Ecriture à rebrousse mots
Mathieu Jaegert
Arnaud, au moment de boucler l’écriture de son premier sketch, avait soufflé. Soulagé, il avait entrepris une relecture minutieuse, de la majuscule initiale, au point final. En réalité, il s’agissait de points de suspension. La remarque qui lui était venue alors, immédiatement après le fait que terminer son sketch par un point d’exclamation, trois points de suspension ou un simple point n’avait strictement aucune importance, tenait au contenu du texte. Il avait travaillé d’arrache-plume à ciseler des blagues drôles et le résultat dépassait ses espérances. Les jeux de mots étaient tellement subtils qu’il n’avait pas compris grand-chose en relisant. Mais tout ça faisait partie du passé. Aujourd’hui, il avait décidé de s’attaquer à la conception d’un texte absurde.
Les lignes de ce genre étant généralement vides de sens ou pleines de significations cachées, Arnaud avait choisi d’entamer son récit par la fin. Il était persuadé en procédant de la sorte, de débusquer plus facilement les sens les plus fins, et ainsi de mieux comprendre ses propres écrits. Les jeux de mots seraient pris à revers et, s’ils échappaient à toute logique, ne pourraient en revanche pas lui échapper !
D’ailleurs, écrire à contre-sens ne pouvait mener à la sortie de route puisque les maîtres de l’absurde en avaient fait l’art du double-sens. Le flot des mots était donc autorisé des deux côtés.
Soudain grisé par les promesses de succès et certain d’arriver à ses fins, il avait vite retenu une entrée en matière terminale, soigné sa chute, et trouvé le mot de la fin. Puis il avait laissé carte-blanche à son stylo, chargé de débrider son écriture à rebrousse mots. Après tout, écrire des choses insensées dans tous les sens, ce n’était pas censé présenter moins de sens que de lire entre les lignes. On lisait bien en diagonale, ce qui en soit était assez absurde, pourquoi ne pas écrire également entre les lignes. Quoi qu’il en soit, Arnaud n’avait pas hésité. Même pour de l’absurde, il fallait bien choisir un sens. Et Arnaud avait choisi. Débuter par la chute lui permettrait en outre de ne pas la prendre par surprise, et ainsi de ne pas tomber de haut.
Et, s’il était de bon ton d’éviter les non-sens, il n’y avait pas de sens meilleur qu’un autre a priori. C’était une question de bon sens. A fortiori, le texte aurait autant d’interprétations que de lecteurs. Si les uns allaient buter contre l’essence même du récit, les autres choisiront la bonne diagonale, et là était l’essentiel.
Il s’était dit qu’il aurait tout le recul nécessaire pour voir venir tranquillement le début du texte. En vain. Tant pis, proposer un début n’était pas une fin en soi. Il le remplacerait par une remarque liminaire, préliminaire ou, mieux, par un avertissement :
« Ces lignes constituent le premier texte absurde de l’auteur qui a choisi d’écrire à contre-courant. Veuillez ne pas rester sur votre fin suite à l’absence de commencement qui ne doit en aucun cas vous dissuader de poursuivre votre lecture. Soyez assuré d’une chute meilleure, ou en tout cas existante…»
Cela ferait l’affaire…
Et puis ne pas s’imposer de thème lors de l’écriture d’un texte, tout absurde qu’il était, réduisait le risque de hors-sujets !
J'aime, ah oui, j'aime !
· Il y a plus de 11 ans ·Stéphan Mary
Bel exercice tout à fait réussi
· Il y a plus de 11 ans ·reverrance
En un mot, comme en deux : j'adore et je m'interroge sur la ponctuation la plus pertinente pour clore cette minimaliste remarque, aussi, disons que je m'exclame à un temps que tu as su mettre en suspension.
· Il y a plus de 11 ans ·a-la-claire-fontaine
Renversant !
· Il y a plus de 11 ans ·Chris Toffans
Un texte qui se mord la queue. ou j'ai pas compris ! ce qui se peut aussi ! mais bon...c'est bon...
· Il y a plus de 11 ans ·lyselotte
T'es pas hors sujet par rapport au thème que tu as refusé de t'imposer au départ, voire à la fin ? Un bel exercice de style, comme d'hab ;)
· Il y a plus de 11 ans ·Anne S. Giddey
Merci et sympa Mat d'avoir pris le temps de lire ma nouvelle... Du coup, je viens te lire, eh oui toujours et souvent en décalage ou trop à lire et à produire lol... mais ceci dit, il est très bien ton texte et mérite d'être lu et relu dans tous les sens. Fonce, fonce : Ta plume évolue à toute allure mais je sais que tu ne crains pas les chutes ;))
· Il y a plus de 11 ans ·Apolline
Je suis pareil que carmen sauf que moi c'est une page au hasard... ca evite de lire la chute par hasard... rigolo comme texte surtout que arnaud est le nom de mon ET... et que pour dire des conneries il n'a pas besoin de leur donner un sens...
· Il y a plus de 11 ans ·cerise-david
Ma façon de feuilleter un livre avant achat : commencer par la fin. Une lecture à l'envers est révélatrice de la teneur du livre... alors l'écriture que tu préconise pourrait peut-être bien réserver des surprises !
· Il y a plus de 11 ans ·carmen-p
En diagonale, en pointillé, tiret... en ligne droite, pourquoi pas et de la fin au début... Et s'il retombait sur ses pattes, qui sait?
· Il y a plus de 11 ans ·yoda
!L'absurde jusqu'à poussé sens bon de plein texte ce pour Mathieu félicitations
· Il y a plus de 11 ans ·arthur-roubignolle
En fait tout cela est une histoire de lignes... A lire en tout sens ! Bravo Mathieu
· Il y a plus de 11 ans ·nilo
Merci Mathieu, un autre texte inspiré et inspirant. Au sujet de l'absurde, ça me rappelle la réflexion de Gotlib: " j'aime apporter ma pierre à l'édifice de la culture moderne, sous forme de goutte, qui amène de l'eau au moulin sans toutefois faire déborder le vase...." Lol
· Il y a plus de 11 ans ·Alain Le Clerc
alors voilà donc du découpage de cheveux en quatre, tiré à quatre épingles, par les cheveux bien sûr, en suivant les pointillés de préférence, et en prenant les sens interdit, ça tombe sous le sens, le sens de repousse des cheveux qui on le sait, poussent debout. bon week end .
· Il y a plus de 11 ans ·flifla
Depuis quand n'aurait-on plus le droit de chuter vers le ciel ?
· Il y a plus de 11 ans ·Bon week end Mathieu ;-)
riatto
Bonjour,
· Il y a plus de 11 ans ·je souhaiterais devenir partenaire de WLW et, pour commencer, lancer un concours intitulé : "Moi si j'étais une femme".
Quand pensez-vous ?
Avec mes sincères salutations
Koumi
koumi