Quand les Mois s'enmêlent...

sophie-l

Il était une fois un joli mois de Décembre vêtu d’un long manteau blanc immaculé, soufflant une brise glaciale sur les petits humains bleuis de froid.

Il aimait à observer leurs claquements de dents, leurs tremblements incontrôlés ou bien encore les volumineuses pelisses dans lesquelles ils s’emmitouflaient dans l’espoir de l’empêcher d’atteindre leurs corps blancs et frêles.

La nuit, il s’amusait à couvrir les sols d’un parterre dangereusement glissant et riait de voir ces petits gnomes, à peine réveillés et engourdis par son froid, s’évertuer à avancer tout en évitant la chute fatale.

Parfois, de façon la plus sournoise, il soufflait dans leur dos avec une telle force que sa pauvre victime, de surprise, tournoyait sur elle-même pour atterrir à grand fracas sur la chaussée verglacée.

Il partait alors d’un tel rire que de gros flocons se mettaient à tomber lourdement sur le nez rougi de ces créatures imberbes.

-          Cela suffit, lui criait sa mère, le mois de Juillet. Ce n’est pas parce que je suis clouée à la maison à garder Novembre et Janvier que tu dois commettre les pires bêtises ! Tu vas voir ce que tu vas prendre si je sors !

Mais Décembre s’en moquait, sa mère était si frileuse qu’elle ne se risquait que très rarement dehors. En revanche, son père, c’était une autre affaire !

Monsieur Février, assez court sur pattes à cause de ses 29 jours, était un mois redoutable. De nature plutôt gaie et ensoleillée, ses colères n’en demeuraient pas moins aussi violentes que soudaines.

Or ce coquin de Décembre continua ses facéties, papa Février s’étant absenté pour ramener du bois à son épouse qui se les gelaient méchamment en tentant de réchauffer Janvier, sa dernière née.

Mars pleurait toutes les larmes de son corps à cause d’Avril qui l’entortillait dans ses fils alors que Mai n’en faisait qu’à sa tête, enquiquinant Août qui suait à grosses gouttes.

La Mère Juillet en eut assez et maugréa contre Février qui n’était jamais là quand elle avait besoin de lui. Plantant Janvier dans les bras de Novembre, abandonnant sa marmaille tour à tour frissonnante, bouillante ou larmoyante, elle claqua la porte et partit à la recherche de Décembre, histoire de lui chauffer les oreilles.

A la vue de sa mère, celui-ci, incrédule, ne moufta pas. Mal lui en pris, Juillet en profita pour le tancer de belle façon si bien que son manteau blanc pris une teinte grisâtre puis se transforma en une boue visqueuse dans laquelle il pataugeait maladroitement.

Le soleil de Juillet brillait intensément tant son ire était grande, si bien que son dadais de fils ne résista et sentit fondre ses dernières résistances.

Sur ces entrefaites, Février regagna son domicile et découvrit avec stupeur qu’il s’était produit un net dérèglement climatique en son logis :

Janvier, que Novembre avait refilé à Juin, avait collé un rhume à cette dernière ; Avril s’était fait la belle avec Octobre, le fils du voisin ; Mai séchait tant bien que mal les larmes de Mars ; Août jouait avec des allumettes et Septembre regardait tout cela d’un œil morne et brumeux.

-          Mais qu’est-ce que c’est que cette pagaille, s’écria Février, furieux. Où est votre mère ?

Sans attendre la réponse – que les mois eurent été bien incapables de formuler – il se rua dehors et découvrit, attendri, Juillet dans les bras de Décembre, tous deux baignant dans une mare de larmes tièdes.

S’approchant doucement,  il prit son épouse par la taille et lui murmura tendrement :

- Etre parents... De quoi s'enmêler les saisons!

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