Le Papa flou

mathyc

Maman était souvent en retard pour me chercher à la sortie de l’école. Avant c’était Papa qui venait, mais, un jour, ils se sont disputés très fort et Papa n’a plus le droit de me voir maintenant.
 - Théo !
C’était mon prénom, mais je ne me retournais plus en l’entendant depuis le jour où j’avais compris que je n’étais pas le seul à le porter. Dans ma classe, il y avait un Téo. Ca s’écrivait pas pareil mais c’était la même chose à entendre. 
- Théo ! 
J’ai senti une main sur mon épaule. Je me suis retourné. C’était Papa ! Je lui ai sauté dans les bras. Il avait une drôle de tête. C’était tout noir sous ses yeux et son visage était maigre comme si on avait aspiré ses joues. Slurp. Comme j’avais aspiré mes spaghettis à la cantine pour faire rire les copains. 
- On y va.
 Il regardait partout comme s’il cherchait quelqu’un d’autre. Je n’ai pas eu le temps de lui dire que maman m’avait dit qu’il n’avait pas le droit de m’approcher parce qu’il était méchant. Il n’est pas méchant je trouve. C’est lui qui venait m’accompagner au foot le samedi et à midi, il m’emmenait au McDo. Maman m’y emmène jamais alors je me demande si finalement ce n’est pas elle la méchante. 
Il m’a fait monter dans une voiture mais ce n’était pas la même qu’avant. J’ai mis ma ceinture sans qu’il me le demande. Il s’est retourné et m’a souri. 
- Tu es prêt ? On part à la venture.  Je ne savais pas trop ce que c’était mais Papa avait l’air impatient et j’étais content de le revoir.
Il a lâché un bras du volant et a cherché de la main droite quelque chose à l’arrière. Il a sorti un bonnet rose d’un grand sac tout gris.
- Mets-le, a-t-il dit. - J’ai pas envie ! C’est rose, c’est moche et c’est pour les filles. Je suis pas un zomo. Tu dis toujours que le rose, c’est pour les zomos. - Enfile-le et ne discute pas. - C’est pas jute !
Le bonnet grattait sur ma tête comme si j’avais des poux. Maman allait encore me gronder. On a roulé longtemps dans le noir. Papa s’est arrêté sur un parking de supermarché. Il n’y avait plus personne. Il m’a dit de dormir, que la venture reprendrait demain. J’avais pas mon nounours pour dormir alors j’ai un peu eu peur. Quand je me suis réveillé, la nuit était partie et le soleil était à la place. La voiture roulait déjà. - Tiens, tiens bonhomme. Bien dormi ? Tu as faim ? - Une faim de petit loup. - On va s’arrêter. Mais promets-moi de garder ton bonnet. C’est important pour le reste de la venture. - Ok.
Dans le café, j’ai bu un chocolat chaud et mangé un croissant. 
- Alors petite, on sèche l’école ? A demandé le serveur. - J’ suis pas une petite ! - Elle n’était pas en forme… a dit Papa - J’suis pas malade, moi ! -  Les enfants…
De retour dans la voiture, Papa a allumé la radio. Il parlait d’un petit garçon en levé hier à la sortie de l’école. Un petit Théo. - Papa, tu as vu encore un garçon avec mon prénom ! Papa n’a rien dit. Il était tout blanc. Il a éteint la radio et n’a plus rien dit jusqu’à ce que l’on s’arrête de nouveau. 
- Voilà Théo on y est. Tu te rappelles de cette cabane de pêcheur secrète dont je t’avais parlé une fois ? Nous y sommes.
        On y est resté plusieurs jours. Je le sais car il y a eu plusieurs fois la nuit. Au début, c’était marrant et je rigolais bien avec Papa. Puis, j’en ai eu un peu marre. Il faisait froid et noir et il n’y avait pas mes jouets préférés. Heureusement, je pouvais regarder des dessins animés sur la petite télé sans fil. A un moment, j’ai changé de chaîne. 
- Papa, Papa ! Regarde, je suis dans la télé ! 
C’était cool finalement la venture. J’étais devenu une star comme Justin Bieber sauf que je ne chantais pas. Papa est devenu tout blanc comme l’autre jour dans la voiture. Il s’est tenu la tête avant de s’asseoir. Je crois qu’il pleurait. Je ne l’ai jamais vu pleurer. C’était différent de quand je pleurais. Il ne faisait pas de bruit, lui et il était pas tout rouge. Il s’est levé. Il a ouvert la porte. Il s’est dirigé vers la voiture et a pris un carton dans le coffre. Il était plein de bouteilles de ouiski, et de rom. Il a commencé à boire. Maman disait que les gens qui buvaient beaucoup étaient des poireaux. 
 - Mais qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce qui m’a pris. Il parlait lentement et les mots sortaient bizarrement, pas comme d’habitude. - Papa, ça va ? - Arrête de m’appeler Papa tout le temps comme ça ! - Mais Papa… - Il n’y a plus de Papa, je ne suis pas ton père. Tu entends ! Elle m’a menti cette escalope. Toutes ces années… Je suis vraiment le roi des cons.
Je crois bien qu’il était complètement flou. J’avais peur et j’étais triste. La venture ne me faisait plus rire maintenant. Il s’est mis à ronfler. Il parlait dans son sommeil. Il disait : « je t’aime gamin. Peu importe ton sang ». J’ai fini par m’endormir aussi. Quand je me suis réveillé, Papa avait la bouche ouverte mais il ne parlait pas. Son grand sac gris ouvert en grand était au bout du lit. Je me suis approché de lui pour lui faire un câlin. Ca faisait mal sous mon bras. Il y avait une boîte de médicaments sans les petits ronds blancs dedans.
- Papa ? Tu es malade ?

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