit dans la crainte ou celui d'un gars qui a confiance et qui pose ses couilles sur la table? Enfin c'est une image. Mais je sais que c'est inutile. Alors je garde mes couilles et ma table pour moi.

Enfin, voilà.
J'ai perdu mon boulot il y a bientôt 4 mois et je ne me voyais pas reprendre ma sacoche et aller toquer aux portes de futurs éventuels employeurs qui vous jaugent, vous évaluent, vous négocient comme une marchandise périssable. Tout ça pour un éventuel boulot dans lequel j'allais m'emmerder sec six mois plus tard. 6 mois, c'est ma date limite de conservation.
J'ai donc pris mon pari. Je me suis dit qu'on verrait ce que ça donne.
Me voilà donc devant mon PC, il y a quatre mois, en me disant, c'est le moment.
Je vient d'écluser quelques polars. Du Maigret (wow Simenon), du Brunetti et autres bouquins plus ou moins bien foutus. Car j'ai envie de m'attaquer au genre. Ce n'est pas ma tasse de thé, mais je prends ça comme un exercice de gammes.
Un mois plus tard mon polar est en boîte. Version 1 évidemment. Je crache dans les 15,000 signes par jour. Je me régale. Reste à milker le tout et à ré écrire.
C'est un dimanche, j'ai mon pavé sanglant devant les yeux. Et je commence à griffonner sur sa couverture, histoire de me masser les neurones avec quelque chose de plus léger.
Un bonhomme patate, un peu naïf.
Un cactus.
Je leur fait cracher des bulles et je les oublie.
Une heure plus tard je suis dans la cuisine de mon 3 pièces j'entends mon fils de 19 ans et mon amie Tao se marrer.
Je leur demande, de loin si je rate quelque chose.
« C'est ton bonhomme, il est fun. »
Restait à lui trouver un nom, à ce bonhomme patate.
Plup. C'est le bruit qu'avait fait ma cervelle quand j'en ai eu l'idée. Alors ce sera le Plup.
Un mois plus tard j'avais graphé plus de 120 planches.

Je revois mon pote.
Je lui montre mon Plup et ça le fait bien marrer aussi.

« Tu tiens quelque chose, là c'est sûr! »
Je me garde de lui rappeler ce que je lui ai dit quelques semaines plus tôt :
« Ouais, je plaque et j'écris. Et bricoler sans doute d'autres trucs, mais je ne sais pas trop encore quoi. »

Je ne sais pas comment la bestiole va vivre ou évoluer.
On verra bien...

Mais l'aventure ne s'arrête pas là.
Entre temps j'ai reçu un mail qui m'a fait plaisir, mais surtout qui me conforte dans l'idée que quand vous être sur votre chemin, votre VRAI chemin, l'univers a tendance à conspirer à votre réussite.

Ça c'est pour un futur texte.