Astérisque et périls [Défi N°9/ club "Jetez l'encre!" ]

rafistoleuse

Tu faisais un peu colonne,  accoudée au bar, avec ta chevelure circonflexe, toute immense sur tes aiguilles. T’étais belle, ta peau quadrillée chocolat-miel-chocolat par le jeu du soleil avec le chapeau de la vieille dame à côté de toi. T’as piqué ma curiosité. Et puis les heures et les verres faisant heureuse coordination, j’avais trouvé le courage de t’interpeler.  

Jusqu’à ce que je te croise ton portrait dans mon paysage, je déambulais comme un antonyme désarticulé. Je sortais à peine d’une liaison dont le final muet m’avait sauvagement secoué. J’avais ce poids d’interrogations sur le cœur qui plombait chacun de mes pas. Je virgulais entre phases exclamatives et phases dépressives. J’avais perdu mon point d’ancrage.

 Et puis, il y a eu toi. Toi, un peu caractérielle, qui aime pointiller sur des détails sans importance.  Toi et tes sourires miniatures. Je ne sais pas comment j’ai fait pour avoir cette chance, de t’apercevoir en bordure de ma route, grâce à toi, j’ai retrouvé la trame de mon histoire. J’étais un peu en retrait, je voulais m’accorder une marge de réflexion. Je  voulais juste que tu ne me presses pas, je n’avais pas pieds. J’avais du mal à me justifier.  J’entrouvrais les grilles mais… 

T’as su pointé de l’index toutes les conclusions sommaires auxquelles j’étais arrivé trop vite. T’as surligné mes terreurs, pour mieux les éradiquer. T’as corrigé mes perceptions,  changé mon impression sur les gens, la vie, sur moi. T’as déterré tout ce que j’avais masqué, t’as réactivé cette part d’oubli. 

Mais on avait tout juste commencé un nouveau chapitre, que tu me  mettais au pied de la page.  Tu m’as dit que ça faisait trop longtemps que j’avais mis ma vie entre crochets, que tu voulais vivre en grand et en italique. Que tu rêvais de blancs espaces. Qu’on était emphase et que c’était maintenant où jamais de se tirer. Pour qu’on s’en sorte sans trop de casse. Tu m’as dit qu’on ne pouvait rien prévoir, que c’était comme ça, les alinéas de la vie. Qu’il fallait pas pour autant attendre sagement qu’on nous envoie à la corbeille.

T’étais si majuscule que j’ai suspendu mes points à tes poignets. Combien de pages de pages nous restait-il à défiler ? Je n’en avais que faire. T’avais ponctué ma vie d’éclats de toi, et j’étais prêt à laissé le bonheur imprimer nos cœurs, nos têtes, nos peaux. 


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