c'est vendredi, c'est ravioli!

Karine Géhin

— C’est vendredi, c’est ravioli !

 J’ai crié depuis la cuisine pour qu’il m’entende du salon, par-dessus le bruit de la télé et de la machine à laver.

— Quoi ?

Je lui dirais bien qu’on ne dit pas « quoi » mais « comment », mais j’ai peur que s’ensuive un véritable dialogue de sourds.

— Je disais : c’est vendredi, c’est ravioli !

En fait, ce n’est pas vrai, c’est saumon grillé, riz et julienne de légumes. Mais c’est trop long à dire.

— Ah bon ? Tu crois que c’est l’heure ?

Mais c’est pas vrai ça, il ne comprend rien ou quoi ? Ça veut dire « à table » ! Donc oui, c’est l’heure ! De manger en l’occurrence !

— Oui ! J’ai la dalle !

Je crie plus fort. La machine à laver est en mode essorage.

— Tu crunchburjule ?

Je ne comprends rien à son baragouin mais je précise :

— Oui ! Installe-toi !

Pendant qu’il se met à table, je sers le repas. Je fais une belle assiette, avec une rondelle de citron et tout le toutim.

— Dépêche-toi !

Dépêche-toi ? Mais où il se croit cet homme de Cro-Magnon ? Moi aussi j’ai faim, mais quand même !

— J’arrive !

Ah ça, pour arriver, j’arrive. Mes deux belles assiettes à la main. J’entre dans le salon, qui fait aussi office de salle à manger, et que vois-je ? Rien. Il n’y a personne. Je pose les assiettes et je m’énerve un peu :

— Mais t’es où ?

— Ben, dans la chambre !

Je marche vers la pièce en question. Au pas militaire. Digne mais passablement agacée. Qu’est-ce qu’il fabrique cet animal ?

J’entre dans la chambre et qu’y vois-je ? (on prend les mêmes et on recommence !)

Mon chéri-chéri à poil, allongé sur le lit. Dans toute sa splendeur et sa rigidité de mâle en attente…

Sauf que là, il me gonfle. Faut pas déconner !

— Qu’est c’que tu fous ?

— Tu m’as dit « si ça te dit, on va au lit ! »

— J’AI DIT « c’est vendredi, c’est ravioli ! ».

— Ah.

Pourquoi il bouge pas ? Il devrait sauter dans son slip ! Et filer à table. Avant que je m’énerve pour de bon !

— Alors ?

— Alors rien. Tu viens ? On va faire ravi-au-lit !

— …

FIN (ou FAIM, comment vous le sentez !)

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