4h35

4h35.

J’ai un peu sommeil. Je ne dois pas relâcher ma vigilance. Je n’ai pas l’habitude de conduire si tard, et par brouillard, en plus…

Quelle soirée géniale ! Amandine est vraiment une super copine. Organiser une soirée juste pour me présenter Guillaume, quelle attention, vraiment !

Le courant est bien passé entre nous, en plus. Je pense que je ne vais pas tarder à avoir de ses nouvelles !

Il est si beau garçon… j’en suis dingue.

Faut dire aussi que j’ai mis toutes les chances de mon côté. Avec cette petite robe noire, j’étais sûre de lui faire de l’effet !

Mais j’aurais dû rentrer plus tôt. J’ai passé la soirée à attendre qu’il me prenne la main et ce grand timide n’a jamais osé ! Je me suis languie de ce moment toute la soirée… en vain. Je me demande si…

Ahhhh !

Je n’ai pas eu le temps de le voir s’engager sur la route ! Il est sorti de nulle part !

Tout est allé trop vite !

La voiture a été secouée… Oh mon Dieu, je crois que je lui ai roulé dessus !

Je dévie vers le bas-côté et je cale. Je tremble de partout…

Qu’ai-je fait ?

Non, ce n’est pas possible, je ne suis pas une meurtrière ! Je ne peux pas avoir fait un truc pareil ! J’ouvre doucement ma portière… Peut-être est-il encore vivant ?

Je sors de ma voiture, les mains tremblantes et je m’entends parler toute seule :

« Non, mon Dieu, non ! Je n’ai pas fait ça ! Il n’est pas mort ! Ce n’est pas possible ! Oh mon dieu, non ! Pitié… Non, ce n’est pas vrai… »

Des phrases que je répète en boucle. Je dois être en état de choc, je m’en rends compte.

Oh seigneur, il est allongé au milieu de la route. Je l’ai écrasé.

Je ne veux pas voir ça, je détourne la tête, c’est trop horrible…

« Mais bouge ! Tu ne vas pas rester là, comme ça ! Tu peux peut-être le sauver ! »

Je fais un pas vers lui, mais voir son corps écrasé me donne la nausée. Je vomis.

Il est dans un état pitoyable, il y a du sang partout. Que faire ?

Il se traine, du mieux qu’il peut, mais je vois bien que son bassin est fracturé. Il me regarde, de ses grands yeux verts dans lesquels je distingue tant de souffrance. J’ai mal pour lui. Je dois l’aider !

Je m’approche et je dois lutter contre la nausée. Chaque mouvement qu’il fait produit un bruit spongieux qui me dégoûte…

 « Allez, courage ! Tu ne peux pas le laisser comme ça ! Il va mourir c’est sûr, et c’est toi qui l’auras tué ! Tu ne peux pas le laisser sur la route ! »

Je le regarde perdre ses dernières forces dans sa lutte pour se trainer vers le talus et avant que je me décide à bouger, il est mort.

Pauvre petit chat. Ses maîtres vont être si tristes…

C’est à ce moment précis que les phares du camion m’ont aveuglée. Je me souviens de la lumière, du klaxon strident et du choc.

Juste avant que je ne m’envole dans les airs comme une poupée de chiffon…