Mais je me fous des autres c'est toi que je veux bordel !
Stéphan Mary
Mais je me fous des autres c'est toi que je veux bordel !
C'est trop dur, trop douloureux, trop tout. Il n'arrête pas de pleurer. Il a les tripes en bouillie, le cœur en poussière. Il est allé chez Emma ce matin. a sonné, a entendu "Entre". Elle l'attendait. Il est entré dans le salon et l’a vue, assise sur le canapé qui fait face à la fenêtre, immobile. Sans se tourner vers lui, elle a dit d'une voix atone "Allons dans la roseraie".
Ils se sont assis côte à côte, leurs regards posés sur le parterre de roses Baccaras noires, ses préférées. Ils ne se regardent pas. Il dit
- Ce n'est plus possible. On arrête
- Oui.
Un oui monocorde, dans la réalité d'une relation qui fatalement prend fin. Un sanglot lui étrangle la voix
- Je t'aime
- Je t'aime aussi _un silence_ mais je ne peux pas te donner ce que tu veux.
Il sent l'eau couler de ses yeux. Il ne retient rien. Elle prend sa main. Il serre fort. Elle parle doucement. Il n'entend pas.
Il a mal, horriblement mal. Il n'imagine pas ne plus la voir, ne plus l'étreindre mais il sait que c'est irrémédiable. La passion charnelle adoubée à une histoire d'amour contre l'absence, la froide et assassine absence.
Il se laisse aller à pleurer franchement. Des gargouillis sortent de sa gorge. Il sanglote comme un bébé. Elle l'attire contre elle, lui tient la tête dans son cou. Il se gorge de son odeur, s'imprègne pour le restant de ses jours. La douleur le lacère de part en part. Ses boyaux se tordent. Il va vomir l'aversion du manque à venir
Alors il cherche avidement sa bouche. Elle se donne dans l'instant, leurs dents s'entrechoquent dans un combat de boxeurs, un baiser uppercut jusqu'au boutisme. Elle pleure elle aussi. Il sent ses larmes s'écraser sur sa lèvre. Ils s’étreignent.
Le désir ressurgit, ultime conviction des corps pour se battre contre la cynique réalité.
Elle dit "Non". Il sent ses mains se poser sur les siennes et les détacher sans violence mais fermement de son dos. Lui revient le clown triste. Le clown l'observe de ses yeux mélancoliques. Il a perdu quelque chose. Il lui signifie : « Toi aussi tu as tout perdu, en une soirée, en un verre de trop. Tu as perdu Emma ! »
Emma je t'ai perdue. ... Au secours j'ai perdu Emma
- Je ne pourrais pas survivre
- Si tu pourras... avec le temps. Je sais que pour le moment ça ne veut rien dire mais tu verras. Le temps répare beaucoup de choses
- On peut continuer à se voir ? Il s’engouffre dans cette possibilité comme on se jette à l'eau
- Non, ce n'est pas raisonnable. Je ne pourrais pas tenir
Il dit épuisé
- Qu'est ce que tu ne pourras pas tenir ?
- L'envie de toi, l'envie absolue d'être avec toi. Je t'aime mais... mais je ne peux pas. J'ai mon autre vie, les enfants. Je ne veux pas qu'ils pensent que leur mère est …
Elle s'arrête alors il enchaîne
- Infidèle ?
- Et même si... . Il n'y a qu'avec toi. Jamais un homme ne m'a attirée autant auparavant _un silence_ jusqu’à toi... toi si ! Tu es arrivé dans ma vie comme un boulet de canon mais ça va trop vite et je n'ai plus la maîtrise de rien. Ca ne peut pas continuer comme çà. Je suis en train de fiche en l'air ce que j'ai mis des années à construire : un équilibre. Et même si cet équilibre est fragile je ne veux pas le perdre. Sa voix se casse. Tu m'obsèdes... et les enfants s'en rendent compte, je suis moins disponible, je ne veux pas de ça. Il faut que je me reprenne. Je t'aime mais je ne vivrais pas avec toi. Je ne m'en sens pas le courage. Je suis désolée. _un autre silence_ Tu es une personne très bien et tu es jeune. Quelqu'un d'autre saura t'aimer comme tu mérites d'être aimé, pleinement. J'en suis sûre
Il rugit : mais je me fous des autres c'est toi que je veux bordel ! Il dit ça la tête baissée, sa nuque lui fait terriblement mal.
Un très long silence. Au bout d'un moment il se lève "Je m'en vais.". Elle ne répond pas. Elle se redresse et lui emboîte le pas. Elle ouvre la porte d'entrée de l'immeuble. Il fait dix mètres et se retourne vers elle
- Emma ! Normalement tu devrais venir en courant, tu devrais te jeter dans mes bras en pleurant que c'est une connerie, que c'est pas vrai, que tu m'aimes trop pour qe l’on se quitte comme ça. Ca devrait finir dans un happy end. On s'arrangerait pour se voir sans que ça ne te dérange et ça durerait des années. Sa voix aussi se brise. Oh merde Emma je t'aime
- Je t'aime aussi mais on n'est pas dans un film. Puis elle répète : on n'est pas dans un film.
La porte s'est refermée. Par une fenêtre fuse une musique lancinante, répétitive, métallique. La vie est là, urbaine, insupportable.
Cet amour impossible et la révolte de l'amant! C'est cruel, mais si bien écrit!!
· Il y a environ 11 ans ·Colette Bonnet Seigue
Alors moi j'y ai cru, à la happy end, mais je trouve que ton texte a encore plus de force avec cette chute. Parce que la vie ce n'est pas un film, c'est vrai, et la réalité implacable nous rattrape toujours.
· Il y a environ 11 ans ·Bref, j'aime beaucoup !
C'est drôle de voir ce qu'un même musique nous inspire à chacun... C'est vraiment intéressant !
rafistoleuse
L'histoire d'une rupturre superbement écrite. Tes personnages ont de la chair et du vécu. Bravo
· Il y a environ 11 ans ·hectorvugo
Merci de vos commentaires. Elisabeta, Sophie, comme dit Emma "On est pas dans un film" et comme l'explique cette phrase, on est dans l'image in air ! Texte de visualisation. Mais c'est elle qu'il veut Bordel ! Et la vie continue... Ou pas !
· Il y a environ 11 ans ·Stéphan Mary
Je suis un peu d'accord avec Elisabetha. J'ai été bien prise jusqu'à l'explication d'Emma coupant court à l'imagination suscitée par le début de ton histoire dont la lecture est toujours aussi agréable.
· Il y a environ 11 ans ·sophie-l
oh quel cinéma! j'aurais aimé moins de détails et plus de "suggéré" pour imaginer la scène et non la regarder. Pour le reste l'écriture est toujours impeccable.
· Il y a environ 11 ans ·elisabetha
Ohlala ça me fout les boules. C'est trop beau et trop triste!
· Il y a environ 11 ans ·alcestelechat
Je ne commenterai qu'en trois lettres... CDC
· Il y a environ 11 ans ·Archange Flippé
Une belle histoire d'amour qui fini mal... Mais elles finissent toujours mal, a la fin !
· Il y a environ 11 ans ·nilo
Superbe !
· Il y a environ 11 ans ·tendresse
Ah oui j'adore la dernière phrase ! Intéressant ce que t'inspire la musique. Mais il est plein de désespoir ce texte ! Déchirant en tout cas ! Et le "Quelqu'un d'autre saura t'aimer comme tu mérites d'être aimé" mon dieu y'a rien de pire à dire !
· Il y a environ 11 ans ·octobell
La dernière phrase...sans concession. Tranche avec le reste. J'aime.
· Il y a environ 11 ans ·El. Imy
Une belle écriture. Point, virgule, point. Du rythme.
· Il y a environ 11 ans ·arteffact
J'ai adoré. J'ai lu sans reprendre mon souffle. Sans doute que jy ai cru jusqu'à la fin cruel. Cdc. Ya rien d'autre a dire la vie est cruelle... mais l'amour est la. Partout entre ses lignes...
· Il y a environ 11 ans ·cerise-david
Tragédie du quotidien et tu la décris avec les cris de l'âme emportée d'un homme qui sent sa vie déchirée par une douleur sans nom !
· Il y a environ 11 ans ·Un beau texte qui prend au tripes !
matt-anasazi
Merci ! Merci de ce moment ! Qui font écho à mes propres sentiments ! Mais oui, on n'est pas dans un film ...
· Il y a environ 11 ans ·heartthrob
Les émotions passent bien, je visualise bien la scène et le dilemme grâce à l'écriture et sa bonne qualité. J'aime particulièrement la conclusion: "la vie est là, insupportable".
· Il y a environ 11 ans ·Je ne sais plus si c'est sur ce site, mais j'avais lu la phrase suivante: "si la vie est un cadeau, le monde est sa punition". En l’occurrence, les circonstances empoisonnent la vie. Et la voici devenue insupportable.
Tragique... Cœurs...
bis