REVEILLON

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Un rayon de soleil abusant d’une lame brisée de la persienne percute mon œil droit qui s’ouvre entrainant le gauche, pendant que les yeux intérieurs se ferment et que les décors des derniers rêves tardent à regagner leur remise.

Encore allongé, le premier essai de prise de conscience se heurte à la vision des poutres apparentes tournoyant au plafond.

Le vol d’hélicoptères apaisé, je sors du lit les mains en avant, me défiant de mes membres inférieurs.

Je nage nu jusqu’à une chaise, je m’y hisse, et constate que mes boyaux sont calmes et que je reçois des messages encourageants de mes jambes.

Invoquant Lazare et la chance, je tente la position debout et j’assiste fier à mes premiers pas, j’insiste jusqu’à la fenêtre attiré par la lumière.

Je reçois alors quelques images de mon passé proche, neige, chapelle russe, poudre blanche, route blanche, entrepôt blanc, amis presque perdus de vue, puis les premiers sons, rires, musique cadencée.

J’ouvre la croisée puis je pousse  son volet : du sable blanc partout sous un soleil invisible, déconcerté je referme,  je cherche un point d’eau et trouve en rampant un oasis carrelé recélant un broc d’eau, dont je bois quelques gorgées louches. 

 Je me rassois, et soudain mon cerveau  revenant dans le vert est harcelé les lettres c, o, q.

J’inspecte d’un œil encore sépia le local  genre cossu cockpit, voir cocon caucasien pour cocu cocardier, ou cocasse coquet à coqueluche et coquart au coccyx, avec son coquin cocker cocaïnomane cocottant comme un coq sous un cocotier. Je m’enquis d’un encas de cocagne : cocktail au coca, décoction de coquelicot à la coccinelle, coco sur coquetier sans coquille, coquillages et coquelet aux coquillettes.

Le coq épuisé, pour finir je croque une pêche au goût de poisson.

La notion plurielle du temps revient avec son quid éternel : « à quelle heure neigera-t-il « ?

 La connexion entre les souvenirs proches et anciens pose la question : pourquoi du sable ?

Les premiers souvenirs avec images nettes et son potable de la partie consciente de la veille arrivent dans Ma messagerie cervicale, je clique :

-       Le départ précipité, la chaussée luisante et l’arrivée dans l’obscurité en banlieue nord de la capitale.

-       Joël ami peintre surréaliste, maître en trompe-l’œil et accessoirement décorateur fait visiter le cadre du réveillon.

-       Un plafond invisible, une longue tablée.

-       Des canards sacrifiés en raison de leur foie.

-       Des homards tués condamnés par erreur avec leurs avocats

-       Des bûches glacées découpées au bord de la cheminée

-       Les fumeroles et les paroles qui s’envolent

-       La musique, forte, celle pour les corps.

-       Les confidences hurlées à l’oreille entre statiques.

-       Les derniers verres qui riment avec les premiers rictus verts.

-       Après tout blanc, Not found in memory, mais je me souviens que  notre hôte nous avait garanti le gîte.

Pourquoi du sable, quelle heure, comment je me suis couché, où suis-je ?

Le sable, même si la neige a entièrement disparu, n’est visible qu’en peu d’endroit dans ce coin sans canard, sauf si je suis dans un immense camping-car stationné dans une sablière.

Il faut que je trouve un témoin, mais maintenant à quoi je ressemble ? Retour coin carrelé, je croise un visage barbu, ton plus que mi-sel, muet et qui me dit quelque chose, puis aperçois mes habits ressemblant à une tenue de missionnaire.

Affublé de cette tenue, je déambule en quête d’un convive ravivé, et je croise enturbanné Joël qui répond enfin à  mes questions :

"14H00 le samedi premier janvier 2011, Studios de la Plaine Saint-Denis,

Au fait, ta chambre avec vue sur désert est celle du père Roch Sidet, le premier rôle dans  la nouvelle série « le monastère s’amuse »,  dont entre parenthèses le tournage à débuté depuis deux heures, cette série illustrant l’apport du génie français au développement du Sahara au début du siècle dernier.

Et hier, on a réveillonné dans les décors d’une célèbre émission de cuisine.

Vers minuit certains égarés ont découvert  le magasin des accessoires, ce qui déboucha sur une fin de soirée costumée endiablée qui vient juste de s’achever.

Mais pour connaître la fin de ta soirée, je te passe le fichier du tournage, mon boss est content, cette émission en direct a super cartonné.

Toi, on te voit surtout vers la fin grimé et déguisé, tu figures dans une position étrange entre un légionnaire et un imam."

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