Reflet de l'âme

dechainons-nous

L'ombre est fascinante, fidèle, et docile notre meilleure compagne s'il en est. Elle vous suit partout sans jamais se plaindre, elle se profile et se faufile sur le sol, le long des murs, tout en douceur et prestement. Toujours là, et tellement discrète, compagne idéale; le mot est lâché et les doutes de s'arracher des profondeurs de l'humanité pour remonter à la surface de notre culpabilité et titiller notre méfiance.

Que font nos ombres quand nous nous endormons tranquillement d'un juste sommeil mérité.

Que font nos ombres alors qu'elles ne sont plus solidaires de notre corps, qu'elles semblent ignorer notre âme.

Que font nos ombres qui n'ont de couche ou de commode à tiroirs, pour patienter en attendant notre réveil.

Depuis quelques nuits, je me pose beaucoup de questions, si les ombres décident de sortir en notre absence et de nous être infidèles, comment le savoir ?

Dés que vous éteignez la lumière, la nuit leur appartient, elles s'évaporent dans les ténèbres, se déplacent sans bruit, passent sous la porte, caressent le chien et le chat qui ont oublié leurs querelles et dorment bras dessus dessous.

Cette ignorance me rend nerveux et m'a fait perdre le sommeil. Non pas que je sois jaloux ou que je proclame un droit de préemption, mais la fidélité ne peut souffrir de l' à-peu-près. Je suis proche de l'idée fixe et commence à avoir l'ombre d'un doute.

Nuit de chine, nuit câline, c'est décidé, en vieux mari trompé, ce soir je te suis comme ton ombre, et j'irai partout ou tu iras. Je me mets au lit tout habillé, prêt à faire feux de tous bois et me tapis sous les draps et guette l'ombre de ma vie.

Dés l'extinction de la lumière, je te sens frémir et te déplacer dans la pièce. Dans un bruit de plume qui glisse sur du papier couché, je perçois ton passage sous la porte, alors je me lève et commence la filature.

Elle avance d'un pas régulier et sûr, évite délicatement les obstacles et prend soin de se tenir éloignée des lumières parasites pour éviter de se disperser. L'ombre n'est pas soupçonneuse, elle ignore le mal et va au devant de son devoir sans se retourner, elle n'a pas d'idée noire en tête.

Je me tiens derrière elle, je me profile et me faufile sur le sol, le long des murs, mon pas devient souple et aérien glissant sur tous les obstacles, je suis devenu l'ombre de mon ombre.

Concentré sur ma filature je n'ai vu le chemin parcouru pour arriver dans cette clairière baignée par la lumière lunaire. Un bruit feutré et soyeux comme celui fait par une myriade de chauve-souris s'élevait de la plate-forme pierreuse, inondée de la pâle lumière de l'astre nocturne. Au dessus de cette mer dansaient et sautillaient une multitude de flammes noires aux auréoles phosphorescentes.

Je me mis en retrait et à couvert sous les premiers arbres qui formaient la lisière. La danse des feux follets dura toute la nuit, la communauté n'avait cessé de s'agrandir et formait une sphère dense, noirâtre et échevelée.

Au loin l'horizon s'enflammait et annonçait l'arrivée de l'aube. A pas de loup la lune laissait sa place au soleil, de phosphorescente l'aura de la pelote d'ombres laissait apparaitre des reflets métalliques, les elfes ténébreuses se dissociaient de leur matrice et continuaient la sarabande frénétique, des étincelles embrasaient la masse qui s'élevait au dessus du sol.

Il y eut une explosion, sans onde de choc, qui expulsa de la sphère des myriades de gerbes de lumières qui filèrent dans toutes les directions.

L'une d'elle fila vers moi, réplique de ma silhouette, l'être de lumière pénétra doucement en moi et projeta mon ombre loin derrière moi.

Dans la clairière, quelques ombres étaient restées en apesenteur elles tournoyèrent encore quelques temps jusqu'à se faire atomiser dans les rayons du soleil, puis former une colonne de poussières étincelantes qui se dissipaient dans l'atmosphère. Au jour naissant des vies s'effaçaient.

Je retournais chez moi suivi du reflet de mon âme.

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